Stations balnéaires, le grand gâchis du tourisme ivoirien
L'érosion côtière provoque une pollution pénalisant la beauté légendaire des sites et provoquant le marasme des métiers du tourisme en l'absence d'une réponse appropriée de la part des autorités.

AA/ Abidjan/ Cleophas Mosala
«Dans le temps, à l’époque d’Houphouët Boigny [premier Président de la Côte d'Ivoire, 1960-1993], il y avait beaucoup de touristes, les Blancs venaient de tous les pays et empruntaient des 4x4 le long d'une route goudronnée pour atteindre la mer. Aujourd'hui, tout est englouti", se souvient Ouattara Serge Amélie, opérateur touristique sur la plage de Bassam, à une dizaine de kilomètres d'Abidjan, dans une déclaration à Anadolu.
L'image légendaire d'un tourisme balnéaire attractif sur les côtes atlantiques ivoiriennes s'effrite à mesure que la mer avance irrémédiablement. Il s'agit d'une menace écologique, à laquelle les autorités ne semblent pas répondre dûment, a indiqué à Anadolu, Kouakou Thierry, secrétaire général de l’équipe de sauvetage volontaire.
« La mer avance provoquant un déficit dans l’activité commerciale comme ici, au port de Vridi Canal [Abidjan, ndlr]; la mer a tout cassé, il n’y a pas de subvention pour arrêter l’avancée de la mer et les dégâts qu'elle provoque, alors on fait avec.." a détaillé Kouakou, résigné.
Dans cette station balnéaire mise en place au début des années 50, les débris de restaurants emportés par la mer s'érigent difficilement en triste témoignage d'un âge d'or révolu, et des troncs flétris ont supplanté la posture nonchalante des cocotiers, symbole d'une destination de rêve qui faisait la fierté des Ivoiriens.
Désormais, ces arbres qui participaient à la lutte contre l'érosion, disparaissent sous le regard désolant et impuissant des riverains. Sur l'ancienne route de Bassam, on ne dénombre aujourd'hui que quelques cocotiers au large de la plage, alors qu'ils comptaient par centaines, il y a une dizaine d'années.
Bersac Sidibe Ave Anne gère un restaurant sur la plage de Bassam, son local est menacé par la mer et ne lui apporte plus de bénéfices, mais il tient encore, contre vents et marées.
« Il faut embellir ce qui reste de la plage, l'avancée de la mer est, certes, un phénomène mondial mais d'autres pays ont trouvé des solutions pour bloquer la mer, alors pourquoi pas nous ? La clientèle ne vient plus comme avant parce qu’ont leur a dit que la plage a tout englouti mais nous, nous sommes encore là, et nous résistons.»
Corrollaire de ce symptôme climatique, la pollution. Pour Fayé Désiré Alain, qui vient encore chaque week-end à la plage avec ses amis d’enfance, il est loin le temps où les baigneurs se prêtaient à leurs activités et amusements, sans craindre les déconvenues de la pollution.
« Cette plage, avec ses bouteilles et sachets en plastique qui pullulent, n’est plus fréquentable. Autrefois, il y avait des jeunes qui nettoyaient contre un peu d’argent, ils en sont empêchés aujourd'hui à cause de l’avancement de la mer, et de l'autre côté les autorités n'ont pas envisagé d'alternative. Résultat: les vacanciers sont pénalisés ! »
Pour autant, les autorités ivoiriennes n'entendent pas rester les bras croisés devant ce phénomène pénalisant le tourisme, une des principales ressources du pays. Pour le colonel Diby Niagne Martin, Directeur général du Centre Ivoirien Antipollution (CIAPOL), ces problèmes sont relatifs à « un phénomène globalisé où la mer gagne du terrain sur la terre ». Dans une déclaration à Anadolu, il a rappelé que les autorités sont à pied d'oeuvre pour redorer le blason du littoral ivoirien.
« Des experts hollandais de l'Union Européenne (UE) ont été sollicités pour mener une étude sur les actions à entreprendre. Le coût de l'étude a été estimé à 120.000 dollars et c’est par la suite qu’ils vont définir les activités à mener et le coût de ces activités», a déclaré Niagne Martin, sans préciser, pour autant, la date du début de ces opérations, qui semblent de plus en plus pressantes.
C'est qu'outre les nettoyeurs, ce sont les maître nageurs qui se trouvent en difficulté d'exercer. Les pertes en vies humaines dues aux noyades sont en forte croissance depuis quelques années malgré la présence de sauveteurs, qui n'exercent qu'à titre bénévole. Là aussi, l'Etat est absent, pas de financement ni de cadre institutionnel pour régir les activités de sauvetage. Il est difficile de se baigner sans incident sur ces plages contrairement aux années antérieures.
« Nous risquons au quotidien nos vies en sauvant celles des baigneurs sans que l’Etat nous paye. Les enfants sont les premières victimes parce qu'une fois la plage remplie, c’est le désordre ! Nous ne sommes pas nombreux, et quand on appelle quelqu’un pour nous aider, il refuse parce qu'il n'y a pas de rémunération. Mais quand on perd une vie, cela fait vraiment mal ! » a déclaré à Anadolu, Bamba Aboubacard, sauveteur bénévole sur la plage de Vridi canal.
La Côte d’Ivoire compte 520 km de côtes bordant l'Océan Atlantique offrant une ouverture au tourisme balnéaire, avec des plages de sable fin, cocotiers, falaises et lagunes permettant la baignade, pêche sportive, sports nautiques, voile. Les principales destinations touristiques balnéaires sont les villes de Grand-Bassam, Assinie ou Sassandra.
La décennie de crise politique (2002-2007 et 2010-2011) n’a pas favorisé le développement du secteur du tourisme avec la partition du pays, un temps, entre un Nord occupé par l’ex-rébellion et un Sud, par les forces gouvernementales, ce qui provoqua la surexploitation des espaces balnéaires, seul endroit plus ou moins sécurisé. La Côte d’ivoire a tout de même réussi, en 2011, à attirer près de 276 000 touristes. En 2014, le pays a franchi le cap des 300 000 entrées, mais ambitionne d'arriver à 500 000 en 2015, avait annoncé, l'hiver dernier, le ministre du Tourisme, Roger Kacou, à l’ouverture du Salon Ivoirien du Tourisme d’Abidjan.