Cameroun: La radio "Al-Houda" sait combattre Boko Haram
Cette radio islamique a fait du savoir son cheval de bataille pour lutter contre l'obscurantisme véhiculé par le groupe armé nigérian.

AA/ Douala ( Cameroun)/ Pado Chemie
« L’islam est venu interdire l’effusion du sang. Il est venu déclarer que l’âme humaine est inviolable, que la vie humaine est sacrée. Et le prophète de l’Islam prône la quête du savoir de la naissance à la mort. Voilà les vrais enseignements de notre religion qui contredisent radicalement les agissements immoraux et inhumains de Boko Haram », informe un imam à travers les ondes d’une radio écoutée attentivement à bord d’un taxi.
Le premier commentaire est celui du conducteur : « voilà une bonne radio. Al-Houda émerge du lot ».
A Douala, capitale économique du Cameroun, la communauté musulmane, avide de connaissances, voyage à travers les ondes de la radio Al-Houda (l'orientation vers la bonne voie, en arabe) durant le mois du jeûne.
Seule radio communautaire d’obédience islamique de la ville, Al-Houda fait de l’éducation de la communauté musulmane, son cheval de bataille.
« Lorsque la jeune fille voit ses premières menstruations ou le jeune garçon devient pubère, cela veut dire qu’ils peuvent entamer le jeûne ». Ce genre de message qui enseigne les b.a.-ba de la religion sera désormais très écouté sur cette radio, selon l’automobiliste.
Emettant 24 heures sur 24, la radio (FM) met un accent particulier sur les sujets ayant trait au mois du jeûne, à savoir, des thèmes d’ordre spirituel, historique et culturel. Sauf que son terrain de prédilection demeure, ces derniers temps, l’éducation des musulmans pour faire face à l’obscurantisme et au discours extravagant véhiculés par le groupe armé nigérian.
« Que ce soit à Douala, au Nord du pays ou dans l’Extrême-Nord, la population musulmane est à 80% illettrée. La radio joue un rôle très important et essaye de mieux informer ces musulmans sur les vrais préceptes de la religion musulmane qui prône tolérance et respect d'autrui », affirme à Anadolu le directeur de la radio, Younous Paraiso.
Pour lui, « depuis les attentats du 11 septembre aux Etats Unis, l’islam ne cesse d’être diabolisé dans les médias occidentaux. C’est donc un devoir pour tout musulman de présenter la vraie face de l’islam. La guerre actuelle est d’abord une guerre d’information ».
Présentant une matière à la fois riche et diversifiée, Al-Houda est très écoutée à Douala, dans les villes du département du Moungo tels Manjo, Loum, Penja, Nkongsamba (Littoral) et à Buea (Sud-ouest).
« Nous incitons nos écouteurs à puiser dans tous les domaines de la connaissance et de ne pas se limiter au savoir religieux. Car on ne peut pas vivre en autarcie », fait observer Paraiso.
Sur une vingtaine de programmes locaux de la radio, des émissions interactives permettent d’ailleurs aux auditeurs musulmans et chrétiens, toutes sensibilités confondues, de donner leur avis sur divers sujets.
« La Choura » (consultation) qui passe tous les dimanche-soir est un rendez-vous au cours duquel des auditeurs et un spécialiste (imam, enseignant religieux) décryptent du point de vue islamique, l’actualité.
D’après Younous Paraiso, Al-Houda émet sur un rayon de 50 à 60 km et séduit plus de 80% de la population musulmane. « Même si nous ne détenons pas des statistiques, nous avons un audimat naturel. Les musulmans ont besoin d’une radio qui leur ressemble », poursuit-il.
Dans les taxis, maisons, boutiques et grandes surfaces, les musulmans ne se lassent pas d’écouter leur radio « préférée », dont le slogan est fort remarquable : « La voix de la communauté ».
La radio qui fait le bonheur de plusieurs milliers d'auditeurs demeure, néanmoins, exposée à des difficultés financières. Depuis l’autorisation de diffusion obtenue le 3 avril 2013, les promoteurs financent tout de leurs propres poches, avec l’aide de quelques mécènes. Au total, 35 millions de Francs Cfa (60 mille usd) ont été investies, mais le manque et le besoin s’affichent encore.
D’ailleurs, l’équipe de la radio est composée de six volontaires qui touchent une quasi-rémunération aussi modeste.
Pour trouver des fonds, la station a mis sur pied, il y a près de dix jours, « le club des amis de la radio Al-Houda », permettant ainsi aux mécènes de devenir des contributeurs et d’être consultés dans la prise de décision.
Au Cameroun, les musulmans représentent 25% d’une population totale estimée à 20 millions de personnes, soit près de 5 millions musulmans. Ces derniers sont majoritairement concentrés dans le Nord, l’Extrême-Nord et l’Ouest du Pays.