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A l’ombre des "baobabs" africains.. les héritages se tissent et les conflits se défont

Dans de nombreux villages africains, la transmission de l'héritage ancestral et la résolution de conflits en tout genre se font sous "l'arbre à palabres", sous l'égide des sages.

04.05.2015 - Mıse À Jour : 04.05.2015
A l’ombre des "baobabs" africains.. les héritages se tissent et les conflits se défont

AA/Desk/Esma Ben Said

Dans les villages africains, on aime encore se réunir à l’ombre du "baobab", arbre sacré du continent noir, témoin intemporel de la transmission de l’héritage ancestral, et médiateur des conflits, loin de l’hyper-connectivité inhérente à la mondialisation.

«En Afrique, chaque fois qu’un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle». Ce célèbre proverbe d’Amadou Hampaté Bâ, conteur et écrivain africain qui a fait de la défense de la littérature orale africaine le combat de sa vie, reflète l’importance de la survie de la littérature orale de génération en génération sur le continent noir.

Alors que l’Afrique se modernise, qu’Internet offre l’accès à la culture, la littérature, la musique, la politique etc en un clic, que les outils de communication et d’information se généralisent en milieu urbain, la tradition orale continue toutefois d’occuper une place de choix dans de nombreux villages africains isolés, confirme à Anadolu le Dr Jeannette Fotso Wogaing, anthropologue camerounaise.

Les adages, les contes et les épopées se transmettent oralement de génération en génération par le biais des griots, conteurs africains très respectés de tous et garants de la sauvegarde d’un héritage ancestral.

Mais tandis que cette tradition reste très fréquente dans certains villages du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, ou encore du Burundi, elle se perd toutefois peu à peu au Cameroun où la technologie est très présente et où de nombreux villages ont muté en villes, déplore l’anthropologue.

A la tombée de la nuit, ou parfois même au cœur de la journée, les villageois de tout âge, grimpent les collines africaines pour retrouver, plus haut, les sages qui les attendent au pied de l’arbre à palabres pour leur faire le récit d’une légende que leur ont transmis leurs ancêtres, d’une part, mais aussi pour résoudre un contentieux sans que la justice nationale s’en mêle.

Nazanga Traoré, cultivateur dans la province du Kénédougou, à l’Ouest du Burkina Faso, où vit en majorité l’éthnie des Sénoufo,  explique à Anadolu que « l’arbre à palabre » est une méthode de résolution de conflit basée sur « le respect du droit d’aînesse, le sens de l’écoute et surtout le pardon ».

En effet, poursuit-il,«quand on fait face à un problème dans la société, les belligérants sont convoqués devant les sages du village. Souvent c’est chez le chef du village sous un arbre. On rend la justice et on se réconcilie ».

 Au Burkina Faso, se côtoie une soixantaine de formation sociale repartis sur plus de 274000 km2. Chaque société à cette méthode de résolution de conflit. Dans la plupart des sociétés burkinabè, les aspirations à la paix ont conduit à développer des techniques de normalisation dont l’objectif est d’éviter ou tout au moins de réfréner la violence et les conflits armés.

 En pays Moaga (ethnie majoritaire du Burkina Faso), « les conflits se résolvent chez le chef suprême des Moosé : le Moogho Naaba. Il est respecté de tous. Les décisions rendus par ce dernier ne sont pas révocable » a confié à Anadolu, un jeune sociologue, Issouf Zoungrana.

Selon lui, de nos jours, au Burkina Faso, le dialogue social est devenu, un outil stratégique de gestion politique pour les gouvernements.

« Vous convenez avec moi, que même dans la modernité l’arbre à palabre a joué un grand rôle dans la crise qui a secoué le Burkina Faso… nous avons aperçu les acteurs politiques défiler chez le chef des mossi pour trouver une issue favorable » estime-t-il.

Au nord du Burkina Faso, région en majorité peuplée par les Peulh éleveurs, la cérémonie de mariage, de divorces et de résolution se font aussi sur l’espace public, au pied de l’arbre, devant un conseil de sage. « Il s’agit d’un espace aménagé où se prennent les grandes décisions. Chacun donne sa version des faits et on règle à l’amiable » confie à Anadolu, Hamadou Dicko, commerçant et ressortissant de Gorm-Gorom (Nord).

Dans le village Adjoblessou, situé au centre ivoirien, même constat.  « Tout ce qui concerne la vie du village se règle sous l’arbre à palabre qui fonctionne comme un tribunal, comme une structure qui joue le rôle de médiateur, les problèmes de divorce, d’adultère, les problèmes fonciers, les problèmes de vols etc », déclare à Anadolu Kouamé prosper cadre et notable dans le village de Adjoblessou, situé au centre ivoirien.

« Ce sont principalement les concernés, les notables et le chef qui se réunissent sous l’arbre a palabre, mais comme au tribunal l’assemblée peut  également y assister. Il y a d’autres problèmes qui demandent que tout le village soit là afin que le dénouement serve d’exemple à tous », ajoute-t-il.

Pour le docteur Fotso Wogaing, « Internet ne remplacera jamais l’arbre à palabre qui résiste au temps et aux intempéries et dont le rôle est incontestable ».

« Nous devons d’ailleurs penser à recréer une espèce d’arbres à palabres dans les hôpitaux, les écoles et églises, où à une date précise, une heure précise, on essayera de regrouper jeunes et adultes pour les sensibiliser, les renseigner.  Ce serait même un moyen de lutte efficace contre la violence, comme dans le cas de Boko Haram. Les messages de paix seraient transmis bien plus rapidement », conseille-t-elle.

--Avec la contribution de Pado Chemie - Fulbert Yao-  Lougri Dimtalba.

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