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Poterie de Sè, typiquement béninoise, purement féminine

La poterie de Sè tire sa particularité d'un matériau trouvé uniquement dans les zones marécageuses, de sa qualité, de sa résistance, et de la transmission, de génération en génération.

30.01.2015 - Mıse À Jour : 30.01.2015
Poterie de Sè, typiquement béninoise, purement féminine

AA/ Cotonou/ Serge David Zouémé 

Le village de Sè, un arrondissement de la commune de Houéyogbé, dans le sud-ouest du Bénin, se distingue par son savoir-faire traditionnel et identitaire : la fabrication de plats, casseroles de cuisine, jarres, pots de fleurs et autres objets d’art à base d’argile cuite.

Il s’agit, en somme, des merveilles et beauté de la poterie qui est à la fois une culture et un art atypique de cette partie du Bénin et qui s’impose sur le marché national voire régional, tout en nourrissant son homme au grand dam des ustensiles modernes.

Sous un soleil de plomb, un groupe de femmes rodées au maniement de l’argile, se dirigent, bassines sur la tête, vers les bas-fonds, à la sortie du village, à 90 kilomètres de la capitale économique Cotonou.

Dans ces zones marécageuses, elles cherchent la boue d’argile, matière première pour la fabrication de leur poterie.

Ahouanmagbato, sexagénaire rencontrée par Anadolu, dit que la boue d’argile s’achète aux abords des zones humides, dans les bas-fonds, dans un panier correspondant à une unité de mesure, appelée « Quinsivi ». Des hommes réputés dans l’activité d’extraction de la boue s'organisent en groupement pour mettre à leur disposition la précieuse boue.

« Ils nous vendent l’unité de mesure « Quinsivi » à 500 Francs CFA (0,86 USD) », a-t-elle ajouté, indiquant qu’en période de crue, elles l’achètent jusqu’à 700 Francs CFA (1,2 USD).

Pour Rigobert Awonou, la quarantaine, membre dudit regroupement, l’extraction de la boue n’est pas aisée.

« Il faut avoir la maîtrise de l’activité, connaître comment se positionner dans le bas-fond pour en extraire la boue qui s’entasse totalement en profondeur. Nous avons perdu un jeune récemment parce qu’il n’a pas pu se retirer du bas-fond à cause de la grande quantité de la boue et de son poids très lourd», a-t-il expliqué, martelant que le travail devient très périlleux en saison de pluie avec la montée des eaux. 

Du retour des zones marécageuses, ces femmes de Sè qui se sont constituées en association dénommée « Groupement des femmes potières de Sè » (Gfps), se mettent à la tâche, usant de leur génie créateur, pour sécher et façonner la boue en objets divers.

Aux dires de dame Ahouanmagbato, membre de l’association, le travail de la poterie se fait tous les jours de la semaine, sur commande ou pour usage personnel.

« La boue ramenée des bas-fonds est séchée au soleil pendant un à deux jours, puis trempée à nouveau dans de l’eau et pétrie avec les pieds et les mains. Vient ensuite le moment décisif qui est le façonnage de l’argile pétrie en différents objets de cuisine, de décoration et parfois de construction comme les tuiles pour couvrir les maisons », a-t-elle confié, indiquant qu’une journée entière de soleil permet de sécher l’article fabriqué ou au « four » (grand feu) pour le rendre dur.

Nan Ahouangbéssi, une octogénaire et potière à la retraite, a précisé à Anadolu que la cuisson des tuiles au four peut durer dix heures de temps en moyenne et celle des canaris (cruche traditionnelle) cinq heures.

"Ce qui constitue la particularité de cette poterie, c'est sa qualité exceptionnelle, au point qu'elle se casse difficilement. Seules les femmes manient cette terre d'argile qu'on trouve uniquement dans les zones marécageuses" a déclaré Nan.

Retraçant l’historique de ce savoir-faire traditionnel et identitaire de Sè, l’octogénaire raconte qu’une femme originaire de Sè aurait épousé un chasseur dans un village d’à côté du nom de Djrè. Un jour, le mari est allé à la chasse et a vu des génies en train de travailler l’argile pour lui donner la forme d’une jarre. Impressionné, le chasseur est revenu rapporter la découverte à sa femme et a souhaité qu’elle le suive le lendemain pour aller voir ce qui se fait dans la brousse. La dame de retour a rapporté la découverte à ses parents à Sè qui ont voulu qu’elle mette la technologie au service de ses sœurs avant de regagner le domicile conjugal.

« Depuis lors, la pratique s’est perpétuée et est devenue l’une des grandes activités génératrices de revenus dans la localité. Elle se transmet de la mère à la fille et les objets fabriqués ont une triple fonction : traditionnelle, culinaire et commerciale », a-t-elle renseigné.

Yvette Logoton, membre du groupement des potières, affirme que les articles fabriqués (plats, casseroles de cuisine, jarres, pots de fleurs et autres objets d’art) sont achetés par les nationaux tout comme les femmes de certains pays frontaliers du Bénin comme le Togo et le Niger.

« Nous vendons nos jarres à partir de 500 Francs CFA (0,8 USD), ça dépend de la grosseur. Les plats sont vendus à partir de 300 Francs CFA (0,5 USD) », a confessé dame Logoton, martelant que les canaris, jarres et pots de fleurs s’écoulent rapidement.

« Je suis veuve depuis bientôt dix ans et c’est grâce à ce travail que je nourris mes six enfants et paie leurs écolages », a confié une autre qui a requit l’anonymat, indiquant que la poterie de Sè est devenue un label traditionnel, identitaire et commercial pour la localité et le Bénin.

« Lorsque vous dites que vous êtes de Sè, on vous identifie par rapport à cette technicité (la poterie) », a-t-elle confessé à Anadolu.

 
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