Journée mondiale du café turc : un héritage millénaire célébré à Türkiye
- En 2023, Türkiye a exporté 8 652 tonnes de café ; entre janvier et août 2024, les exportations ont déjà atteint 34,5 millions de dollars
Istanbul
AA / Istanbul / Wafae El Baghouani
La Türkiye célèbre, ce vendredi, la Journée du café turc, une tradition pluriséculaire issue de l’héritage ottoman, qui continue de structurer la vie sociale et culturelle en Anatolie et dans les anciennes provinces de l’Empire.
À cette occasion, plus de 120 événements culturels, ateliers, démonstrations publiques et expositions thématiques sont organisés en 2025 à Istanbul, Ankara, Izmir et dans plusieurs autres villes, sous l’égide des municipalités et des institutions culturelles.
Selon le professeur associé Dr Enver Emre Ocal, historien à l’Université Istanbul Topkapi, l’introduction du café dans les territoires ottomans remonte à 1543, sous le règne de Soliman le Magnifique, tandis que ses premières mentions apparaissent dès 1517, à l’époque de Sélim Ier. Originaire du Yémen, le café est consommé dès le XVe siècle, avant de transiter vers Istanbul après l’intégration du Yémen à l’Empire ottoman en 1538.
Les premières maisons de café (kahvehane) apparaissent entre 1553 et 1555. Dès la première moitié du XVIᵉ siècle, elles font l’objet de fermetures répétées. Une partie des oulémas considère alors le café comme une innovation religieuse (bid‘a), tandis que les autorités redoutent que ces lieux ne deviennent des foyers de contestation politique.
Au XVIIᵉ siècle, les kahvehane se multiplient et deviennent des espaces centraux de la sociabilité masculine. Des membres du corps des janissaires s’orientent vers leur exploitation. En raison de leurs liens avec la tradition bektachie, certains établissements remplissent des fonctions proches des tekké (loges spirituelles), alimentant la méfiance du pouvoir central.
Pour le Pr Ocal, la persistance du café turc s’explique par son intégration dans la « synthèse culturelle ottomane ». Empire multiethnique, l’État ottoman a produit une culture commune fondée sur l’intégration des pratiques. La consommation du café turc dans les Balkans, le Caucase et le Moyen-Orient constitue aujourd’hui l’un des marqueurs les plus visibles de cet héritage partagé.
Contrairement aux cafés européens, les kahvehane ottomanes étaient des espaces exclusivement masculins, où étaient également consommés le narguilé et les produits du tabac. Le café, acheté au Yémen, rejoignait l’Italie puis la France via les réseaux commerciaux ottomans, contribuant indirectement à façonner la culture du café en Europe.
Ces maisons accueillaient également des spectacles de Karagoz-Hacivat et les récits des meddah. Sous Soliman le Magnifique, des textes sociaux et historiques étaient rédigés pour être lus publiquement afin de canaliser les rumeurs et prévenir les tensions. Ces lieux ont progressivement évolué vers la fonction de kiraathane (salles de lecture).
Certaines maisons de café furent aussi associées aux jeux d’argent et à des pratiques illégales. Le Pr Ocal estime que la pluralité de ces fonctions sociales, politiques et culturelles permet d’analyser les kahvehane à travers le concept d’« hétérotopie » du philosophe Michel Foucault.
Le café turc s’est maintenu grâce à son intégration dans les rituels sociaux. Lors de la cérémonie de kiz isteme (demande en mariage), la future mariée prépare traditionnellement un café salé au prétendant. Le proverbe « Un café a une mémoire de quarante ans » demeure largement ancré dans la société.
Dans la culture anatolienne, le café est un symbole central de l’hospitalité. Il est servi après les repas, dans des tasses finement décorées, accompagné de loukoums. Cette mise en scène du service structure la relation à l’invité.
Sur le plan économique, la filière du café turc poursuit sa croissance. Selon l’Institut turc de la statistique (TUIK) et le ministère turc du Commerce, les exportations de produits liés au café turc ont atteint environ 60 millions de dollars en 2024. Pour 2025, les projections de l’Assemblée des exportateurs de Türkiye (TIM) et de l’Union des chambres et bourses de Türkiye (TOBB) anticipent une croissance annuelle comprise entre 8 % et 10 %.
La chaîne de valeur comprend les cezve traditionnels, les machines électriques inspirées de la méthode ancestrale, la porcelaine, les plateaux de service et les objets liés au rituel.
Fondée en 2008, l’Association turque de la culture et de la recherche sur le café turc, à l’origine du dossier d’inscription à l’UNESCO, plaide pour la préservation des méthodes traditionnelles tout en accompagnant la modernisation des pratiques.
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