Sénégal: 4 millions de pèlerins attendus à Touba pour célébrer "le Magal"

AA/ Dakar/ Yazid Bamse

Ce sont quatre millions de pèlerins qu'attendent les organisateurs de la fête du Magal, jeudi, dans la ville de Touba (192 km de Dakar) à laquelle les fidèles ont commencé à affluer depuis quelques jours.

Dans cette contrée fondée en 1887 par Cheikh Ahmadou Bamba Khadimou Rassoul (1853-1927), les disciples célèbrent le départ en exil du fondateur de la confrérie mouride. Musulman soufi ascétique et mystique, Cheikh Ahmadou Bamba fut envoyé en exil en 1895 au Gabon par les autorités coloniales françaises qui craignaient son influence au sein d’une population à plus de 90% musulmane.

Comme chaque année, les Mourides du Sénégal et du monde entier, ainsi que d’autres musulmans ou même des chrétiens célèbrent ce départ en exil appelé communément Magal ("hommage", en wolof, langue locale).

Si l’événement ne dure qu’une matinée, c’est l’occasion de constater l’importance de ce rendez-vous mouride au Sénégal. Des millions de personnes débarquent à Touba où sont immolées des milliers de bœufs, moutons, poulets, chameaux, et même autruches. La cité religieuse résonne pendant près d’une semaine de ‘’khassaïdes’’, chants religieux ou poèmes écrits par Cheikh Ahmadou Bamba.

La capitale Dakar se vide et il faut parfois 15h pour parcourir la distance Dakar-Touba au lieu des 3h habituelles.

Le Magal est devenu tellement incontournable et important dans l’agenda du pays qu’en 2013, les députés de l’Assemblée nationale [chambre basse du Parlement sénégalais] ont voté le projet de loi l’instituant jour férié, chômé et payé.

Aujourd’hui, l’Etat a encore pris toutes les dispositions pour assurer un bon Magal. « Nous avons décidé de mutualiser nos forces de l’ordre (police et gendarmerie) pour faire les patrouilles de nuit. Des dispositions sont également prises pour le respect des règles d’hygiène», a affirmé le ministre sénégalais de l’Intérieur, Abdoulaye Daouda Diallo, il y a une dizaines de jours lors d’une réunion nationale de préparation du Magal de Touba.

Ainsi deux forages de 9.100 mètres cube sont prévus pour l’approvisionnement en eau ainsi qu’une centaine de toilettes mobiles. Pour la prévention de la fièvre Ebola, des séances de sensibilisation sont prévues ainsi qu’un site d’isolement.

Selon Cheikh Bassirou Mbacké Abdou Khadre, porte-parole du khalife général des mourides, «le Magal 2014 va générer 240 milliards de F Cfa (450 millions de usd) d’après des calculs d’experts indépendants ».

L’économiste mouride, Moubarack Lô, explique, dans un document réalisé par son cabinet, la dimension économique de l’événement. 

« Pour la plupart des entreprises, il est nécessaire, à l’approche de l’événement, de mettre en place un dispositif spécial pour faire face à l’accroissement des commandes. Les entreprises de téléphonie, de transfert d’argent, d’agro-alimentaire, des banques sont obligées de poursuivre la démarche de fidélisation destinée à leur clientèle, en essayant de les accompagner et de continuer à leur offrir un service de qualité. »

Le secteur informel non plus n’est pas en reste. «Les commerçants et vendeurs à la sauvette viennent de partout, surtout des régions de Dakar, Kaolack, Diourbel et Thiès, mais aussi des pays limitrophes comme la Guinée, la Gambie et la Mauritanie, pour écouler leurs marchandises et faire des affaires. Le chiffre d’affaires est plus que triplé en période de Magal, ainsi que le volume de travail », ajoute l’économiste.

Seul point noir du Magal, le nombre des accidents de la route (140, pour 26 morts en 2013) qui en fait chaque année la période la plus meurtrière sur la route sénégalaise.