Après les années de crise, le tapis mohair malgache en quête de sa gloire d'antan
La chèvre angora malgache disparaît, au grand dam des tisserandes locales paupérisées.

AA/ Antananarivo/ Alain Ilioniaina
Alors que Madagascar se relève encore de la crise politique, le secteur du tapis mohair, spécialité de la localité déshéritée d'Ampanihy, n'est pas en reste, et aspire à recouvrer sa gloire d'antan.
« Nos tapis sont noués main, comportent 70 000 nœuds au mètre carré, et sont fabriqués à Madagascar, dans le petit village d’Ampanihy » lance Eric Mallet, français et propriétaire de l'entreprise, le Tapis Malgache, en exposant fièrement des pièces en laine de chèvre angora, d’un beau mohair blanc ras avec des motifs blancs bouclés.
Etabli à à Ampanihy depuis 1993, localité située à plus de 1 000 km au sud d’Antananarivo, Eric Mallet ne tarit pas d'éloges sur ce « produit de luxe sortie d’une région isolée et déshéritée », en parlant du tapis mohair.
Le tapissier évoque avec fierté le travail qu’il fait avec les femmes de la région depuis 22 ans. « Mes ouvrières sont très compétentes. Elles ont un savoir-faire, un doigté et une dextérité uniques », raconte-t-il avec enthousiasme.
A l’entendre, les femmes d’Ampanihy sont les seules à Madagascar avoir la compétence pour tisser la laine de chèvre.
« C’est la raison pour laquelle je reste là-bas malgré les difficultés et le coût que cela entraîne», poursuit le tapissier. C’est à Ampanihy que l’art de tisser le mohair s’est développé sur la Grande Ile. Dans ce village d’éleveurs, le tissage du tapis est une tradition qui se transmet de mère en fille depuis des décennies.
Mais « leur qualité n’est plus aussi bonne qu’avant », regrette Eric Mallet. Faute d’une politique d’élevage caprin, la chèvre angora malgache, issue du croisement de chèvre angora importée d’Afrique du Sud dans les années 1930-1940 aux chèvres locales, disparaît peu à peu. De nombreuses tentatives de relance ont été faites mais pour la plupart sans succès. 2 000 têtes de chèvres, dont 400 de race angora, ont été importées en 2008, mais la crise politique de 2009 a mis un coup d’arrêt au projet.
"La crise politique de 2009 a aussi affecté la vie des habitants d'Ampanihy. Maintenant, la population n'a plus les moyens d'acquérir des chèvres pour permettre l'amélioration de la production de tapis" a déclaré à Anadolu Samuel Ranaivoson, de l'Association Intercommunales autour du Plateau Mahafaly (AICPM), dont le district d'Ampanihy fait partie.
Eric Mallet, lui, se dit contraint « d’importer la laine de chèvre angora d’Afrique du Sud pour avoir la meilleure matière première ».
« Je voudrais bien travailler avec la laine locale, mais comme il n’y en a presque plus, et comme celle qui existe n’est pas de la meilleure qualité, je suis obligé d’importer », déplore-t-il.
Il insiste pourtant que, malgré tout, ses « tapis sont bien malgaches ». « Ils sont tissés à Madagascar, par des tisserandes malgaches et ils sont teints avec des plantes endémiques du sud malgache », martèle-t-il, précisant qu’il n’utilise « aucun additif chimique pour la teinture ».
« C’est d’ailleurs parce que les teintures varient avec les saisons que chaque pièce que nous fabriquons est unique », ajoute-t-il.
Les motifs dessinés sur les tapis expriment aussi la culture du sud malgache. Les croix antandroy et mahafaly, les ethnies vivant dans cette région, et les aloalo se déclinent sous différentes formes sur chaque pièce.
Le tapissier ne perd pas l’espoir qu’un jour, la chèvre angora sera à nouveau élevée à Madagascar et fournira de belles laines locales pour que, comme à la belle époque, le tapis mohair malgache soit reconnu dans le monde entier. D’autant que le ministère malgache de l’Elevage annonce un programme pour relancer la filière.
« Nous avons l’intention de valoriser le mohair malgache. Des études sont en cours pour trouver la meilleure manière de relancer la filière », confie Anthelme Ramparany, ministre de l’Elevage, à Anadolu.