Mali: La teinture artisanale perd ses couleurs à Bamako
Dans le centre de Teinture de Dianeguela, une cinquantaine de femmes continuent de teindre le tissu bazin malgré les obstacles financiers.

AA/Bamako/Baba Ahmed
Dans le centre de Teinture artisanale de Dianeguela, à Bamako, elles sont presque une cinquantaine de femmes à teindre à la main le célèbre tissu bazin, considéré comme une richesse du textile africain. Un travail laborieux qui rencontre depuis quelques temps des obstacles notamment d'ordre financier.
Il y a peu de temps encore, le centre tournait à plein régime. Construit en 2011, dans le cadre d'un projet de "gouvernance et culture" coordonné par l'UNESCO (Centre du patrimoine mondial et bureau de Bamako) et cofinancé par l'Union Européenne, il abritait plus de 200 femmes.
Réunies dans une cour immense, sous les hangars, elles venaient de tous les quartiers de la capitale malienne pour travailler à la main le tissu blanc du basin en coton damassé brillant qui vient en général des pays européens notamment de l’Allemagne, des Pays Bas, mais aussi de la Chine, informe une des ouvrières en plongeant son tissu immaculé dans un gros tonneau pour le teindre.
"Le centre était rempli, il n y avait même pas de place où mettre pied, mais les teinturières sont parties pour la plupart car il y a peu d’argent qui rentre, les gens sont en difficultés depuis la crise de 2012 (une rébellion déclenchée en janvier 2012 dans les régions du Nord a plongé le pays dans l'instabilité)", déplore une autre teinturière rencontrée par Anadolu.
Aujourd'hui, les teinturières gagnent rarement plus de 1000 FCFA (2 usd) par tissu traité, presque moitié moins qu'à l'ouverture du centre, informent ces dernières. Ces pièces sont par la suite revendues entre 6000 et 6500 FCFA sur le marché malien (entre 12 et 13 dollars) qui est en revanche toujours en demande.
Outre le manque d'argent, les teinturières déplorent aussi «le problème de manque d’eau et d’électricité, ce qui fait qu’elles ne peuvent pas travailler la nuit» et en appellent aux autorités maliennes pour améliorer leurs conditions de travail.
Malgré toutes les difficultés rencontrées, la cinquantaine de courageuses restées au centre continuent de teindre, chaque jour, sous un soleil cuisant, le tissu très prisé des ouest-africains.
Du bleu, du rouge, du violet, du vert... Tout est permis pour donner vie au tissu blanc utilisé par une large partie de la population notamment lors des cérémonies de baptême ou de mariage, durant lesquelles femmes, enfants, jeunes, vieux, pauvres et riches affichent leur "identité malienne" à travers le bazin, expliquent les ouvrières.
Pour Hannah Larsson qui a étudié la teinture des textiles au Mali et cité par un document récent publié l’ONU sur la teinture du bazin au Mali, le problème concernant le centre de Teinture est que l'industrie du bazin reste encore informelle donc les teinturières ne peuvent pas bénéficier d'aide gouvernementale malgré leurs appels de détresse.
Cependant, il y a une alternative selon ce même document qui affirme que la réussite entrepreneuriale des femmes dépend en général des micro-crédits d’organisations non gouvernementales comme Freedom from Hunger, basé aux États-Unis.
Lancé en 1989, le programme "Epargner pour le Changement au Mali" de cette organisation a d'ailleurs jusqu'à présent bénéficié à plus de 350 mille femmes maliennes, avec un financement total d’environ 7,5 millions de dollars.
Selon Christopher Dunford, chargé d’études dans cette ONG, cité par le même document de l’ONU, plusieurs femmes travaillant dans la fabrication du bazin ont d'ailleurs bénéficié de ce programme qui offre des services de crédit et d’épargne abordables, avec des conditions de remboursement souples.
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