RDC: A Butembo, les superstitions ont encore la peau dure
Chez le peuple Nande on raconte qu'une femme qui mange du poulet, des oeufs ou des sauterelles porte malheur.

AA/ Butembo (RDC)/ Al-hadji Kudra Maliro
Chez le peuple Nande, dans l'Est de la République Démocratique du Congo, on raconte qu'une femme qui mange du poulet, des oeufs ou des sauterelles porte-malheur. Même si ces croyances tendent à reculer, dans certains milieux, elles ont, aujourd'hui encore, la peau dure.
"Il y a cinquante ans déjà, on racontait qu’une femme qui mangeait un œuf, du poulet ou de la viande de bêtes sauvages, pouvait mettre au monde un enfant sans chevelure ou un monstre. D'ailleurs, dès qu'elle mangeait un de ces aliments interdits, elle était considérée comme porte-malheur et aussitôt chassée du village", se rappelle Alphonsine Kahindo, octogénaire qui habite à Luotu (50 Km au Sud-est de la ville de Butembo-Territoire de Lubero dans l’Est de la RDC).
"Donc par peur de s’attirer malheur et malédictions, ces femmes, pourtant appelées à passer de longues heures dans leurs cuisines pour préparer des mets à base de "denrées interdites", se résignaient sans chercher à comprendre", poursuit la vieille dame.
Dans la culture Yira ou Nande (Est), la poule comme la sauterelle se rattachent à une grande valeur symbolique, rappelle Alphonsine.
"On égorge une poule à l'occasion de grandes cérémonies ou encore pour accueillir un visiteur de choix à qui on réservera le gibier pour lui signifier que c'est en son honneur que ce repas est servi", explique un autre habitant du village.
"Mais si une femme mange de la poule ou des oeufs de poule par exemple, elle enfantera d'un enfant sans cheveux, et si elle mange de la chair de sauterelles, elle deviendra vulnérable face aux mauvais esprits", assure-t-il.
Christian Muke, enseignant en sociologie de la communication à l’ISEAB (Institut Supérieur Emmanuel d’Alzon de Butembo) et chercheur ethnologue spécialiste de la culture Nande, explique qu'en réalité "la poule, l’œuf, les sauterelles sont des éléments utilisés dans les rites de ce peuple dont certains sont appliqués sur les femmes et c'est la raison pour laquelle on interdit à ces dernières de consommer ces aliments".
Muke ajoute qu'à l'origine, l'interdiction, était appliquée aux filles de Cour royale, notamment, pour les protéger et préserver leur virginité, avant d'être généralisée à toutes les femmes.
Ensuite, on s'est mis à racontere aux enfants, dont les mères ont commis un adultère par exemple, que ces dernières ont été chassées du village car elles ont mangé du poulet ou des oeufs, rapporte l'enseignant en sociologie.
On ignore toutefois si ces subterfuges avaient pour objectif d'adoucir une vérité brutale pour les enfants ou bien si c'est parce que les hommes voulaient priver les femmes d'oeufs, de poulet et de sauterelles par pur "égoisme", ajoute Muke.
Aujourd’hui, ces croyances ont, nettement reculé et ont même totalement disparu au sein de quelques familles, constate le sociologue avançant que c'est grâce aux mariages mixtes, qui ont perrmis à la fois une sorte d'ouverture culturelle et d'introduire le concept de partage des biens dont celui de la nourriture.
D'autres estiment que ce sont les efforts additionnés des prêches dans les églises et des organisations de défense des droits des femmes qui ont permis de faire reculer ces croyances pour le moins "sexistes", tel que dénoncé par nombre de femmes du village.
Les Nande sont des peuples qui viennent de l'Ouganda et qui se sont installés dans la région Est de la RDC vers les années 1800, pour eux l'homme doit jouir d'un statut privilégié aussi bien au sein de sa famille que de la société en général.
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