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Entraide et philanthropie, la leçon ramadanesque d’un village ivoirien

Les villageois se partagent la nourriture et les liens se resserrent.

03.07.2015 - Mıse À Jour : 03.07.2015
Entraide et philanthropie, la leçon ramadanesque d’un village ivoirien

AA/ Abidjan (Côte d’Ivoire) / Issiaka N’Guessan.

A Tofesso, bourgade peuplée de 1093 habitants, tous musulmans (au dernier Recensement général de la population et de l'habitat 2014) et située à 402 km d’Abidjan vers le centre, Ramadan apporte son grain de sel à une solidarité qui ne bat pas de l'aile. 

Cultivant les champs pendant la journée, les jeûneurs se partagent le premier repas du soir, prient ensemble et débattent au cours de la veillée des affaires de la commune, donnant à voir une philanthropie qui impressionne.

C’est  samedi. Les villageois croulent sous une chaleur caniculaire. Alors que le soleil progresse dans sa chute, les femmes se montrent à la tâche. Le bouillonnement des marmites s’entend de loin et semblent chavirer bien des cœurs pourtant patients. Dans le centre de la commune, les hommes sont toujours presqu’invisibles.

Mais, dans les sentiers sinueux desservant la bourgade et les champs environnants, on les croise à tout bout de champ. Hommes et femmes se hâtent donc de rejoindre leurs demeures après une journée entière de labeur pour gagner à la sueur de leur front un pain difficile.

Jeune fille baoulé issue d’une ethnie du centre du pays, Sandrine Ahou Kouamé, à l’origine animiste puis chrétienne, est devenue musulmane grâce à son mari. De retour chez-elle, elle se montre aussitôt en pleine action dans une cuisine modestement garnie.

« Je malaxe la farine de maïs pour la baca (bouillie en langue locale) du soir qui sert à rompre le jeûne pour l’ensemble de la famille. Plusieurs personnes viennent ici aussi pour ce rituel quotidien », dit-elle.

Le plat du jour sera composé outre la bouillie, de riz et de banane frite, communément appelée « aloco » en Côte d’Ivoire, se réjouit la dame.

Pas très loin d'une cour aménagée pour la prière, d’autres femmes s’occupent soigneusement  de marmites bouillonnant sur les feux de bois de chauffe.

Bagaté Yagba trie du riz. « Je trie le riz pour préparer le repas de 4h30, chez nous on dit c’est le repas de « souhoulou » (Shour en arabe, le petit déjeuner de Ramadan, ndlr) ».

Pour le premier repas du soir, elle utilise 3 kg de farine de mil assaisonnée de résidus en jus de tamarin (tomi, en langue locale) et du citron.

« Du premier au dernier jour du mois du jeûne, nous refaisons quotidiennement ce récital culinaire. Mais, il faut souligner que l'accomplissement du jeûne au village n’est pas chose facile, tant nous avons des difficultés financières qui empêchent de faire la rupture dans les conditions que nous souhaitons », regrette Nogossou Sévédé.

«En raison des délestages répétitifs, nous n’avons pas d’eau froide. Le sucre est une denrée rare, c’est difficile mais cela ne peut en aucun cas affecter notre foi, ni freiner notre détermination à observer le jeûne », souligne Sévédé.

Pas loin d’elle, une jeune fille pile du gingembre. Bagaté Aissatou Larissa est élève en classe de 4è et est en vacances au village. Agée de 15 ans, elle observe le jeûne comme tous les membres de sa famille.

« Le gingembre pilé sert à faire du jus pour 12 personnes. Tous les jours, avec 1 Kg de gingembre, je pile pour en faire du jus pour la rupture du jeûne », affirme-t-elle.

Tandis que d'autres femmes âgées confectionnent plusieurs repas pour la rupture du jeûne et le grand repas du soir, certaines plus jeunes se montrent aux commandes de la pompe. Tofesso a deux pompes à motricité humaine « devenues insuffisantes pour une population en croissance », soutient Bagaté Bolou, ex-maire de la commune de Kongasso.

A 17h45, les femmes se mettent à balayer un vaste espace rempli de crottes de moutons et de boucs. C’est le lieu vers lequel tout le village va converger dans une heure de temps pour la prière d’el-Moghreb, peu avant la rupture du jeûne ( 18h.30).

L’heure venue, le village entier se dirige vers le lieu de la prière. En plein air, les fidèles s’installent derrière l’imam Bagaté Mamadou. La prière n’est pas longue.

A peine la prière achevée, des cercles se forment autour des cuvettes de bouillie de mil et de maïs pour la rupture du jeûne accompagnée de jus d’oseille ou de gingembre bien brûlant. Les femmes, munies de grosses soupières de bouillie, distribuent la nourriture aux autres familles. Ici, la solidarité se voit et se vit. Moussa Bagaté en est fier : «  Les horizons auraient été plus étroits n’eut été cette entraide, très utile pour nous ».

19h30, le muezzin réinvite les fidèles à revenir pour la grande prière du soir. Dès l’entrée de l’imam jusqu'à l'entame de la prière, tout est rythmé par les « Allaho Akbar » (Dieu est grand). Rakaâts (unité de prière) et invocations s’enchaînent.

Les fidèles regagent, ensuite, les demeures, fiers d’avoir accompli un devoir si précieux. Le temps est, alors, à savourer le reste des plats confectionnés par les femmes. Ici, du riz à la sauce arachide, là-bas du foutou de banane ou d’igname à la sauce de jus cuit de graine de palme.

Le régal est collectif et s’achève dans la joie, cédant la place à de longs échanges autour de préoccupations d’intérêt collectif. « Souvent nous restons là jusqu’à 23h (Gmt)», se réjouit Bagaté Bolou, le cadre arrivé d’Abidjan pour voir ses parents.

  

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