Achoura à la sénégalaise: une célébration à la croisée du culturel et du cultuel
"Tamkharite" est également l'occasion pour les familles de préparer le couscous traditionnel et pour les enfants de rivaliser de déguisements.

AA/ Dakar / Yazid Bamse
Depuis trois jours, Moussa s’active sur son tam tam de fortune. Le petit Dakarois de 12 ans met du cœur à finir son instrument de musique fait de peau de mouton pour être prêt le soir d’Achoura. Cette fête communément appelé "Tamkharite" au Sénégal a été célébrée dans le monde islamique , lundi soir, correspondant au 10e jour du nouvel an du calendrier hégire.
Comme beaucoup de ses camarades, Moussa célébrera la Tamkharite en se déguisant, chantant et faisant le tour des maisons pour demander des friandises, du riz, du sucre ou d’autres denrées. C’est le Tadiabone, sorte d’halloween locale.
Sa maman, Daba, elle, est aux fourneaux depuis le matin préparant le coucous à base de mil. Le met unanimement servi le soir d’Achoura dans toutes les familles sénégalaises. Aidée de ses 3 filles, la quinquagénaire compte présenter un couscous royal pour le diner.
« Je vais préparer 15 kilos de couscous, 10 poulets, 5 kilos de viande de bœuf et 5 kilos de viande de mouton. Evidemment c’est trop pour ma famille de 10 personnes, mais on offre des plats à nos voisins chrétiens, aux célibataires et aux familles qui n’ont pas trop les moyens. »
Pour ce dîner, Daba a dépensé plus de 90 000 cfa (180 usd), soit 18 fois le montant d’un diner normal. « Je le fais pour ma famille et pour Dieu », justifie, la dame.
Une fois le diner avalé, Moussa, avec sa robe, rejoint son ami Baba habillé aussi en fille pour la circonstance. Ensemble, avec d’autres copains et copines, les voilà dans les ruelles du quartier Mermoz chantant et criant, et récoltant toutes sortes de petits cadeaux.
Au Sénégal si l’Achoura est synonyme de couscous et de déguisement, le côté spirituel n’est pas laissé de côté. « C’est un soir où il faut faire des prières. La plus recommandée étant celle où il faut réciter 1111 fois la sourate Al Ikhlas, explique à Anadolu l’imam Ndiaye de la mosquée du Point E. Sans oublier que ceux qui le veulent, peuvent jeûner le jour et/ou le lendemain d’Achoura, pour que leur pêchés de l’année dernière leur soient pardonnées.
Pour Mourchid Iyane Thiam, président du Conseil supérieur islamique du Sénégal et également président de la Commission Nationale de concertation sur le croissant lunaire, fêter Achoura dans un pays à plus de 95% sunnite est naturel.
"Tous les prophètes de l’islam ont vu leurs prières être acceptées au mois d’Achoura. L’épisode où Moussa (le prophète Moïse) voit la mer rouge s’écarter a eu lieu au mois d’Achoura, explique le religieux. L’hégire du prophète Mouhamed a aussi commencé au mois d’Achoura.
Aujourd’hui même si la célébration de la Tamkharite revêt plus un visage culturel que cultuel, Iyane Thiam estime que ce n’est point condamnable dans la mesure où cela permet aux gens de se retrouver, de manger ensemble, d’aller rendre visite aux parents. « Le Tadiabone est culturel et non religieux. Mais tout ce qui rapproche est bien en islam, même si ce n’est pas écrit dans le livre saint".