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Algérie/ Privatisation de l’Université: Sésame pour la réforme ou exclusion des pauvres?

Mohamed Hedi Abidellaoui  | 04.04.2017 - Mıse À Jour : 05.04.2017
Algérie/ Privatisation de l’Université: Sésame pour la réforme ou exclusion des pauvres?

Algeria


AA/ Alger/ khedidja Baba-Ahmed


L’Université algérienne est-elle définitivement prête à s’ouvrir au privé ? La réponse est oui, si l’on s’en tient aux dernières déclarations d’Abdelkader Hadjar, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.

On parle de l’ouverture de l’université au privé depuis au moins une dizaine d’années. Cette fois-ci semble être la bonne. La question n’est toutefois pas aussi simple même si les déclarations du plus haut responsable du secteur semblent catégoriques.

Son appel au privé est on ne peut plus clair : « Toutes les personnes physiques de droit privé désirant créer des établissements privés de formation supérieure, peuvent se rapprocher de la direction générale des enseignements et de la formation supérieure …pour retirer le cahier des charges ».

Que contient ce cahier des charges et à quelles conditions cette ouverture obéit ? Pour l’heure, l’on ne sait pas tout encore. Une limite est toutefois d’ores et déjà annoncée et formalisée par un décret de novembre 2016 : tous les domaines d’enseignement sont ouverts au privé, exclusion faite des sciences médicales. L’on sait aussi que le privé pourra assurer des formations supérieures de premier cycle (licence) et/ou de second cycle, master.

En outre, les programmes pédagogiques des postulants devront se conformer au canevas élaboré à cet effet par le ministère de l’Enseignement. Ce dernier assurera également le contrôle administratif et pédagogique des établissements privés. Un contrôle pouvant être effectué avant, pendant ou après la dispense d’un cycle de formation. L’autre limite impérative est relative aux contenus des formations qui devront respecter les valeurs nationales et les symboles de l’Etat définis dans la Constitution nationale , comme ils ne doivent, en aucun cas, porter atteinte à l’unité, à la sécurité et à la défense nationale. Sur les grandes lignes, comme on le voit, les textes sont fin prêts. Cette ouverture va-t-elle susciter un engouement ?


- Universités publiques «peu performantes»

Au regard d’un nombre considérable d’Instituts, d’Ecoles supérieures et autres grandes Ecoles privés, créés depuis une vingtaine d’années, et au vu du nombre important de retraits des cahiers des charges, l’on est tenté de dire que cette ouverture est la bienvenue pour les patrons de ces institutions. Comment pourraient-ils ne pas applaudir lorsque l’on sait que ces institutions se sont engagées dans un processus de formation sans que les diplômes qu’ils délivrent à leurs étudiants soient homologués par l’Etat. Certaines de ces institutions, surtout celles qui ont contracté un partenariat avec de très grands Instituts ou Ecoles de réputation internationale délivrent des masters notamment homologués par le partenaire étranger.

Certains autres établissements délivrent des masters internationaux reconnus à travers le monde et souvent obtenus à la suite d’une formation par alternance ou à distance. Les uns comme les autres assurent aux étudiants une employabilité nettement supérieure à ceux qui sortent du système public. Les multinationales et les entreprises privées nationales, notamment, recrutent plus aisément des sortants de ces institutions privées qui sont, selon leurs dires, opérationnels immédiatement. Est-ce à dire que le système d’enseignement public ne répond pas ou peu aux exigences du monde du travail ?

106 universités ou autres Ecoles supérieures publiques existent et sont réparties sur les 48 provinces du territoire algérien. Le nombre d’étudiants dans le système public en 2016 s’élève à 1,613 millions d’inscrits encadrés par 60.000 enseignants en Algérie. Ces chiffres sont importants, ce qu’ils recouvrent est moins glorieux et c’est le ministre du secteur qui l’avoue. Pour la première fois, il affirme que le système LMD (Licence, Master, Doctorat) appliqué à l’université depuis quelques années « est un échec ».

Mieux encore, poursuit le ministre « il a créé le chaos dans l’université algérienne ». Les chiffres donnés sont éloquents : il y avait avant l’application du LMD 3000 licences et on en comptabilise aujourd’hui 6000 ! Au-delà, le chargé du portefeuille de l’enseignement supérieur reconnait qu’il y a un véritable problème d’emploi au bout.

L’Autre gros problème à résoudre est le déséquilibre régional de la carte universitaire. Il y a incontestablement une inadéquation de certaines formations universitaires à l’environnement territorial des universités. Sinon, comment expliquer, par exemple, que des universités situées à Oran (Ouest), ne se sont pas impliquées dans des formations liées à l’industrie mécanique alors que des unités de fabrication ou de montage automobiles existent dans la région.

Il en est aussi de certaines universités situées dans des régions agricoles et qui forment à tout sauf à l’agriculture. Globalement, l’université n’a pas d’encrage dans la vie économique de la cité. C’est à tout cela qu’il est envisagé de mettre fin. Certains croient fermement qu’on y arrivera. D’autres sont beaucoup plus sceptiques et affirment que ce n’est pas l’ouverture au privé du secteur de l’enseignement supérieur qui va améliorer la situation.


- Est-ce la fin de la gratuité de l’enseignement ?


Certains experts qui sont généralement en même temps patrons d’établissements privés se répandent aujourd’hui dans l’acquiescement des mesures d’ouverture au privé. L’argument principal avancé est qu’aujourd’hui le secteur privé dans l’enseignement supérieur existe dans tous les pays du monde y compris en Corée du Nord et que plus près de nous au Niger, en Mauritanie, en Tunisie et au Maroc, des universités privées existent. Ils ajoutent, par ailleurs, que ce n’est qu’à cette seule condition que la qualité de l’enseignement pourra être améliorée dans la mesure où une émulation et une concurrence entre les universités élèveront immanquablement le niveau.

Mais qui pourra fréquenter les établissements d’enseignement supérieur privés rétorquent tous ceux qui craignent la mise en œuvre de nouvelles mesures ? Ce seront, répondent ces réfractaires, les enfants de riches, de nantis. Beaucoup s’élèvent contre le danger de la fin de l’enseignement gratuit. Certains ajoutent qu’avec l’ouverture de l’université au privé, ce sont les affairistes qui n’ont rien à voir avec l’enseignement, qui vont investir l’enseignement supérieur et le rendre encore moins performant et plus médiocre.

L'Algérie est classée au 83ème rang en matière de développement humain, selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Le PIB par habitant pour 2016 est de 7736 dollars US, alors que plus de 20% de la population, soit 6,5 millions d'Algériens vivent en dessous du seuil de pauvreté ( 2 dollars/jours), selon la Banque mondiale (BM).

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