Harkis en France : entre mémoire ignorée et islamophobie persistante
– Accusés de « militantisme islamiste », des descendants de harkis exclus des hommages officiels.
Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
Les harkis et leurs descendants font aujourd’hui face à une double peine en France, selon La Nouvelle République. Dans un article publié ce mardi, le quotidien algérien constate que la mémoire nationale de ces Algériens musulmans recrutés par l’armée française pendant la guerre d’indépendance de l’Algérie (1954-1962) est marginalisée, mais aussi qu'une forme d'islamophobie les rattrape.
Le média algérien dénonce une rupture symbolique entre la France et les harkis, évoquant un « divorce pratiquement consommé ». Il rapporte que la mairie de Pertuis (Vaucluse) a interdit à l’association Français Musulmans Rapatriés (FMR) de tenir une minute de silence lors de la Journée nationale d’hommage aux harkis, le 25 septembre. L’association est accusée de « militantisme islamiste », une décision qui a provoqué la stupeur parmi ses membres : « On n’a jamais vu ça, une minute de silence en hommage aux harkis interdite par la mairie de Pertuis », s’est indigné l’un d’eux, cité par La Nouvelle République.
Ce jour-là, les membres de l’association ont également été empêchés d’accéder collectivement à la stèle dédiée aux soldats musulmans ayant servi dans l’armée française pendant la guerre d’Algérie. Le qualificatif « musulmans » serait à l’origine de cette mise à l’écart, selon l’analyse du média algérien, qui dénonce une « stigmatisation décomplexée » des identités arabes et musulmanes.
L’article évoque par ailleurs l’expulsion de l’association FMR de ses locaux municipaux en février 2024, après que la mairie a rompu un bail en place depuis plus de cinquante ans. Une nouvelle convention, désormais révocable à tout moment, leur avait été imposée dès 2023, marquant un tournant dans les relations entre la municipalité et l’association.
Pour l’association, cette exclusion s’inscrit dans un climat d’hostilité grandissante envers les musulmans en France. Elle envisage de porter plainte pour « diffamation », considérant que les accusations portées à son encontre sont infondées et politiquement motivées. En parallèle, la cérémonie officielle organisée par la mairie s’est déroulée sans eux, en présence du sous-préfet et d’élus locaux.
Loin d’un simple désaccord local, cet épisode soulève des questions plus larges sur la place des harkis dans la mémoire nationale, mais aussi sur les nouvelles formes d’exclusion qu’ils subissent, malgré leur engagement passé aux côtés de la France.
Alors que la France multiplie les discours de reconnaissance envers les harkis, les actes sur le terrain semblent révéler une autre réalité : celle d’une mémoire encombrante, filtrée par des logiques identitaires et des tensions idéologiques. L’islamophobie, jadis dirigée contre d’autres groupes, semble désormais s’étendre jusqu’à ceux qui ont servi la République Française, selon le média algérien. Une dérive inquiétante, à l’heure où les débats sur l’identité nationale prennent un tournant de plus en plus clivant.
