Culture et Arts

Sidi Ghanem : Une mosquée algérienne qui relate l’histoire de 13 siècles de résistance (Reportage)

Mona Saanouni  | 29.11.2020 - Mıse À Jour : 29.11.2020
Sidi Ghanem : Une mosquée algérienne qui relate l’histoire de 13 siècles de résistance (Reportage)

Algeria

AA / Alger / Houcemeddine Islam

De nombreux monuments historiques en Algérie suscitent la curiosité pour aller à la recherche de leur histoire ancestrale, telles que les mosquées de Ketchaoua, de Sidi Belhassan et de la Grande mosquée (Al-Jamaa al-Kébir).

Mais que savions-nous de « Sidi Ghanem », qui représente la première mosquée dans le pays, dont l'histoire remonte aux conquêtes islamiques, et qui a eu son lot de vengeances de la colonisation française, immédiatement après l'entrée de l'occupant dans le pays.

Dans l'ancienne ville de Mila, la mosquée de Sidi Ghanem a été construite, en référence à un des saints de la ville, qui était un homme de savoir selon les habitants de cette cité de l’est du pays.

La mosquée de Sidi Ghanem, appelée également « Abou Al-Mouhajer Dinar », constitue le 2eéme plus ancien lieu de culte musulman dans les pays du Maghreb arabe, après la mosquée de Kairouan en Tunisie, selon des chercheurs en histoire.

** Histoire de la Mosquée

Située actuellement dans le musée de la ville de Mila, la mosquée a été construite, il y a de cela 13 siècles, plus précisément en l'an 59 de l'Hégire, qui correspond à l'année 678 du calendrier grégorien, selon des sources historiques.

L'histoire de son édification remonte à l’ère des conquêtes islamiques, lorsque Abou Al-Mouhajer Dinar, compagnon du prophète, a conquis la ville de Mil, anciennement appelée Milev, qui était sous l'occupation byzantine (534-647), et dont les habitants étaient chrétiens, toujours selon des historiens.

Il est écrit dans l'encyclopédie « Histoire musulmane - Conquête du Maghreb », que le calife omeyade Muʿāwiya ibn ʾAbī Sufyān a limogé Oba Ibn Nafa’a en le remplaçant par Abou Al-Mouhajer Dinar (décédé en Algérie en 683), qui a rapidement saisi que les habitants de l'Afrique du Nord sont « des durs avec qui il faut traiter avec souplesse ».

Selon l'encyclopédie, la politique de Abou Al-Mouhajer Dinar a réussi à multiplier les reconversions des berbères vers l'Islam, tout particulièrement, après qu’il a fait preuve de tolérance envers leur chef Koceila, qui s'est converti à son tour ultérieurement.

Le compagnon Abou al-Mouhajer Dinar a fait de la ville de Mila, où est située la mosquée en question, un centre de commandement et un point de départ de ses conquêtes islamiques.

- Fiche historique et technique

Le chercheur en histoire algérienne, Noureddine Bouarrouj, a indiqué qu’à l’époque où l'islam s'est propagé dans la Péninsule d'Arabie, la ville de Milev (actuellement Mila) représentait le berceau de la chrétienté dans le Maghreb central (Algérie).

Dans une interview accordée à AA, Bouarrouj a ajouté que Milla était célèbre à cette époque pour son évêque Optat de Milev, dont les hymnes et chants sont encore récités aujourd'hui encore dans les messes chrétiennes catholiques.

Bouarrouj a ajouté à l'Anatolie que "Mila était célèbre à cette époque pour son saint et écrivain théorique (Optatis Opta El Mili), dont les hymnes sont encore récités aujourd'hui dans les masses chrétiennes catholiques".

Cette ville, a-t-il relevé, a été conquise par Abou Al-Mouhajer Dinar sous le règne du Calife omeyyade Muʿāwiya ibn ʾAbī Sufyān, en l’an 59 de l'Hégire (678 apr J-C).

Il a souligné que Abou Dinar a édifié le siège de l'émirat et une mosquée pour les musulmans, qui a été appelée par la suite Sidi Ghanem, qui présentait le premier noyau de la propagation et du rayonnement de l'Islam en Algérie.

- Voisin de l'église

Les études élaborées sur la base des fouilles archéologiques de 1968 ont permis de découvrir d'importants éléments relatifs à ce monument historique.

Il s'agit essentiellement que la construction jouxtait une église romaine, appelée Basilique, n’a pas été édifiée sur les décombres de celle-ci comme cela a été propagé auparavant.

Quant à l'architecture de la mosquée, elle ressemble grandement à celle de la Mosquée omeyyades de Damas en Syrie et de la mosquée de Kairouan en Tunisie. Il s'agit d'un rectangle blanc bâti sur une superficie de 820 mètres carrés, selon Bouarrouj.

L'historien poursuit la description en précisant que « la mosquée dispose de quatre façades. La principale est située du côté et surplombait une grande enceinte, dont une entrée principale au milieu, qui mène vers l’esplanade et ensuite vers la salle de prière ».

La mosquée comprend deux tours, représentant les annexes sud et nord, l'axe de l'escalier qui contient une porte proéminente, en plus d'un couloir menant à l'étage supérieur de la salle de prière, par trois marches, et un deuxième étage au-dessus de la mosquée, ainsi qu'un espace dans lequel deux portes s'ouvrent.

Le chercheur algérien a ajouté que pour atteindre le haut du minaret de la mosquée, il fallait monter les 365 escaliers, au nombre des jours de l'année. La hauteur du minaret était particulièrement élevée, en comparaison avec les bâtiments et édifices de l'époque dans la ville de Mila.

** Vengeance française

Immédiatement après la chute de Mila dans aux mains de la colonisation française, en 1838, la mosquée a fait l'objet d'une tentative de dépossession après que les forces occupantes s'étaient déjà emparées du siège de l'émirat, situé à proximité, selon Bouarrouj.

L'historien a relevé que la France colonialiste s'est vengée des habitants de la ville en transformant la mosquée en une caserne pour ses troupes.

Il a ajouté que la France a également démoli et déformé plusieurs caractéristiques architecturales islamiques de la mosquée, y compris son minaret, et exploité ses pierres utilisées pour la construction de ses installations ».

Bouarrouj a relevé que la mosquée nécessite, aujourd'hui, un entretien de la part de structures professionnelles afin que sa structure, constituée de colonnes, d'arcs, de murs, ne soit pas détruite et reste conservée, dès lors que ce lieu de culte n'a pas bénéficié de la restauration qu'il mérite.

L'historien n'a pas caché que la mosquée, qui a été classée site archéologique en 1967 (après l'Indépendance de l'Algérie), a fait l'objet d'une série d'études et de recherches depuis plusieurs décennies jusqu’à aujourd’hui, dont la plus importantes a été celle menée par le chercheur algérien Rachid Doukali en 1968 et en 1969.

- Un monument méritant une plus grande attention

De son côté, Hassan Seddiki, président de l'association « Tawasol » pour le tourisme, dont le siège est à Mila, a indiqué que la mosquée attirait de nombreux visiteurs issus des différentes régions du pays, avant la propagation de la pandémie de la Covid-19.

Seddiki a ajouté, dans un entretien accordé à AA, que compte tenu de la propagation de la pandémie, « le nombre des visiteurs a sensiblement baissé », tout en formulant l'espoir de voir la situation s'améliorer pour que les passionnés d’histoire et d'archéologie retournent à Mila pour visiter son ancienne mosquée ».

Le président de l'association (Indépendante) a relevé que « l'architecture et la forme de la mosquée sans toujours en place, malgré les secousses telluriques connues par la province de Mila au cours des derniers mois ».

Il a relevé que l'opération de restauration de la mosquée, effectué il y a de cela environ une année, par la Direction de la Culture de la province (gouvernementale) a été suspendue pour des raisons inconnues ».

S’agissant du rôle de l'association qu'il préside pour la sauvegarde de la mosquée, il a affirmé que cette structure s’emploie à mieux faire connaître ce monument islamique, aussi bien à l'intérieur qu’à l'extérieur du pays, à travers la promotion culturelle et touristique du lieu de culte, et d'une manière générale de l'héritage culturel à historique de la province de Mila ».

*Traduit de l'arabe par Hatem Kattou

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