En Afrique subsaharienne, la dot "rend chèvre" les futurs fiancés
Pour demander la main de l’élue de leur cœur, les jeunes hommes doivent offrir bétail, nourriture ou argent à leur futur belle-famille.

AA/Tunis/Esma Ben Said
De la vache aux colliers en or, en passant par des pagnes et des boissons, la dot continue d’être un élément incontournable du mariage en Afrique subsaharienne, souvent pour la plus grande joie des parents mais généralement au grand désarroi des futurs époux.
« Dans ma tribu, les Baoulés (ethnie ivoirienne), les parents exigent en général pour la dot 6 bouteilles de liqueur, un gros drap pour la mère de la fiancée, un gros pagne pour le père de la fiancée,des complets de pagnes des sandales appropriées, des bijoux et au moins 60 mille FCFA (120 USD) pour la future épouse ainsi que 80 mille FCFA (160 dollars) pour aider les beaux-parents à recevoir les invités», énumère, ravie, Hélène Kouadio, une sexagénaire ivoirienne.
« Mais en cas de divorce, aucun remboursement n’est possible ! », ajoute-t-elle avec beaucoup de sérieux.
Tout comme en Côte d'Ivoire, au Burkina Faso, la dot est une étape immanquable précédant les les unions futures. Pourtant certaines ethnies font fi de la valeur symbolique de la dot et n’hésitent pas à réclamer des sommes mirobolantes aux prétendants de leurs filles.
Au Burkina Faso, les Dagara (Sud-ouest), les Sénoufos (Ouest), les Gourounsi (centre-ouest) ou encore les Bobo (Ouest) sont connus pour être très exigeants au niveau de la dot. On associe d’ailleurs souvent les termes de « mariages de fer », « ethnies compliquées », « grosses dots », pour traduire les dures réalités auxquelles on peut être confronté quand on veut épouser une des femmes de ces communautés, explique d’ailleurs à Anadolu Michel Zongo, sociologue burkinabé.
Alain jeune enseignant burkinabé nouvellement marié n'y va pas par quatre chemins: «J’appartiens à l’ethnie Senoufos (ethnie majoritaire du Burkina), et chez nous, le montant fixé pour la dot est compris normalement entre 35 mille et 45 mille Fcfa mais pour mon épouse, j’ai dû dépenser près de 450 mille FCFA pour satisfaire les désirs de sa famille », explique-t-il.
D’autres familles estiment même la dot de leur fille en fonction de son teint. Ainsi, « plus celle-ci à la peau claire, plus sa dot est élevée », renseigne Michel Zongo.
Au Mali, on réclame au prétendant d’offrir entre 75 mille à 5 millions de FCFA (entre 150 et 10 mille USD) à sa belle-famille. Une partie de l’argent est consacrée à l'achar de vêtements, chaussures et bijoux pour la future mariée.
Dans d'autres sociétés africaines où l'élévage a une place de choix, celui-ci devient au coeur de l'offrande. Ainsi, au sein de la tribu Nande, majoritaire dans les villes de Beni et Butembo au Nord-Kivu (Est de la RDC), pour demander la main d'une fille, il faut offrir à sa famille 12 chèvres (dans les villages) ainsi qu’un habillement complet (une veste pour le père et un pagne pour la mère de l’épouse), explique pour sa part Cléophas Kabambi, membre fervent du Kyaghanda Yira (plateforme culturelle de l’ethnie Nande et ses tribus apparentées) rencontré par Anadolu.
A Mugamba, dans le Nord-Ouest du Burundi, qui compte un nombre important d’éleveurs, on donne une ou deux vaches pour la dot. Le niveau d'études de la future épouse en fixe la valeur. "Si cette dernière est cultivatrice, il est difficile pour elle de prétendre à une dot consistante", explique Pierre, jeune commerçant de la région.
Pour les pères de famille, ces offrandes ne sont pas seulement un investissement du futur marié « mais bel et bien une récompense face aux efforts fournis par les parents pour l’éducation et l’instruction de leur fille, ainsi qu’un moyen de garantir la longévité du mariage », assure Sylvestre, un père congolais de 54 ans qui vient de marier sa troisième fille.
La dot est, au demeurant, considérée comme un élément garant de la stabilité du mariage. Plus elle est élevée, plus son remboursement peut être difficile sinon impossible, avoue Christelle jeune étudiante congolaise qui prépare actuellement sa cérémonie de dot.
Cependant, pour beaucoup, la dot valorise la femme et sa famille, et contribue à tisser un lien solide entre les deux parties.
D'ailleurs, pour faire plaisir à leurs familles respectives, certains jeunes fiancés n’hésitent pas à s’entraider en secret pour satisfaire leurs familles avoue Jules, un ivoirien dont la nouvelle épouse « a payé la moitié de la dot en cachette par amour. »
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