
AA/Douala-Cameroun/Pado Chemie
A Douala, capitale économique du Cameroun, les plus démunis prennent souvent le chemin des brocantes, véritables mines d’or de l’électroménager et des meubles à moitié prix, en provenance de l'Europe et des Etats-Unis.
Dans les rues et quartiers de Douala, les brocantes sont plus connues sous les qualificatifs de «vieilleries d’Europe», «déchets d’Europe», ou encore «poubelles d’Occident».
C’est pourtant dans ces «poubelles» que les plus démunis vont se ravitailler, en espérant acheter un objet «moins cher et qui tiendra plusieurs années».
Au quartier Akwa, centre commercial de la capitale économique, des rues ont été baptisées de manière informelle «rue de la brocante», «rue de la casse». Plus de 100 commerçants spécialisés dans la brocante y sont installés depuis plus de 30 ans.
David Niavi est «brocantier» (vendeur de brocante). Depuis plus de cinq ans, il vend des produits électroménagers, électroniques, ustensiles de cuisine, meubles de maison… en provenance de Belgique, d’Allemagne, d’Angleterre, de Hollande, de France, ou encore d’Italie.
«La brocante est l’ensemble des objets de seconde main, déjà utilisés par des européens en général. Dans ma boutique, je vends un peu de tout. Honnêtement, la brocante est faite pour les pauvres», indique à Anadolu le commerçant.
«Nous sommes là pour aider les pauvres. S’il n’y avait pas de brocantes, de nombreux habitants de Douala n’auraient pas un réfrigérateur par exemple car, en boutique, le plus petit vaut 110 000 F (181 USD) alors qu’on peut l’avoir pour 55 000 F ( environ 90 Usd) en brocante», renchérit Rhod.
Cette vendeuse exerçant depuis 20 ans explique à Anadolu qu’en brocante, les prix des produits varient entre 100 FCfa (0, 17 Usd) pour une cuillère ou une fourchette, à plus d'un million (1650 Usd) pour, par exemple un salon complet, soit deux fois moins chère que dans les boutiques ou grandes surfaces qui vendent du neuf, assurent la plupart des clients.
«Tout ce qui vient d’Europe ou des Etats-Unis est de bonne qualité, même si ça a déjà été utilisé là-bas», assure Steve Kuate, un client qui jure n’utiliser dans sa maison que des objets achetés dans les brocantes.
Henry, un autre client, détaille fièrement : «j’ai acheté par exemple mon matelas et ceux de mes enfants en brocante, à 35 000 F (57 Usd) l’un au lieu de 60 000 ou 100 000 F ( 99 ou 165 Usd) en boutique ».
Chez les « brocantiers » par contre, le business qui prospère pourtant depuis les années 1990 est en perte de vitesse ces derniers temps.
Selon Jeannine Ndonfack, commerçante depuis 10 ans, les droits de douane contribuent au déclin de leur activité.
«Nous dédouanons (chaque mois) un container entre 4 millions et 6,5 millions de F. Cfa (entre 6 920 USD et 11 245 USD) au niveau du Port de Douala, ce qui est énorme. Notre marge bénéficiaire est largement atteinte», confie-t-elle.
La charge est encore plus lourde chez les commerçants qui vont se ravitailler sur place en Occident.
« Il faut payer le billet d’avion, aller faire le tri dans les marchés à puces en Europe et aux Usa, les mettre dans des containers, payer à nouveau son billet d’avion pour le Cameroun et attendre environ 45 jours pour aller au Port dédouaner », détaille un commerçant.
Sur le marché, le prix d’un container varie entre 5 et 100 millions de Francs Cfa (entre 8250 et 165 000 Usd).
«Cela dépend de la contenance du container. Si tu achètes des ustensiles de cuisine et autres petits objets, tu ne paieras pas le même prix que celui qui achète des écrans plats, réfrigérateurs, meubles complets», précise David Niavi.
En dehors du dédouanement, les «brocantiers» font également face à l’Etat qui ne «veut plus de cette poubelle au Cameroun ».
«L’Etat nous fait payer de plus en plus d’impôts. Certains de nos collègues ont abandonné», assure un commerçant.
A la Chambre de commerce, d’industrie, des mines et de l’artisanat (Ccima) du Littoral, un responsable reconnaît cette situation. «Ces produits sont rejetés par l’Occident. Ils doivent aller dans les poubelles, pas dans des maisons camerounaises», se désole-t-il sous anonymat.
«C’est vrai que ces commerçants sont parmi ceux qui dédouanent le plus les containers et ils contribuent à plus de 10 milliards de chiffre d’affaires par an (20 millions USD). Mais, il faut davantage laisser la place aux fabricants et vendeurs de matelas, de meubles, d’ustensiles de cuisine locaux. Il faut aussi encourager les Camerounais à consommer du neuf, pour ne plus polluer notre environnement », poursuit le responsable.
Des ambitions qui se confrontent pourtant à la réalité du pouvoir d'achat peu consistant des camerounais, dans un pays où le salaire minimum est fixé à 36 270 F. Cfa (63 USD).