Culture et Arts

Rencontre avec Emel Agrebi : retour aux sources d'une artiste turco-tunisienne

- Emel passe sa vie à chanter parce qu'elle adore le faire et elle a veillé à transmettre sa passion à ses deux enfants

12.06.2022 - Mıse À Jour : 12.06.2022
Rencontre avec Emel Agrebi : retour aux sources d'une artiste turco-tunisienne

AA/ Tunis / Malèk Jomni

Très attachée à ses origines turques depuis sa plus tendre enfance, Emel Agrebi nous reçoit chez elle et nous fait part de son amour pour le pays de ses aïeux et de sa passion pour l'art en général et pour la musique et le théâtre en particulier, en partageant avec nous quelques épisodes de sa vie.

- Du sang turco-tunisien

Née le 18 février 1942 à Béjà, Emel n'a passé qu'une seule année de sa vie dans sa région natale, ses parents ayant décidé, en 1943, de quitter le nord-ouest du pays pour s'installer à Bab Jdid dans la capitale Tunis.

"Je n'ai pas vécu à Béjà mais j'éprouve un grand amour et une affection particulière pour cette parcelle de terre. Mon père y a travaillé en tant qu'interprète et greffier en chef auprès des tribunaux français durant une bonne décennie à l'époque et ma mère m'a longtemps parlé des belles années qu'elle avait passées là-bas".

Son père, Mohamed Aziz Agrebi, dont la mère est turque, était l'un des créateurs du théâtre tunisien et professeur de musique à la fois. Il est décédé en 1968 à l'âge de 65 ans dans un accident de voiture à Tripoli où il créa la troupe libyenne de théâtre avant l'arrivée de Moammar Kadafi.

Sa mère, Kemar, était femme au foyer et a éduqué ses filles à la turque, même si elles ont toutes intégré l'école française. Elle leur a inculqué les valeurs et les traditions du carrefour des civilisations, comme on l'appelle, Türkiye. Pareil pour les habitudes alimentaires : le café turc et le petit-déjeuner turc faisaient partie du quotidien d'Emel et de ses sœurs.

"Je me considère complètement turque de par mes 75% de sang turc que j'ai hérité des deux côtés maternel et paternel. J'adore, d'ailleurs, la langue que j'essaie de pratiquer à chaque fois que je visite mon pays", a-t-elle souligné, avant d'expliquer que ses origines turques remontent, en effet, à plusieurs générations.

"Mon arrière-grand-père maternel, le général Rachid qui était le premier à venir de "sa Türkiye natale", à l'âge de 18 ans, il avait été adopté et élevé par Ahmed Bey qui lui avait fait faire des études en arabe et en français. Il s'était marié à une Tunisienne dont il a eu des enfants et il occupait le poste de chef de l'armée durant la guerre de Crimée avant d'être condamné à mort par Sadok Bey à l'âge de 56 ans pour avoir été "trop proche" du peuple", selon ses dires.

Emel nous a, pour l'anecdote, confié que durant la première année de l'indépendance de la Tunisie, sa mère accrochait le drapeau de Türkiye au balcon alors qu'elle n'avait que 15 ans. "Nous sommes connus pour être les Turcs du quartier et nous entretenons de bonnes relations avec nos voisins tunisiens".

- Je passe ma vie à chanter

Les Agrebi écoutaient souvent de la musique ancienne turque chez eux et c'est ainsi qu'Emel a développé un penchant pour la chanson. Son père était également compositeur de "Muwashahat" orientales.

Il s'agit de poèmes à structure libre qui datent de la fin du VIII siècle (ou XI siècle selon les sources) et qui trouvent leurs origines en Andalousie musulmane. "Il avait une façon de chanter un peu à la turque", s'est-elle remémorée.

"Alors qu'il n'y avait pas de télé et seulement très peu de stations radio, notre mère ne mettait que la fréquence de Radio Ankara. Très jeune, j'écoutais toutes les anciennes chansons turques que j'adorais reprendre", s'est rappelée Emel avec beaucoup de nostalgie avant de reprendre : "Nous assistions à un mariage à Sfax et j'avais à peine 17 ans, quand mon père m'a écoutée chanter pour la première fois de sa vie. C'était l'une des perles de Oum Kalthoum ce soir-là et il était très fier de moi. Dans la foulée, il m'avait promis de m'inscrire dans une école de musique à Izmir mais ma mère avait refusé que je me lance dans ce projet de carrière", a-t-elle regretté, faisant savoir qu'à l'époque c'était mal vu de devenir chanteur ou chanteuse.

"Après la mort de mon père, j'ai décidé de prendre ma revanche en chantant dans des soirées privées entre amis et dans la famille. J'ai même une fois chanté avec le compositeur et musicien libanais, Ouadiî al-Safi, dans un grand restaurant à Paris. J'ai également fait trois ans de théâtre avec la troupe de la ville de Tunis que mon père dirigeait dans les années 50, et ce, jusqu'à la mort de Amor Ben Ayed qui était lui-même son élève", a indiqué Emel, notant que parmi les pièces auxquelles elle avait participées figuraient "La rivale de sa mère" en dialecte tunisien, "Œdipe Roi", "Yerma" en 1970 à Beytouth et "La Maison de Bernarda Albade" toutes les deux de Federico García Lorca ainsi que "Les Huit Femmes" de Robert Thomas.

Emel passe sa vie à chanter parce qu'elle aime le faire et elle a veillé à transmettre sa passion à ses deux enfants, le fruit d'un mariage d'amour avec le footballeur Noureddine Ben Yahmed, plus connu sous le nom de "Diwa" avec qui elle était partie en France avant de revenir en Tunisie.

Vers la fin de la rencontre, Emel Agrebi nous a chanté une chanson turque de Samime Sanay, qui parle de la saison du printemps et de l'amour et qui s'intitule Bir ilkbahar Sabahı et c'est ainsi que nous nous sommes dit au revoir.

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