Burkina: Zêdess, un candidat "atypique" qui veut "démystifier" la politique
L'artiste musicien, très populaire dans les années 90, se veut le candidat de la "rupture" à l'occasion de la présidentielle.
AA/ Ouagadougou/ Lougri Dimtalba
En novembre prochain, l’artiste musicien burkinabé « Zêdess », de son vrai nom Seydou Zongo, ne prévoit pas cette fois, de remplir les salles de concerts, mais plutôt de décrocher le sésame pour la présidence.
A quatre mois de l’élection présidentielle devant mettre un terme à la transition amorcée depuis la chute de Blaise Compaoré, fin octobre 2014, après 27 ans au pouvoir, plus d’une demi-douzaine de candidats se sont déjà dévoilés.
Parmi eux, Zongo, un «candidat atypique» s’engage dans la course vers la magistrature, sous le signe de la «rupture», a-t-il fait savoir lors d’une rencontre avec Anadolu.
Le nouveau code électoral promulgué par le président de la Transition, Michel Kafando, et qui exclut certains dignitaires du régime déchu, autorise a contrario les candidatures indépendantes. Plusieurs citoyens burkinabè, à l’instar de «Zêdess», voient en cette disposition une aubaine pour apporter leur contribution au développement du pays.
L’artiste musicien âgé de 49 ans et totalisant 20 ans de carrière musicale, a brisé le silence depuis le 9 juin dernier à la Maison du peuple de Ouagadougou, dans la capitale burkinabè, en annonçant sa candidature à la magistrature suprême.
« Je viens pour démystifier la scène politique. Les gens pensent que certaines professions ou certaines personnes sont prédestinées à diriger le pays, que ceux qui aspirent à la magistrature doivent être avocats, ou de professions dans le même sillon. Mais ils n’ont pas forcément plus de légitimité que les artistes. Tous les dictateurs africains qui ont plongé l’Afrique dans le chaos n’étaient pas artistes»,se défend-t-il dans un studio de production d’un de ses amis installé dans un quartier populaire de Ouagadougou, où Anadolu l’a rencontré.
Zêdess, dit apporter sa contribution au développement du Burkina Faso à travers un projet de société qu'il qualifie de « projet cadre ». Pour lui, il n’est pas question de lier sa candidature à son domaine professionnel. «Je suis le candidat de tous les Burkinabè, de toutes les religions» assure l’adepte de Bob Marley.
Dans les années 95, Zêdess était le chanteur le plus populaire du pays, enregistrant à l’époque près d’une centaine de tournée à guichets fermés dans toutes les grandes villes du Burkina.
Pour la jeunesse de cette époque, il incarne une nouvelle génération de musicien, et un espoir.
La musique de Zêdess allie le reggae, avec son langage international, au folklore burkinabé et ses rythmes traditionnels warba ou wiré. Ce mélange lui permet de toucher un public vaste : les jeunes, amateurs de reggae et les plus anciens. «J’ai la chance d’exercer un métier qui rassemble au lieu de diviser» estime-t-il. Un atout dont il compte se servir.
Pour cet artiste «reggaeman», reconnu pour son «franc-parler», le peuple burkinabè mérite mieux qu’un simple changement, mais une rupture avec les anciennes méthodes de travail.
Le changement que le chanteur propose commence par une alternance démocratique. « Le parti politique qui remporte successivement deux élections doit s’abstenir de briguer un 3e mandat. Et ce, pendant 5 ans », a-t-il argué.
Dans un pays où les jeunes de 15 à 25 ans représentent plus de 70% de la population alors que près de la moitié de la population vit avec moins d’un dollar par jour, le candidat indépendant propose « des actions concrètes à même d’absorber le chômage et de poser les jalons d’un développement durable ».
Zêdess qui dit ne pas ignorer les maux qui minent la société burkinabè, entend à cet effet,poser des actes forts dans les domaines de l’économie, de l’emploi, de l’éducation, de la santé, de l’écologie, du social, de la justice, de la culture et du sport.
Lors de la révolution de fin octobre qui a chassé l’ancien président Compaoré, l’artiste a été aperçu au milieu de jeunes face aux forces de l’ordre «J’étais dans les encablures de la présidence du Faso. Je me suis toujours battu pour ce pays avec des centaines de milliers de jeunes qui ont grandi en écoutant ma musique », se souvient-t-il.
Malgré un programme prenant en compte toutes les couches sociales du Burkina Faso, la candidature du musicien, à l’image des celles des militaires divisent les burkinabè.
Ses détracteurs estiment en effet, qu’il devrait se concentrer plutôt sur son art que s’engager sur la scène politique. Certains même l’assimilent à des candidats commandités. «Je ne roule pas pour quelqu’un», répond l'artiste, qui compte sur fans pour rassembler sa caution de candidature (25 millions de F CFA/50 mille usd) qu’il trouve énorme dans un pays pauvre.
Donnant rendez-vous aux burkinabè au soir du 11 octobre prochain à Kossyam (Palais présidentiel, ndlr), l’artiste conclu par ces mots : « il est évident qu’un peuple qui s’est levé comme un seul homme et qui a mis fin à un régime injuste et corrompu, qui l’a opprimé durant 27 ans, ne saurait confié son destin aux hommes et femmes qui ont contribué à ériger ce même régime. Ce peuple mérite plus qu’un changement, c’est une rupture ».
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