
AA/ Dakar/ Alioune Badara
Ils ressassent énergiquement les versets que leur maître distille à haute voix. Petits apprenants, ils sont en plein cours de mémorisation du coran et vivent leurs grandes vacances autrement. Le lieu de la scène est une école coranique en pleine banlieue de Dakar.
" Faute d’espace, je me suis installé dans la cour de la mosquée du quartier", note Babacar Seck l'instituteur. Son local qui reçoit ordinairement une quarantaine d’apprenants ne peut contenir l’afflux d’enfants constaté pendant ces grandes vacances. Partout ailleurs, le constat est le même.
Bien que certains parents envoient leurs enfants en colonie de vacances ou les occupent par des tâches domestiques, le « daara » (école coranique) demeure la destination première de plusieurs enfants pendant les grandes vacances.
Au programme de ces écoles coraniques fonctionnant tous les jours (excepté vendredi et dimanche) de 9 heures à midi et de 15 heures à 17 heures, la mémorisation de courts versets et hadiths (récits du prophète Mohamed, Pslt), l’initiation à l’alphabet arabe et l’apprentissage des règles de base de l’islam », fait savoir Seck.
« Après trois semaines de repos, j’amène mes enfants au daara du coin jusqu’à la réouverture des classes », note Penda Dieng. Pour cette quadragénaire, « initier les enfants aux préceptes de la religion est une obligation parentale à laquelle elle ne veut déroger ».
Séga Bèye croisé sur la route du daara avec ses filles de neuf et six ans, n’y va pas par quatre chemins : « l’école française assure une insertion socio-professionnelle aux enfants. Mais, pour en faire de bons croyants, il faut leur inculquer les connaissances religieuses, assure le professeur d’anglais.
Ndoye Mbengue, lui, tient un daara dans un quartier populaire de Rufisque (Dakar). Chez lui, l’inscription est à 2500 francs (5 usd) et la mensualité à 1500 (3 usd). L’affluence des écoliers en vacance l’enchante bien. « Nos revenus mensuel avoisinent en cette période les 125.000 francs (251 usd) », se réjouit-il.
Tentant de montrer qu’il mérite ces émoluments, Mbengue fait venir une jeune fille pour une démonstration. D’un pas lent, Fanta, le voile sur la tête, avance doucement. « Elle a six ans et est inscrite au daara depuis 2 mois », lance-t-il, avant de lui demander de restituer ce qu’elle a appris.
Sans tergiversation, la fillette récite les sourates Al fiil (105) et Al khadr (97) dans une voix frêle avant de lister les actes obligatoires de l’ablution : cinq énumère-t-elle (six actes obligatoires plutôt, ndlr).Une méprise que rectifie le maître coranique non sans encourager la petite par des «choukran- choukran » (merci, en arabe).
SI les plus petits sont contraints par leurs parents, des adolescents y vont de leur propre gré. Mariem Ndoye en est une : « c’est pour accroître mes connaissances islamiques et parfaire ma lecture du Coran », explique fièrement la jeune élève qui devra passer le BFEM (Brevet de fin d’études moyennes), l’année prochaine.
Comme les daara ne désemplissent pas durant la journée, elle et d’autres de sa génération ont opté pour des cours du soir. Trois heures de plus à l’agenda du maître coranique Yaya Diallo qui y voit « une manière de remercier Dieu qui lui a conféré la science» qu’il transmet de gaieté de cœur à ses frères en religion et des fois sans contrepartie financière.