
AA/Kigali/ Henri Demarie
Conscients de la valeur du méthane dont regorge le lac Kivu, situé entre le Rwanda et la RD Congo, ainsi que du danger qui se rattache à sa non-exploitation, ces deux pays se sont engagés, récemment, sur un accord pour l'extraction de ce gaz des profondeurs du lac.
Le lac Kivu regorge de quelques 60 km3 de gaz méthane et de 300Km3 de dioxyde de carbone (CO2), une caractéristique qui peut, selon les cas, s'avérer bénéfique ou nuisible dans la mesure où ce gaz véhicule, d'une part, une potentielle source d'énergie et un danger (en cas de dégazage brutal).
En effet si la quantité de gaz qu'il abrite peut selon, les experts de la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs, satisfaire une grande part des besoins énergétiques des habitants des deux rives, elle peut aussi représenter un réel danger, notamment en cas d'éruption limnique (éruption volcanique caractérisée par le dégazage brutal d'un lac méromictique - dont les eaux de surface et de profondeur se mélangent moins d'une fois par an et pour certains moins d'une fois par décennie- qui abrite les gaz volcaniques émis en continu par un volcan et accumulés durant des années dans les couches profondes du lac).
Un scénario qui risque d'arriver à tout moment et dont les conséquences seront lourdes, selon les experts, qui craignent une remontée des eaux profondes chargées en gaz mortel.
L'accord signé le 24 juin dernier, dans le cadre de la Communauté Economique des pays des Grands Lacs, par la RDC et le Rwanda, mais également le Burundi voisin en tant qu'observateur, permettra une exploitation conjointe (RDC et Rwanda) du méthane dans le lac qui s'étend sur 2700 Km2.
Les experts, réunis pour la signature, n'ont pas, toutefois, avancé de date précise pour le démarrage effectif du projet, se contentant de dire que les concertations étaient "en cours".
"C'est une mine d'or pour notre région ! Inexploitée ou mal exploitée, ce gaz constitue un danger pour nous tous, nous sommes conscients qu'on doit l'extraire pour le bien de tous et notamment celui des habitants des deux rives dont le nombre est estimé à deux millions entre la RDC et le Rwanda", a noté, dans une déclaration à Anadolu, Herman Tuyaga, secrétaire exécutif de la communauté économique des Pays des grands lacs.
Il a, en outre, précisé que des mécanismes de gestion appropriés seront mis en place en vue de garantir une exploitation équitable et respectueuse de l'environnement.
Le gaz extrait servira à couvrir le besoin domestique en gaz des habitants de part et d'autre du lac, une part sera, par ailleurs, destinée à la production d'électricité. Le Rwanda ayant déjà installé un dispositif destiné à cette fin.
Aujourd'hui, de nombreuses entreprises spécialisées dans l'extraction de gaz ont déjà manifesté leur intérêt pour l'extraction du gaz dans le Kivu.
Le gouvernement néerlandais s'est engagé à injecter 600 milles euros dans ce projet et l'Union Européenne a annoncé qu'elle compte, également, investir une enveloppe similaire.
Emmanuel Kamanzi, directeur général de la compagnie rwandaise d'électricité au Rwanda a relevé, dans une déclaration à Anadolu, que " Toutes les aides extérieures sont les bienvenues" et précisé que le gouvernement rwandais vise à faire d'une pierre deux coups en consacrant une part du gaz extrait à la transformation électrique.
Sur sa rive Nord, près de la localité de Rubavu, le gouvernement rwandais a, déjà, mis en place un projet pilote qui permet, actuellement, de produire 2 MW d’électricité à partir du méthane du lac.
Le gouvernement rwandais et l’entreprise publique de production et distribution d’électricité au Rwanda (EWSA) ont, en outre, signé avec l'entreprise américaine Contour Global qui se chargera de la transformation du gaz extrait durant 25 ans et le revendra à la compagnie publique en charge.
Selon un expert, interrogé par Anadolu, l'extraction du gaz sera faite sans forage, il sera plutôt pompé dans les couches inférieures (des eaux) du lac chargée en méthane, une fois cette eau remonte à la surface, elle libèrera les gaz (méthane et CO2) qui seront collectés séparément.
Le méthane sera acheminé vers une centrale sur la rive et le CO2 redissous dans l’eau qui sera renvoyée dans les profondeurs du lac.
La Communauté Economique des Pays des Grands Lacs a vu le jour en 1976. Elle vise notamment l'intégration économique des trois pays membres (Burundi, RDC, Rwanda) et le financement de projets communs dans le domaine énergétique.