Sénégal: les Layènes, confrérie de l'amour et du pardon
AA- Yoff – Yazid BAMSE
‘’Même si quelqu'un vous trouve sur votre chemin et vous coupe votre chapelet, ramasser le tout sagement, et s'il vous empêche de le ramasser, allez chercher un autre’’, disait Seydina Limamou Lahi à ses adeptes, selon Moussa Guèye Lahi, neveu et bras droit de l’actuel khalife de la confrérie layène, dans le village de Yoff, une des communes de Dakar.
Le fondateur de cette confrérie a toujours incité les hommes ‘’à s'entraider, à s'aimer, à s'ouvrir, à être disponible, à s'unir et à s'écarter de l'inimitié, de la haine, de l'ostentation, de la médisance, du mensonge, de la calomnie’’, explique à Anadolu, Ibrahima Diongue, journaliste et chanteur religieux chez les layènes.
Les layènes se distinguent des autres confréries soufies du Sénégal, notamment dans les rapports entre khalife et les fidèles. Les layènes parlent ainsi de ‘’compagnons’’ et non de ‘’disciples’’. Officieusement, tous les fidèles se nomment ‘’Lahi’’ ‘’parce qu’on considère que tout le monde est égal. Et cela pour éviter les problèmes de castes, ou de croire qu’un nom de famille est meilleur qu’un autre’’, renseigne Moussa Guèye Lahi. Les layènes sont très souvent habillés en blanc ‘’pour garder la pureté’’ et la cigarette leur est interdite.
Samedi 31 mai 2014, une marée blanche a envahi le village de Yoff à l’extrémité nord-ouest de Dakar. Des hommes, des femmes, des vieux, des enfants, majoritairement de blanc vêtus, cheminent vers la plage de Yoff où trône l’imposante mosquée layène. L’édifice religieux et tous les chemins qui y mènent sont noirs de monde. C'est le 134e anniversaire de l’Appel de Seydina Lilmamou Lahi (1843-1909), surnommé ‘’Al Mahdi’’, fondateur de la confrérie des Layènes. Comme chaque année, les fidèles ont répondu, par milliers, à l’Appel dont le thème cette année est la zakat (aumône obligatoire en Islam).
La confrérie des Layènes est née à Yoff, un village traditionnel de pécheurs, dans la capitale sénégalaise. En mai 1883, Limamou Thiaw, père de famille, marié à deux épouses, a une révélation à 40 ans, l'âge du Prophète Mohamed quand il reçoit la Révélation. Drapé de deux pagnes blancs, il parcourt Yoff en scandant ces paroles : ‘’Répondez à l'appel de Dieu, Ô vous les hommes et les Djinns. Je vous recommande, Ô vous les serviteurs de Dieu, de vous efforcer dans votre culte et de tenir solidement la corde de Dieu qui ne se rompt pas » rapportent les habitants du village.
Dans un village ancré dans la tradition, au mystique, et à la sorcellerie, Limamou Thiaw est perçu comme un fou par certains villages voisins. Pourtant, celui qui deviendra Seydina Limamou Lahi ne tarde pas à attirer des fidèles séduits par son discours qui prône le culte pur à Dieu, l'efficacité et la constance dans l'accomplissement des actes de dévotion comme la purification, la prière, le jeûne, la zakat, l'évocation de Dieu, la lecture du Coran, et l'entretien de bons rapports entre les hommes.
Durant des années de prêche, Seydina Limamou Lahi, a annoncé que son fils Issa achèverait son œuvre. Ce dernier a succédé à son père à l’âge de 33 ans. La photo de Seydina Issa Rohi Lahi (1876-1949) est celle qu’on voit le plus chez les layènes, celle de son père étant inexistante.
Les layènes chantent avant et après les prières, se lavent jusqu'aux genoux, et non aux chevilles, lors des ablutions, comme les autres musulmans.
Aujourd’hui, les layènes comptent 6% de la population sénégalaise (soit environ 768 000 sénégalais), et sont localisés à Yoff (environ 65 000 habitants), Cambérene, Ngor, tous d’anciens villages lébous (ethnie constituée de pêcheurs). Abdoulaye Thiaw Laye est l’actuel khalife.
Lors de la cérémonie officielle du 134e appel, étaient présentes des personnalités comme le ministre de l’intérieur du Sénégal, Abdoulaye Daouda Diallo, le maire de Dakar, Khalifa Sall, et la présidente du Conseil Economique et Social, Aminata Tall.
