Culture et Arts

Goncourt 2019 : ‘‘Tous les hommes n'habitent pas la terre des droits de l’homme de la même façon’’

Mourad Belhaj  | 14.11.2019 - Mıse À Jour : 14.11.2019
Goncourt 2019 : ‘‘Tous les hommes n'habitent pas la terre des droits de l’homme de la même façon’’ ( Yusuf Özcan - Anadolu Ajansı )

Tunisie


AA/ Tunis / Mourad Belhaj

Le prestigieux prix littéraire français Goncourt 2019 vient d’être attribué à Jean-Paul Dubois, journaliste et écrivain français de renom, pour son livre “Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon” paru aux éditions de l’olivier.

C’était le 4 novembre courant. Le jury était présidé par Bernard Pivot, l’une des références de la littérature française.

Le Prix Goncourt est un prix littéraire français décerné au début du mois de novembre par l'Académie Goncourt, dont le premier président fut un certain Alphonse Daudet et récompensant des auteurs d'expression française, parmi les romans publiés dans l'année en cours.

Il s’agit du plus ancien et de l'un des plus prestigieux prix littéraires français.

Le titre du roman lauréat de cette année, renvoie à une certaine France et à son histoire : ‘‘Tous les hommes n'habitent pas la terre des droits de l’homme de la même façon’’.

A l’époque coloniale, précisément en 1921, un jeune français d’origine guyanaise, nommé René Maran, devient, à 34 ans, le premier écrivain noir à obtenir ce prix.
Dans son roman primé, intitulé « Batouala », Maran dénonce le colonialisme français en Afrique.

Administrateur colonial d'outre-mer en Centrafrique, il a été le témoin des conditions de vie déplorables des peuples colonisés, où esclavage, famine et comportement révoltant des colons envers les autochtones étaient monnaie courante.

Il faut dire que le racisme ordinaire qui régnait à l’époque dans les colonies françaises de l’Afrique, n’était pas confiné au continent noir, mais sévissait également en « métropole », le pays des droits de l’homme.

C’est ainsi que, comme le rappelait récemment un article du journal français « Le Point », la victoire de René Maran a été accueillie par « Le Petit Parisien », le journal phare de l’époque, par le commentaire suivant, publié le 15 décembre 1921: « M. René Maran, administrateur colonial, domicilié à Fort-Archambault, à deux journées de marche du lac Tchad, au milieu de Noirs qui lui ressemblent comme des frères, a reçu hier le prix Goncourt. (….) Depuis l'année 1903, époque où fut décerné le premier prix Goncourt, c'est la première fois que les Noirs jouent et gagnent. (…) sa qualité de nègre (…) a séduit les dix de l'Académie Goncourt épris de couleur et d'étrangeté. »

La colonisation française, coupable des pires exactions sur le « continent noir », est dénoncée par René Maran, dans la préface de Batouala, en ces termes : « Civilisation, civilisation, orgueil des Européens, et leur charnier d'innocents. Tu bâtis ton royaume sur des cadavres. (…) Tu es la force qui prime sur le droit. Tu n'es pas un flambeau, mais un incendie. Tout ce que tu touches, tu le consumes. »

Christian Éboulé, journaliste et critique littéraire sur TV5MONDE Info explique que la situation de Maran est des plus inconfortables sur le plan moral, puisqu’il est «administrateur colonial et il est dans une position assez paradoxale. Il est du point de vue de sa couleur de peau exactement comme ceux qui sont à ce moment-là assujettis, colonisés. Et il se retrouve dans une situation où il doit leur appliquer des lois, qui, pour certaines, étaient d’une férocité incroyable ».

Après la polémique suscitée par son roman, René Maran devra démissionner de l'administration coloniale et son livre, lauréat du Goncourt, sera interdit de publication en Afrique. Au pays des droits de l’homme au début du XXème siècle, il ne faisait pas bon d’être noir.

« Le Petit parisien », devenu durant la deuxième guerre mondiale, un organe collaborationniste de propagande nazie, fut interdit à la fin de la guerre, laissant sa place au journal « Le Parisien Libéré » !

Mais ce Paris, libéré des Nazis, s’est-il également libéré de ce racisme ordinaire qui sévissait durant l’entre-deux guerres ? Ou est-ce un de ces sujets sur lesquels la France d’aujourd’hui tente encore de jeter un voile ?

Des questions auxquelles l’Académicien, Historien et Philosophe français apporte un élément de réponse dans cette critique au vitriol de la marseillaise : ‘‘Ces paroles ignobles de la Marseillaise où on parle du sang impur des ennemis, qui est un mot d'un racisme tel qu'on devrait avoir honte de l'enseigner aux enfants.

Quels que soient les ennemis, qu'ils aient un sang impur, c'est quand même d'un racisme, j'aurais honte de l'enseigner à mes étudiants, ils ont tous un sang pur et l'impureté du sang est quelque chose qui me fait horreur. [...] Ce n'est pas seulement un imaginaire raciste, c'est une tradition qui a été si longue qu'elle a fondé beaucoup de traditions politiques, beaucoup de philosophies du droit.’’




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