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Rwanda: La corruption basée sur le genre passée sous silence

Les femmes, victimes de corruption sexuelle sont rares à dénoncer leurs bourreaux.

26.12.2014 - Mıse À Jour : 26.12.2014
Rwanda: La corruption basée sur le genre passée sous silence

AA/Kigali/ Fulgence Niyonagize

Dans les entreprises rwandaises, la corruption sexuelle fait autant de ravage que la corruption monétaire. Pourtant les victimes, majoritairement des femmes, refusent de porter plainte, par crainte d’être marginalisées ou de perdre leur emploi, selon, Francine Umurungi, coordinatrice du développement institutionnel et du plaidoyer à Transparency International Rwanda (TI_Rw).

S’il est difficile voire impossible de comptabiliser le nombre de victimes de cette forme de corruption, le phénomène n’en est pas moins palpable, assure la coordinatrice de TI, organisation non gouvernementale, d’origine allemande, qui a pour principale vocation la lutte contre la corruption des gouvernements et institutions gouvernementales mondiaux. 

« La corruption basée sur le genre est beaucoup plus présente dans le secteur privé, là où on note souvent l’absence de mécanismes formels de gestion des ressources humaines et où on enregistre des abus dans le recrutement et dans la gestion du personnel en général », souligne Umurungi, lors d'un entretien à Anadolu.

« Les victimes sont en majorité des femmes », poursuit la coordinatrice qui note toutefois que « certains hommes sont également touchés. », soulignant que «le langage suggestif et séducteur du responsable envers une employée est la forme la plus courante de corruption enregistrée ».

« Le corrupteur essaie de gagner la confiance de la victime, puis se met à faire des compliments liés à l'habillement, à la beauté, ou encore à la coiffure de son employée», détaille la responsable.

«Quand cette étape est dépassée, suit la manifestation des comportements conduisant à des actes sexuels comme inviter son employé à sortir avec lui après le travail, l’obliger à rester au bureau après les heures de service (avec lui ou elle), planifier des missions ensemble. Enfin, vient l’acte de proposer à la victime des relations sexuelles pour avoir accès à certains avantages. Dans la plupart des cas, la victime qui résiste à ces tentations ne reçoit pas les avantages promis», révèle la coordinatrice, se référant à certains témoignages des victimes.

Parmi les raisons qui poussent des femmes et quelques hommes à accepter malgrè eux lesdites proposition  sexuelles, la première reste évidemment la crainte de perdre son emploi et de tomber dans la précarité, informe Umurungi. Beaucoup de femmes ignorent leurs droits en tant que travailleuses et leurs supérieurs en profitent très souvent, ajoute-t-elle.

« D’autres, par peur d’être stigmatisé car le sujet est encore tabou, préfèrent ne pas dénoncer leurs patrons par crainte de perdre leur emploi ou d’autres avantages qui y sont relatifs ».

Selon l'article 12 de la loi rwandaise relative à la prévention et à la répression de la corruption, « quiconque aura explicitement ou implicitement exigé, bénéficié, fait subir des actes de nature sexuelle non consentis ou en aura accepté la promesse afin de poser ou de s’abstenir de poser un acte qui relève de ses attributions, encourt une peine d’emprisonnement allant de 5 à 10 ans et une amende de 50 000 (72 $) à 1 million de francs rwandais (environ 1500 $).

Mais malgré la loi en vigueur, aucune plainte sur la corruption basée sur le genre n’a été enregistrée dans le pays. « Les victimes préfèrent garder le silence car il est très difficile de réunir des preuves de ce type de corruption qui permettrait par la suite à la justice d’agir», informe la coordinatrice.

« Certaines victimes ignorent même qu’elles peuvent dénoncer de telles pratiques qu’elles considèrent comme normales car elles sont courantes dans le milieu du travail. Par exemple, des employés mariés ne se risqueront pas à détruire leur foyer en dénonçant  leurs bourreaux », ajoute-t-elle.

Les personnes à qui on propose des actes de corruption ne se positionnent pas tous, néanmoins, en tant que victimes. La convoitise pousse en effet plusieurs femmes et hommes à accepter les avances de leurs supérieurs pour pouvoir, par la suite, acquérir des objets de luxe tels que des biens immobiliers, des voitures, ou encore des vêtements coûteux sans « le moindre effort », selon la coordinatrice.

Ce qui favorise l’impunité de ces responsables, estime la coordinatrice, appelant les institutions de l’Etat à revoir la loi re répression de la corruption « afin de définir clairement la nature de la corruption basée sur le genre et ses sanctions et de redéfinir les preuves à réunir pour constituer le dossier à soumettre à la justice. »

Le Rwanda est classé en 55 ème position sur 175 pays étudiés dans le classement mondial à l’Indice de perception de la corruption 2014, rendu public le 3 décembre dernier par Transparency International.

 
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