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En Afrique, se coiffer n'est pas qu'une question d'esthétique

Chez certaines tribus, en cas de grand malheur on se rase les cheveux pour adhérer à l'idée d'anéantissement véhiculée par la mort.

25.05.2015 - Mıse À Jour : 25.05.2015
En Afrique, se coiffer n'est pas qu'une question d'esthétique

AA/ Bamako/ Ouagadougou/ Yaoundé/ Baba Ahmed/ Lougri Dimtalba/ Pado Chimie

Veuve ayant tour à tour perdu sa fille et ses deux fils, Berthe Nana, Camerounaise d'environ 80 ans, s'est à chaque deuil, rasée les cheveux, "C’est la coutume, chez nous les Bamilékés (peuple de l'ouest du Cameroun), c'est une manière de dire au revoir à celui qui est parti et d'adhérer à l'idée d'anéantissement véhiculée par la mort" souligne-t-elle à Anadolu.

En effet, au delà de sa dimension esthétique, la coiffure est, en Afrique, un moyen de communication et d'identification sociale et culturelle.

Pour certaines tribus ou groupes ethniques africains, la manière dont on se coiffe est, en soi, un moyen de communiquer un message et peut, même, renseigner sur le statut social et familial de la personne, parfois même sur ses états d'âmes.

 Berthe ajoute que pour châtier une personne qui a fauté, une femme adultère, on leur rase les cheveux.

 Ancienne amie de la reine de Bamena (village de l'Ouest du Cameroun) et grande cousine de l’actuel roi de Bangou (Ouest), Berthe Nana se rappelle, sourire aux lèvres "lorsque j’étais petite, nous ne faisions pas de tresses, lorsque j’allais à la fête sur la place du village avec ma mère ou lors des cérémonies, toutes les filles avaient les cheveux naturels crépus. On y passait, juste, les doigts pour les peigner. On se sentait belle ainsi car à l’époque, les hommes, nos futurs maris, aimaient les femmes ainsi".

"Après, dans les années 1950, lorsque je me suis mariée, les modes ont changé et les femmes ont commencé à aborder des coiffures en tresses, les princesses ainsi que les femmes musulmanes" ajoute-t-elle

Au Burkina Faso aussi, la coiffure porte souvent un message, à travers un modèle de coiffure la société peut identifier une nouvelle mariée, une veuve, une femme libre etc…. De même,  les sentiments, le désir sexuel et le courage peuvent-ils être détectés à travers la coiffure relève Aly Soulama, doctorant en sociologie à l'université de Ouagadougou.

"La coiffure est comme une scarification qui permet d’exprimer un état d’âme à un moment donné de la vie d’un individu. Ainsi dans chaque ethnie, les coiffures varient aussi bien en fonction des individus que de leur histoires vécues".

En pays Sénoufo- formation sociale de l’Ouest du Burkina Faso- les cheveux des individus sont considéré comme une propriété de de la société, précise Soulama notant que chez ces communautés, à la naissance le crâne du nouveau-né doit être rasé en suivant un certain nombre de règles.  Si la maman a eu des difficultés pour enfanter, on rase au nouveau-né les côtés et on laisse un peu de cheveux au milieu" a ajouté le spécialiste expliquant que "Les cheveux qu'on garde au milieu de la tête constituent, en quelque sorte, une barrière entre l’enfant et les mauvais esprits. C’est aussi une marque qui permet de reconnaître ces enfants dont les mères ont éprouvé des difficultés en les mettant au monde".

Au Mali, la coiffure est un élément d'identification culturelle et sociale chez certaines communautés telles les peuhls, souligne Aminata, jeune Malienne qui s'intéresse de près à la question et dont la grand-mère, confie-elle, était de ces vieilles dames, bien connues, pour la maîtrise de l'art du tressage, ajoutant "la coiffure pouvait renseigner sur le statut de la personne, nouvelle mariée, veuve ou divorcée...". Aminata se désole, toutefois que des coiffures authentiquement africaines commencent à s'effriter.

Un avis partagé par Eric, coiffeur tenant un salon dans le quartier de Essos à Yaoundé qui déclare à Anadolu que "les femmes africaines, notamment, camerounaises, sont de plus en plus nombreuses à opter, en dépit de la nature de leurs cheveux, pour des coiffures lisses recourant à des extensions et à une panoplie de produits".

Cependant, toutes les africaines n'optent pas pour des chevelures lisses et certaines d'entre elles demeurent attachées à leur identité, abordant des coiffures dites "Nappy" la contraction de "natural happy", laissant libres leurs crinières. Pour ces femmes c'est une façon de revendiquer leur identité africaine.

Interrogé à ce propos par Anadolu, Yves Valery Obame, sociologue et enseignant des écoles normales au Cameroun, trouve que "certaines coiffures emblématiques de l'Afrique telles la tresse, sont en train de perdre du terrain au profit de nouvelles tendances et des nouveaux diktats de la mode citant les coiffures lisses à l'image de celles portées par les femmes blanches".

 
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