Journal de l'Islamophobie

Injures racistes, violences et Coran déchiré: Une interdiction définitive d’exercer requise contre les 5 policiers

- Le procureur de la République de Nice, Damien Martinelli, a requis des peines allant de 12 à 18 mois de prison avec sursis à l’encontre des 5 prévenus.

Feiza Ben Mohamed  | 25.10.2025 - Mıse À Jour : 25.10.2025
Injures racistes, violences et Coran déchiré: Une interdiction définitive d’exercer requise contre les 5 policiers Palais de Justice de Nice (Alpes-Maritimes), le 24 octobre 2025 (Feïza Ben Mohamed / Anadolu)

Ile-de-France

AA/Nice/Feïza Ben Mohamed


C’est un procès très peu banal qui s’est ouvert ce vendredi 24 octobre devant le Tribunal Correctionnel de Nice. Sur le banc des prévenus, cinq policiers, et un jeune homme, partie civile, qui témoignait depuis le box, alors qu’il est incarcéré dans le cadre d’une autre affaire de droit commun.

Devant une salle comble, les cinq fonctionnaires, qui comparaissaient notamment pour injures racistes, violences aggravées et refus du droit à la dignité ont été confrontés à leurs actes et à un enregistrement audio, qui n’a pu laisser que très peu de place au doute.

Au terme des débats, le procureur de la République de Nice, Damien Martinelli, venu requérir en personne, a réclamé des peines allant de 12 à 18 mois de prison avec sursis et une interdiction définitive d’exercer au sein de la police nationale, contre les cinq policiers.



- Les faits:

Le 22 juillet dernier, Mohamed C. est interpellé par un équipage de police, alors qu’il se trouve dans le quartier des Moulins. Très vite, il a le réflexe d’activer le dictaphone de son téléphone et c’est donc grâce à cet enregistrement, que le parquet a pu, saisir l’IGPN (inspection générale de la police nationale) afin qu’une enquête soit ouverte.

Après avoir balayé une demande de huis clos, et énoncé les éléments contenus dans le dossier, la Présidente du Tribunal a décidé de diffuser dans la salle d’audience, cet enregistrement de 32 minutes.

Quelque 32 minutes glaçantes durant lesquelles la victime est injuriée, humiliée et menacée. 32 minutes durant lesquelles aucun des cinq fonctionnaires n’intervient pour faire cesser le supplice du jeune tunisien de 18 ans. 32 minutes durant lesquelles des coups sont audibles. 32 minutes durant lesquelles il est traité de la pire des manières par des fonctionnaires de police, parfois hilares.

Dans le détail, on entend distinctement des policiers le traiter de « sale Arabe », de « bougnoule », de « voleur de France », de « clandé » venu en France pour « violer des Françaises » et « voler les Français ».

« Arrête de parler bougnoule sinon je t’arrache la tête », « rentre chez toi dans ton pays » peut-on même entendre.

À moins deux moments distincts, des bruits de coups retentissent alors que la victime pleure et supplie les policiers d’arrêter de lui porter des coups.

Mais un épisode particulièrement marquant a été au cœur de longues tergiversations de la part des accusés : celui du Coran. La victime, qui transportait dans sa sacoche, un exemplaire miniature du livre Saint, affirme avoir été frappée avec, avant que des pages ne soient arrachées pour lui être mises dans la bouche.

« Ils ont déchiré mon Coran, l’un s’est essuyé les aisselles avec. Ils ont déchiré des pages et ils ont marché dessus avec leurs chaussures et un policier a essayé de me mettre les pages dans la bouche » a témoigné la victime alors-même que la bande sonore confirme que l’un des fonctionnaires lui a lancé « il n’y a qu’un seul Dieu, c’est Jésus », après avoir injurié la religion musulmane.

Sur ces faits précis, les policiers affirment qu’il ne s’agissait pas d’un Coran mais d’un carnet de comptabilité du trafic de stupéfiant, écrit en arabe et ramassé à proximité d’un point de deal.

Rapidement après les faits, le procureur de la République de Nice, est informé, par les policiers enquêteurs, de l’existence de cet enregistrement dans lequel leurs collègues sont impliqués.



- L’enquête :

Les cinq fonctionnaires sont placés en garde à vue le 16 septembre, avant d’être libérés sous contrôle judiciaire avec interdiction provisoire d’exercer et interdiction d’entrer en contact les uns avec les autres.

Tout au long de la procédure et lors de leurs auditions, chacun s’est borné à sa version. Trois d’entre eux reconnaissent des « propos déplacés », « des propos houleux » mais nient complètement la dimension raciste de leurs actes.

Les deux autres, le chauffeur du véhicule de police et le chef de bord affirment, de leur côté, n’avoir absolument rien entendu de ce qui pouvait se passer à l’arrière du véhicule.

À l’audience, l’un des accusés a concédé un « comportement déplacé » et invoqué « un énervement » lié à une situation personnelle, mais également à la difficulté d’exercer dans les quartiers dits « de reconquête républicaine ».

« Il y a eu de mauvaises blagues (…). C’était un exutoire (…) après de longues vacations difficiles en quartiers de reconquête républicaine » a-t-il plaidé à la barre.

- Le réquisitoire du parquet :

Alors que la bande sonore enregistrée par la victime et le certificat médical établi par le médecin légiste vient confirmer qu’elle a subi des violences, les accusés n’ont rien reconnu sur ce volet-là.

Avant le procureur, Maitre Kada Sadouni a réclamé 15 000 euros de dommages et intérêts pour son client, sans manquer de dénoncer l’axe de défense des prévenus.

« Si on n’arrive pas à gérer son stress, on pose son uniforme. J’ai eu l’impression par moment que c’est mon client qu’on jugeait. Nous avons eu une concertation frauduleuse pour servir cette version du carnet qui ne serait pas un Coran alors qu’on entend clairement les policiers évoquer eux-mêmes la présence d’un Coran. Les constatations médico-légales viennent confirmer les violences subies par mon client » a-t-il plaidé.

Après lui, le procureur de la République, Damien Martinelli, a pris la parole pour un réquisitoire sur mesure.

Se disant « triplement triste, d’abord pour ce que Mohamed C et Amir B ont subi » mais aussi pour avoir à « requérir contre des fonctionnaires de la police nationale » et « pour l’institution ».

« Ce sentiment de tristesse, je l’ai eu quand j’ai écouté l’audio. Et à la tristesse, il fallait tout de suite apporter une réponse de fermeté, c’est ce à quoi s’est attaché le ministère public en saisissant l’IGPN. Il était indispensable que collectivement nous apportions rapidement une réponse à ces faits » a-t-il fait valoir.

Et de poursuivre : « Quatre fonctionnaires placés sous la responsabilité d’un cinquième vont humilier. J’ai été frappé par les décalages entre le souvenir lointain de ce qui s’était passé, et l’extrême précision sur ce petit carnet qui ne serait pas un Coran. On est venu nous servir cette histoire du petit carnet de comptes (…). Comment ne pas voir un fond de racisme ordinaire quand on voit l’accumulation de tels propos ?
Ce que disent Mohamed C et Amir B est confirmé dans l’audio. On peut les croire, même si l’un et l’autre sont connus des services de police. Mohamed C peut être un délinquant, mais il a le droit et les fonctionnaires de police ont le devoir de le traiter avec respect et dignité ».

Damien Martinelli juge par ailleurs qu’il « était très important d’écouter l’enregistrement ».

« C’était très intéressant d’observer la salle pendant la diffusion de l’audio, de regarder les visages qui se pincent en entendant les injures, les bruits de coups. L'enjeu du dossier ce n’est pas de savoir si untel ou untel a dit sale bougnoule ou sale arabe. Quand on entend l’audio, on entend du collectif. On entend des applaudissements, on entend « amchi lbled » (retourne au bled). On entend des fonctionnaires qui évoquent les coups et « je te frappe parce que tu m’énerves », « il convulse parce qu’il a pris des coups de Coran » » relève le représentant du parquet qui fustige des faits « d’une extrême gravité ».

Au terme d’un long réquisitoire, le dirigeant du parquet a finalement réclamé l’interdiction définitive d’exercer des fonctions de policiers pour les cinq accusés, ainsi que des peines de 12 à 18 mois de sursis considérant qu’il s’agit là de « lutter contre tout ce qui porte atteinte aux valeurs de la République ».

L’un des avocats de la défense a immédiatement dénoncé « une peine de mort sociale ».


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