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Prix Nobel de littérature 2015: le lauréat sera-t-il africain?

L'Afrique, qui compte seulement 4 prix Nobel de Littérature, pourrait revenir sur le devant de la scène, grâce, peut-être, à certains romanciers tel que le Kényan Ngugi wa Thiong

Esma Ben Said  | 07.10.2015 - Mıse À Jour : 08.10.2015
Prix Nobel de littérature 2015: le lauréat sera-t-il africain?

Tunis

AA/ Tunis/ Esma Ben Said

Qui succédera au français Patrick Modiano, lauréat du prix Nobel de Littérature en 2014 ? Les paris vont bon train pour cette édition 2015 durant laquelle pas moins de 198 auteurs ont été soumis au jugement de l’Académie suédoise qui rendra son verdict, jeudi. 

 Parmi les noms qui circulent dans les couloirs, ceux du Kényan Ngugi wa Thiong, du Somalien Nuruddin Farah ou encore du Nigérian Ben Okri, reviennent sur de nombreuses lèvres.  Alors, le lauréat de 2015 sera-t-il africain, rejoignant ainsi le Nigérian d'expression anglaise Wole Soyinka (1986), l'Égyptien arabophone Naguib Mahfouz (1988) et les Sud-Africains anglophones Nadine Gordimer (1991) et J. M. Coetzee (2003)?

1) Le Keynan Ngugi wa Thiong : 

 Ngugi wa Thiong'o, est un romancier et théoricien de la littérature post-coloniale qui se définit comme un écrivain "afro-saxon" (il publie en kikuyu et en anglais).Il est actuellement professeur et directeur de l'International Center for Writing & Translation à l'université de Californie à Irvine aux États-Unis.



Auteur engagé, il est aussi un ardent défenseur de la littérature en langues africaines et auteur d'une trentaine de romans, pièces de théâtre, recueils de nouvelles, essais et livres pour enfants, dont seules cinq œuvres ont été traduites en français, dont Et le blé jaillira (Julliard, 1969), Pétales de sang (Présence africaine, 1985), ou encore Décoloniser l’esprit (La Fabrique, 2011).

Dans cette dernière oeuvre, l'auteur affirme la nécessité de s'affranchir de la langue des colons afin d'exprimer une culture africaine.  "Dans la mesure où elles sont celles du peuple, les langues africaines ne peuvent qu’être ennemies de l’État néocolonial", a-t-il d'ailleurs écrit.

Malgré l'opacité des délibérations de l'Académie suédoise, sur les sites de paris en ligne, on s’en donne à cœur joie et Thiong'o figurent bien dans le trio de tête des favoris, si l'on en croit le site britannique Ladbrokes.

Ainsi, jusqu'à mardi soir, la cote de l'auteur kenyan de ''Décoloniser l'esprit'' est de 6 contre 1, soit la même qu'un autre "pressenti" par les bookmakers, le romancier japonais : Haruki Murakami. L'an dernier, ces deux auteurs figuraient déjà - tout comme Modiano- parmi les favoris des parieurs et des cercles littéraires, qui réitèrent leur choix cette année.

Une critique littéraire du journal suédois Aftonbladet, Pia Bergström, avait estimé, l'an passé, que Thiong'o était un candidat d'autant plus crédible qu'il a «un style élaboré, c'est un conteur populaire et un dissident anticolonialiste pur jus». Cette année sera-t-elle la bonne pour l'auteur, largement soutenu sur la toile ?

2) Le Somalien Nuruddin Farah

Déjà en 2005, l'écrivain somalien était cité parmi les favoris du prix Nobel de littérature.  Considéré comme l'un des plus grands écrivains africains de langue anglaise, son oeuvre, écrite en anglais et somali est traduite dans une douzaine de langues.

Nuruddin Farah qui a fui sa terre natale en 1974, alors dirigé par Siyad Barré qui avait interdit son second roman "A Naked Needle", avant de le condamner à mort, écrit principalement sur la libération des femmes dans la Somalie post-coloniale comme condition préalable pour la liberté politique et individuelle. 

Professeur d'université dans plusieurs pays (Etats-Unis, Nigeria, Soudan, Gambie, Allemagne, Italie), il vit depuis 1998 à Cape Town en Afrique du Sud.  Parmi ses ouvrages traduits en français on compte "Sésame ferme-toi", "Née de la côte d'Adam", "Hier, demain: voix de la diaspora somalienne", ou encore "Du lait aigre-doux",  (prix de l'English-Speaking Union en 1980).

Le romancier somalien, véritable espoir du continent africain, est considéré comme "un écrivain au goût de l'Académie suédoise" selon Claes Wahlin, autre critique du quotidien suédois Aftonbladet. Prémonitoire ?

3) Le Nigérian Ben Okri

Alors que la république nigériane est plongé dans une crise politico-sécuritaire notamment à cause du groupe armé Boko Haram, qui met en péril sa sécurité, le célèbre poète et romancier nigérian Ben Okri pourrait-il redonner un souffle d'espoir au premier pays africain a avoir eu un auteur nobelisé ? 

En 1986, le jury d'Oslo avait en effet choisi, pour la première fois, un lauréat africain, le nigérian Wole Soyinka, connu pour sa célèbre citation : "Le tigre ne proclame pas sa tigritude, il bondit sur sa proie et la dévore." ( "Tigritude" par opposition à "Négritude", concept et courant littéraire crées dans les années 1930 par des écrivains noirs francophones).

Ben Okri sera-t-il le second nigérian à obtenir le prestigieux prix ? Auteur d'une quinzaine d'oeuvres, Ben Okri, qui rappelle avoir découvert, Dickens, Tourgueniev et la philosophie grecque et chinoise, grâce à un père passionné de littérature, a été distingué à plusieurs reprises.

Il a ainsi obtenu le Booker Prize pour La route de la faim (1991), En 1991,le prix des écrivains du Commonwealth pour l'Afrique, le prix Aga Khan pour la fiction et a reçu un Crystal Award du forum mondial économique. 

L'Afrique, qui recèle des talents littéraires avérés et confirmés, sera-t-elle à l'honneur pour cette édition 2015? A la lumière d’une conjoncture politico-sécuritaire, dont l’instabilité le dispute à l’équivoque, le continent africain aurait peut-être bien besoin de ce «luxe» intellectuel.

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