Expulsions d’imams, fermetures d’associations et de mosquées: inquiétante chasse aux sorcières contre les musulmans

France
AA/Nice/Feïza Ben Mohamed
Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin l’a dit et l’assume sans détour: « moins d’une centaine de personnes » qu’il qualifie « d’agitateurs d’associations » et des imams vont être ciblés par des procédures d’expulsion.
Dans le sillage de l’affaire Hassan Iquioussen, et malgré les nombreuses critiques, l’Exécutif poursuit inébranlablement son action contre un prétendu « séparatisme ».
Depuis l‘entrée en fonction d’Emmanuel Macron en 2017, pas moins de 734 personnes ont été expulsées par Paris, désignées par la Place Beauvau comme « des extrémistes religieux ».
Et pour poursuivre son entreprise, Gérald Darmanin se réjouit ouvertement de disposer désormais, outre sa loi contre le « séparatisme », d’une décision (provisoire) du Conseil d’Etat qui « permet de dire que quelqu'un qui a des enfants, qui est marié en France, qui est né en France peut quand même 58 ans après, être expulsé ».
Il se félicite à cet effet que cet arrêt concernant Hassan Iquioussen, puisse « permettre d'évoquer d'autres cas dans les prochains mois et dans les prochaines années ».
Mais dans les faits, les mesures restrictives qui visent certaines personnalités ou figures musulmanes ne datent pas de la loi entrée en vigueur en août 2021.
- le cas du prédicateur Hani Ramadan, précurseur de l’offensive
Le nom d’Hani Ramadan est évidemment très connu des musulmans en Europe, et particulièrement en France puisque pendant des années, il a arpenté le pays, donnant cours et conférences aux jeunes et moins jeunes, à l’invitation de diverses associations.
Mais depuis avril 2017, Hani Ramadan fait l’objet d’une interdiction administrative du territoire français, renouvelée en juillet dernier pour une période de cinq ans.
Dans un entretien à l’Agence Anadolu, Hani Ramadan dénonce la reconduction de cette mesure et dresse un état des lieux inquiétant de la situation dans l’hexagone.
« J’ai démontré depuis Genève par une série de 5 conférences que tous les reproches qui m’étaient faits reposaient en réalité sur des accusations fallacieuses, autour notamment des thèmes de la laïcité, de la dignité de la femme, du soufisme, du conspirationnisme et de l’antisémitisme » explique l’enseignant.
Ce dernier, qui est également directeur du centre islamique de Genève, a pris l’initiative d’adresser un courrier au ministère de l’Intérieur « pour lui signifier le caractère honteux de la procédure mise en œuvre pour (lui) confisquer (sa) liberté de parole pour cinq nouvelles années » et rappelle « qu’aucune de (ses) actions en France n’a jamais constitué le moindre trouble à l’ordre public ».
« Je réprouve depuis toujours l’antisémitisme, qu’il ne faut pas confondre avec la dénonciation légitime des exactions sionistes. Mes écrits et ma pensée récusent le terrorisme sous toutes ses formes, qu’il ne faut pas confondre avec la résistance légitime d’un peuple dont on vole en Palestine, le territoire en violant systématiquement le droit international et les Conventions de Genève » martèle Hani Ramadan, qui fait l’objet de diverses accusations liées à ses prises de position politiques.
Expliquant avoir « déposé début septembre au Tribunal administratif de Paris une requête en annulation de la décision du ministre » il se dit prêt à aller « jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme s’il le faut » considérant que « ces mesures injustifiables » prises à son encontre sont liées « à la volonté de répondre à la doxa qui sévit en France, doxa imprégnée d’islamophobie par le travail des médias dominés par les lobbies argentés ».
Et d’un point de vue plus global sur la situation des musulmans dans le pays, Hani Ramadan pointe une volonté du gouvernement, de « mettre à exécution un agenda qui vise à rendre l’Islam invisible dans la sphère publique, et à s’aligner sur les positions islamophobes de l’extrême-droite à des fins purement électoralistes ».
« Il n’est pas question de protéger le bien commun selon les valeurs républicaines, comme ils le prétendent. Seulement de se plier à la volonté malsaine des élites financières qui tiennent la majorité des médias influents en France, et qui orientent l’opinion publique vers la haine de l’Islam, et pervertissent ainsi la démocratie » grince enfin le prédicateur.
- Dans les rangs musulmans, l’inquiétude
Si l’affaire Hassan Iquioussen a suscité un vent d’indignation dans les rangs musulmans et des associations de défense des droits humaines, l’Exécutif apparaît comme déterminé à poursuivre sa politique répressive.
Fondateur de la plateforme Islamophobia, Rafik Chekkat, qui est également avocat, pointe des « annonces du ministre de l'Intérieur qui ne laissent présager rien de bon ».
Il craint naturellement que « des décisions d'éloignement du territoire puissent être prises par le seul ministre, sur la base de sa seule volonté politique » et qu’il pourrait « ainsi être reproché aux imams, des propos critiques envers la politique islamophobe du gouvernement ».
« D'ailleurs, des mosquées ont déjà été fermées pour le simple motif que l'imam qui y exerçait a émis des réserves sur le bienfondé des dissolutions du Collectif contre l’islamophobie en France ou de BarakaCity » souligne ce spécialiste des questions de discriminations visant le musulmans.
Pour lui « le message est clair : les imams et responsables associatifs ont le droit d'être d'accord avec la politique gouvernementale ou de se taire », même s’il ne manque pas de mentionner le fait que « même les imams qui ont appelé à voter pour Emmanuel Macron lors de la dernière présidentielle et ce malgré le bilan effroyable du président en matière d'islamophobie, se trouvent aujourd'hui dans le viseur du gouvernement ».
Pour autant, certains observateurs estiment que l’affaire Hassan Iquioussen pourrait être « le coup de trop » et provoquer une prise de conscience au sein des communautés musulmanes françaises.
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