RDC: Les sapeurs, des dandys africains atypiques
Lors de leurs retrouvailles, ils se présentent sur le terrain tel des boxeurs de renom, galvanisant la foule venue les voir, les toucher, et les prendre en photos.

AA/ Kinshasa/ Aurélie Fontaine
Certains sont tirés à quatre épingles, d’autres conjuguent savamment des goûts et des couleurs, les sapeurs des deux Congos sont des dandys africains constamment attachés à leur doctrine de vie. Celle-ci n’est autre que de voir la vie en rose, d’exposer leurs goûts raffinés et d’impressionner infiniment leurs admirateurs.
Comme tous les ans depuis la mort de Stervos Niarchos, fondateur du mouvement congolais de la Sape, la Société des ambianceurs et des personnes élégantes, les sapeurs des deux Congos se retrouvent pour « s'ambiancer », notamment à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo.
Après s'être recueillis sur la tombe du fondateur dans le cimetière, les sapeurs se sont réunis sur un terrain de football municipal, dans un quartier populaire de la capitale.
Habillés de manière parfois très extravagante, ces hommes entrent sur le terrain tels des boxeurs de renom, galvanisant la foule compacte venue les voir, les toucher, et les prendre en photos.
Le sapeur le «cheval blanc » grimpe sur les gradins, pantalon et veste en cuir blanc, bretelles, lunettes de soleil, chaussures en peau de marque, et, insiste-t-il, «ceinture signée» à boucle dorée.
Dans les deux Congos, les sapeurs sont de véritables stars. Le mouvement de la Sape est né dans les années 1960, à la fois au Congo-Brazzaville et en République démocratique du Congo. Les deux capitales congolaises sont les plus rapprochées au monde. Seul le fleuve Congo les sépare.
Les sapeurs courent, sautent, esquissent des pauses, entourés d'admirateurs, fascinés par leurs habits et la fierté qu'ils dégagent.
«Cet après-midi nous fait revivre Stervos Niarchos », explique Michils Massingéne, un sapeur de 47 ans, venu voir le spectacle. « Il était un modèle pour les jeunes congolais. Quand il habitait en Europe il a permis de faire connaître internationalement la Sape», précise-t-il, en rappelant que la Sape s'inspirait, initialement, des dandys des salons parisiens.
«Les Kinois aiment la sape, tout comme ils aiment la rumba », ajoute cet employé dans une société de gardiennage.
De l'autre côté du terrain poussiéreux, trois hommes et une femme sont assis sur des chaises en plastique, sous une tente. Figés, droits et l'air très sérieux, ils écoutent les jeunes venus les saluer.
Il y a «Louis Vuitton», bermuda à carreaux rouge et noir, façon kilt écossais, chemise bleue et cravate jaune à poids. Le sapeur a gardé l'étiquette d'achat de sa cravate, qui pend sur sa chemise, preuve ultime que l'accessoire est un vrai, et non pas une copie.
Alain Mayala est à côté, tout en noir, cape en polaire sur les épaules, par des températures dépassant les 30 degrés. Lui s'inspire du style « Japon, avec un gant en laine à la main gauche, et un côté sombre ».
A sa droite, dans un style, une « griffe » comme on dit ici, bien différent, Papa Douro porte un costume bleu, un nœud papillon et un béret. « Je suis un play-boy », dit-il. « Cela signifie que je sais marier les couleurs, tout en étant classique ».
En bout de ligne, une belle dame de 67 ans, surnommée « Mwanapoto », qui veut dire Enfant de l'Europe en langue lingala, une des plus parlées en RD Congo.
«Je suis là car j'ai bien connu Stervos Niarchos. On s'ambiançait ensemble à l'époque, c'était il y a bien plus de 20 ans », se souvient la femme, dont la spécialité est de se teindre les cheveux, qu'elle a aujourd'hui blond foncé et coupé courts.
«Jusqu'à ma mort je resterai une sapeuse, j'aime être bien habillée, c'est important d'être soigné. Mon look ce sont les low-boot (bottes basses) et les jupes longues, jamais de pantalons », montre-t-elle.
D'autres portent encore des tenues léopards en fausse fourrure, et des bottes en cuir style cow-boys. Une passion qui a un coût. Les sapeurs, souvent peu argentés, peinent à trouver de quoi payer leurs tenues en RD Congo, un des pays les plus pauvres de la planète.