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Quand la poule aux oeufs d'or court les dunes nigériennes

Une découverte "spectaculaire" fait de Djado un Eldorado.

22.05.2014 - Mıse À Jour : 22.05.2014
Quand la poule aux oeufs d'or court les dunes nigériennes

AA/ Djado (Niger)/ Bureima Balima

Récemment baptisée site aurifère, suite à « une découverte pour le moins intrigante », Djado, à 1900 km de Niamey dans l’extrême nord-est, draine depuis avril dernier des milliers de chercheurs d’or. Tchadiens, Libyens, Soudanais et Mauritaniens entre autres s’y disputent l’accès via les routes de l’espoir.

Là-bas, si certains se montrent réjouis par la découverte de ces richesses dont regorge le sol de leur région, d’autres se sont montrés gênés. Pour eux, au lieu d’être une bénédiction, l’or ensevelis sous le sable est jusque-là une malédiction.

Environ treize mille personnes selon les estimations des autorités communales et plus de soixante mille selon certains observateurs se sont retrouvés dans la bourgade « Toubou de Yaba » dans la commune rurale de Djado.

Tout ce beau monde a emprunté les routes de l’espoir, pour débarquer à près de 1900 km de Niamey, dans l’extrême nord-est du Niger en quête des « fortunes colossales » dont regorge le sol de la région.

Ce jour canicualiare de mai, ils étaient nombreux à évoluer sur un terrain rocailleux et sablonneux de plus de 20 mille Km². Venus de plus de quinze pays, ils se montrent en communion totale avec les cailloux et les dunes sablonneuses étalées à perte de vue. Munis d’appareils détecteurs de métaux et de pioches, les orpailleurs passent la journée à scruter le sol et décrètent l’état d’alerte à la moindre sonnerie de leurs appareils. Ils se déplacent sans cesse, Ils creusent sans répit et passent au peigne fin le sable et les cailloux qui leur tombent sous la main, jusqu’à l’obtention du métal précieux.   

« Nous ne creusons pas assez loin dans le sol » explique Ibrahim, un jeune orpailleur  nigérien d’une trentaine d’années, soulignant qu’au démarrage des travaux de recherche, au lendemain de la découverte, « les orpailleurs ramassaient à même le sol les pépites d’or ».

L’arrivée des chercheurs d’or a fait sortir la bourgade d’un long silence, la convertissant en un chef-lieu débordant de vie et de dynamisme.

Connue jadis pour la production du natron (matière servant à la fabrication du verre), du sel, des dattes ainsi que pour ses fortes potentialités touristiques, Djado, appelée également le Kawar (regroupant les oasis de BIlma, du Dirkou, du Djado et de Fachi), est tombée dans « une léthargie totale à la suite des rebellions armées des années 1990 et 2007 » se rappelle Agi Mardé Taher, ancien député de Bilma. Avec cette découverte de l’or, la zone « est en passe de devenir un pôle minier », pense-t-il. L’or exploité de manière artisanale est vendu à l’emporte-pièce, en dehors des circuits formels.

Il n’y a que la commune de Djado qui puisse en tirer profit à présent, puisqu’elle a institué, à la demande des premiers exploitants, une taxe sur les appareils. Un gramme par appareil et par jour lui est remis, en plus du versement de la somme de 20.000 FCFA (41,82 usd) à l’entrée dans le site, selon Sidi Abba Laouel, maire de Djado

Depuis la découverte de l’or dans cette région reculée du pays, les produits de première nécessité ont  connu une montée en flèche. Et le mot pénurie y est souvent entendu.

Les pâtes alimentaires, le lait en poudre, les biscuits sont des denrées rares et disparaissent souvent  des étalages des commerçants à Dirkou, Siguidine et Chirfa localités relevant de la commune de Djado). Il en est de même pour les bidons de 25 litres servant pour le transport et la conservation de l’eau et du reste des boissons.

« Il faut parfois attendre des journées entières pour s’approvisionner » tonne Ligari Abba, un habitant de la région rencontré à Dirkou.

Djado, située dans l’extrême nord-est du pays est à cheval entre le Niger, la Libye et l’Algérie. Elle est à environ 1900 Km de Niamey, la capitale et à 930 km d’Agadez, la plus grande ville du nord nigérien. Près de 4000 personnes vivent dans ses quatre oasis.

Selon Agi Mardé Taher, ancien député et ex-préfet de Bilma, la vie est concentrée essentiellement autour des quatre grands oasis (Bilma, Dirkou, de Siguindine et Fachi) peuplés par des Kanouris et des Toubous (principales ethnies).

 La vie s’y organise autour de la production de dattes, du natron et du sel, chaque oasis ayant ses propres spécificités.

 Les habitants vivent également « du commerce entre le Niger et les trois pays voisins »,  ajoute l’ancien parlementaire.

La découverte de l’or intervient, par ailleurs, à un moment où la zone est devenue une plateforme de transit pour des milliers de personnes en partance pour la Libye. Elle pourrait ainsi dissuader bon nombre d’entre eux pour y rester.

Pour M. Mardé, c’est plutôt la découverte qui est un évènement en soi et non l’existence de l’or à Djado : «  ce n’est qu’une concrétisation des idées reçues depuis longtemps dans la zone. Nous avons entendu parler de l’or à travers les archives coloniales avec notamment le triangle de l’espoir », se rappelle-t-il.

Le triangle de l’espoir est composé des plaines d’Agadem vers le sud (zone de production actuelle du pétrole nigérien), des falaises d’Orida (zone d’exploitation de l’or) et d’Iferouāne (commune rurale du Niger, dans la région d'Agadez, produisant l’uranium).  Le site aurifère e Djado « interpelle et intrigue », selon  Konaté Moussa, chef du département de la géologie, à la faculté des sciences et techniques de l’université Abdou Moumouni  de  Niamey.                                                                       

Dans une déclaration à Anadolu, il a expliqué que « dans la plupart des cas, l’or est contenu dans des sédiments alluvionnaires qui sont transportés et déposés par des courants d’eau. D’où la nécessité de mener des recherches à des milliers de mètres de profondeur. Or, dans le cas de Djado, « où l’exploitation se fait à une profondeur de près de 15 centimètres », il se trouve que l’or n’est pas transporté. ».

Sur le site du Djado, l’or se présente sous forme de fonderie. Ce qui constitue « une découverte spectaculaire » pour le géologue.

A ce propos, il émet deux hypothèses dans la formation de cet or dans cette partie du Niger. La première, géologique, suppose que les sources profondes auraient été montées à la surface, grâce à des facteurs thermiques (relatifs à la chaleur). La seconde hypothèse, plutôt d’ordre anthropologique, serait liée à une population ayant vécu dans la zone à l’âge antique.   

 « Vu le caractère massif et volumineux des échantillons, on peut dire que l’or aurait été travaillé et enfoui par les peuples de civilisations anciennes. »  suppose M. Konaté. 

« Seules des fouilles géologiques et archéologiques permettront de donner une valeur à cette découverte. » ajoutant qu’il est hasardeux de déterminer une longévité pour cette production.

Les recherches dans le Kawar, depuis les périodes coloniales se sont focalisées sur les glaciers rocheux et le pétrole. Les recherches de l’or a plutôt concerné le massif de l’Aïr, situé plus au Nord.

 
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