FRANCE – Islam : Olivier Roy dénonce une “panique morale” autour de la visibilité religieuse
- Olivier Roy dénonce une “panique morale” autour de la visibilité de l’islam en France. Il critique un sondage Ifop jugé biaisé et fustige les amalgames entre religiosité, laïcité et islamisme, au cœur de débats politiques toujours vifs
Istanbul
AA / Istanbul / Wafae El Baghouani
Le politiste français Olivier Roy a estimé, dans un entretien accordé à Orient XXI, que « toute visibilité de la pratique religieuse de l’islam est perçue comme une manifestation de l’islamisme », critiquant les réactions suscitées par un récent sondage de l’Ifop sur la religiosité des musulmans de France.
Selon lui, l’enquête, commandée par un think tank européen proche des Émirats arabes unis, contribue à nourrir des « amalgames » et une « panique morale » autour de la présence musulmane dans l’espace public. Roy affirme que les conclusions du sondage interprètent de manière biaisée des pratiques individuelles, assimilées à tort à des intentions politiques.
Une lecture “erronée” de la religiosité
Le chercheur estime que la progression de pratiques visibles reflète davantage une reconstruction personnelle de la foi qu’un projet organisé. Il souligne que, selon les mêmes chiffres du sondage, une large majorité de musulmans déclarent pouvoir vivre leur religion dans le cadre de la société française.
Il juge que la confusion entre croyance religieuse et militantisme islamiste découle d’une méconnaissance générale du fait religieux et d’une instrumentalisation politique de la laïcité.
Opinions opposées
Certains spécialistes de la laïcité et plusieurs responsables politiques contestent toutefois la lecture d’Olivier Roy.
Ils estiment que la montée de marqueurs religieux visibles, notamment dans les établissements scolaires ou les lieux publics, nécessite une vigilance accrue pour préserver la neutralité institutionnelle.
D’autres observateurs jugent que certaines revendications religieuses peuvent parfois entretenir une ambiguïté entre expression spirituelle et demande politique.
Des élus de droite ont affirmé que les résultats du sondage confirment selon eux une progression d’un « islam identitaire », appelant le gouvernement à « renforcer les outils de protection de la laïcité ».
De leur côté, plusieurs organisations laïques considèrent que la visibilité religieuse accrue crée « de nouvelles tensions » dans certains secteurs publics.
Les débats sur l’islam et la laïcité occupent une place centrale dans la vie politique française depuis les attentats de 2015.
L’adoption de la loi contre le « séparatisme » en 2021 a renforcé les dispositifs de contrôle des pratiques religieuses dans l’espace public, tandis que les sondages portant sur la communauté musulmane suscitent régulièrement des controverses méthodologiques ou politiques.
La génération dite “Z”, plus diverse socialement, manifeste un rapport plus fluide à la religion, phénomène observé également dans les milieux catholiques avec l’émergence d’un courant « born-again ».
Selon Roy, cette évolution reflète une transformation générationnelle plus large plutôt qu’un basculement communautaire structuré.
Selon les dernières données du ministère de l’Intérieur, les actes anti-musulmans ont fortement augmenté en 2025, avec 145 incidents recensés entre janvier et mai, contre 83 sur la même période l’an dernier. Le nombre d’agressions directes a, lui, triplé. De son côté, le Collective Against Islamophobia in Europe (CCIE) fait état de plus d’un millier d’actes islamophobes enregistrés en 2024, un niveau nettement supérieur aux chiffres officiels.
