AA / Istanbul / Wafae El Baghouani

La Türkiye célèbre ce jeudi la Journée mondiale du café turc, un art de vivre pluri-séculaire inscrit depuis 2013 au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Préparé dans le traditionnel cezve et servi dans de petites tasses fincan, le café turc reste un pilier des rituels d’hospitalité : visites familiales, réunions de voisinage, fêtes religieuses ou encore la cérémonie traditionnelle de demande en mariage, le kız isteme, où la future mariée prépare symboliquement le café — parfois salé — à son prétendant.

Doté d’un arôme intense, d’une texture veloutée et d’une mousse distinctive, ce café occupe une place centrale dans la transmission intergénérationnelle des usages sociaux. Servi avec un verre d’eau et souvent accompagné de loukoum, il constitue un marqueur culturel fort de la vie quotidienne.

- Un héritage enraciné dans l’histoire urbaine ottomane

Les premiers kahvehane d’Istanbul sont apparus au milieu du XVIᵉ siècle dans les quartiers de Tahtakale et d’Eminönü. Plus que de simples lieux de détente, ils accueillaient conteurs, poètes et intellectuels, et jouèrent un rôle majeur dans la structuration de l’espace public ottoman. On y commentait l’actualité, on y lisait les premières gazettes et on y entretenait une sociabilité urbaine dont l’influence perdure.

- Une filière en expansion : données 2024

Sur le plan économique, Türkiye consolide sa présence internationale.

En 2023, le pays a exporté 8 652 tonnes de café vers 146 pays, générant 57,49 millions de dollars.

Les données 2024 disponibles (janvier–août) indiquent déjà 34,5 millions de dollars d’exportations.

Sur l’ensemble de la période 2020 – août 2024, les exportations cumulées atteignent 154,7 millions de dollars, confirmant une dynamique haussière.

Les principaux marchés incluent la Syrie (~10,4 M USD), la Biélorussie (~8,5 M USD), la Russie (~6,5 M USD), mais aussi les États-Unis, les Pays-Bas, la République turque de Chypre du Nord, l’Arabie Saoudite et le Royaume-Uni.

La consommation intérieure progresse également, notamment chez les jeunes générations. Faostat estime la consommation à 1,97 kg par habitant en 2021, tandis que d’autres sources évoquent environ 1,5 kg en 2023.

- Une chaîne de valeur élargie

La filière s’étend bien au-delà du café torréfié : exportations de cezve, machines électriques inspirées de la méthode traditionnelle, cafés moulus prêts à l’emploi, porcelaines, services de table et accessoires liés au rituel.

L’Association turque de la culture et de la recherche sur le café turc — fondée en 2008 et promotrice du dossier UNESCO — souligne que la valorisation du “café turc” passe autant par la protection de sa méthode de préparation que par le développement industriel des objets qui l’accompagnent.

- Santé, modernité et traditions vivantes

Les experts rappellent que le café turc, non filtré, contient davantage de diterpènes susceptibles d’influer sur le cholestérol en cas de consommation excessive ; la recommandation générale reste de 2 à 3 tasses par jour.

Parallèlement, la tradition du fal — lecture du marc de café — demeure très présente. Souvent perçue comme un jeu convivial plutôt qu’un acte divinatoire, elle constitue un moment privilégié de partage et de conversation, notamment entre femmes et entre générations.

À l’occasion de cette journée mondiale, des ateliers, des démonstrations, des expositions et des rencontres culturelles sont organisés à Istanbul, Ankara, Izmir et dans plusieurs autres villes.

Le ministère de la Culture et du Tourisme rappelle que le café turc « incarne un héritage transmis de génération en génération, unifiant les communautés autour d’une pratique simple mais profondément symbolique ».