Dans les rues de Tunis, les artistes jouent la mélodie de la liberté
Les artistes de rue sont de plus nombreux à se produire dans la capitale tunisienne.

Tunis
Il est 17 heures sur l’Avenue Habib Bourguiba, artère principale de Tunis et centre névralgique de la capitale. Un groupe amateur offre, comme chaque jour, un spectacle musical aux passants séduits.
La troupe d’aujourd’hui s’appelle « défenseurs de la paix ». Elle est composée de six membres, qui, sur un rythme de musique marocaine, parlent d’exil et de liberté.
Cette image, qui peut sembler classique pour de nombreux pays déjà habitués à l’art de rue, est nouvelle pour la Tunisie. En effet, les 23 ans de régime autoritaire ont brimé les réunions musicales et artistiques dans les rues.
Mais désormais, musiciens, peintres ou encore danseurs, peuvent prendre la rue « comme scène ouverte pour exercer toutes les formes du combat culturel» qui s’inscrit dans le vent de liberté soufflant sur le pays depuis le 14 janvier 2011, selon les propos recueillis par Anadolu.
« Nous avions déjà essayé de faire des concerts de rue dans les années 90, du temps de l’ancien régime, mais nous étions harcelés par la police qui considérait notre activité comme un acte de contestation. Mais depuis la révolution la situation a changé et nous pouvons désormais nous produire en toute liberté », explique à Anadolu Néjib Ben Meftahi, fondateur de la troupe «défenseurs de la paix ».
Les « défenseurs de la paix » ont un répertoire de vingt chansons inspirées de la musique du groupe «Ness El Ghiwan» -qui rend hommage au patrimoine marocain et qui sert les causes sociales et politiques au Maroc-, ajoute Ben Meftahi.
«Nous sommes six instrumentistes et chanteurs et utilisons des instruments d’origine maghrébine, sahraouie et d’Afrique subsaharienne, tels que le banjo, le guembri, le bendir, les tabilettes, les castagnettes, le djembe ou encore le bankous », énumère l’artiste.
Interrogé sur les réactions du gouvernement face à la musique de rue, Ben Meftahi assure que les gouvernements qui se sont succédés après la révolution «n’ont exercé aucune pression sur ces troupes artistiques ».
«Mais dans le même temps, le gouvernement n’accorde aucune aide financière aux artistes de la rue et poursuit même une politique de marginalisation voire même d’exclusion» ajoute-t-il.
Des accusations auxquelles le ministère de la Culture, joint par Anadolu, n’a préféré pas commenter.
«L’art engagé n’est certes pas encore très répandu en Tunisie, mais beaucoup de tunisiens apprécient la chanson ghiwane (en référence à la musique de « Ness El Ghiwane)», poursuit le fondateur de la troupe « défenseurs de la paix ».
« L’avantage avec ce type de musique, c’est que l’on peut parler des problèmes de la jeunesse tunisienne qui souffre du chômage, de la marginalisation et de l’immigration clandestine, et le tout sur un air musical fluide et envoutant. C’est ce qui plait aux gens», ajoute-t-il.
« Chanter dans la rue, poursuit l’artiste, est également un bon moyen de combattre le terrorisme par la culture, l’art, l’animation des villes. Les Tunisiens en ont besoin ».
D’ailleurs, les passants semblent séduits par cet art de rue. Ils sont nombreux, de tout âge, et de toute catégorie sociale, chaque jour, à s’arrêter dès les premières notes pour écouter, de longues minutes durant, les chants des différentes troupes de musique.
Mohamed, est accompagné de ses enfants. Le sourire sur ses lèvres il témoigne « j’admire ces artistes, qui véhiculent un véritable message, tout en nous apportant du bonheur », dit-il à Anadolu.
Fanny, est une touriste française. C’est la première fois que cette quadragénaire visite la Tunisie. Elle a dansé et applaudi durant la prestation du groupe. « Cette ambiance est délicieuse. J’ai beaucoup apprécié ce moment et mes enfants aussi. Il fait beau en plus, c’est tout à fait le moment de chanter, danser et profiter ! », déclare-t-elle dans un rire.
Oussama Trabelsi, jeune artiste, également rencontré dans la capitale, juge pour sa part que « la rue permet aux jeunes créateurs de présenter leurs œuvres artistiques à un public réceptif, surtout qu’ils ne trouvent pas facilement d’autres espaces adaptés pour exercer leurs talents ».
« Et les spectateurs y gagnent aussi, poursuit-il. Ceux qui ne disposent pas de ressources financières suffisantes pour se rendre au théâtre ou à des concerts, peuvent quand même avoir accès à la culture ».
Pour Oussama Barka, joueur de « guembri », un instrument à cordes africain, utilisé surtout pour la musique soufie, « c’est un bonheur de jouer dans les rues tunisiennes ».
«La Tunisie est la terre de l’amour, de la tolérance, de l’art et des civilisations », lance-t-il à Anadolu.
« Le terrorisme n’arrivera jamais à nous diviser ou à nous rabaisser car l’art est enraciné en nous » insiste-t-il. Et de conclure :« Contre le terrorisme, nous propageons l’art et l’optimisme ». Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.