
AA/Beni/Al-hadji Kudra Maliro
Ils s'appellent Rick Ross, Montesquieu, Rousseau ou encore Schwarzenegger... ils ne s'agit pas d'illustres personnages occidentaux de ces derniers siècles mais bel et bien des prénoms empruntés que plusieurs congolais ont choisi de porter, au détriment, parfois de leur culture locale.
Paluku Kasondoli Galilée est le président d'un comité estudiantin au sein d'une institution supérieure de Béni (Est de la RDC). Interpellé en pleine réunion, la colère le prend "je n’aime pas qu’on m’appelle par ce nom de Paluku Kasondoli. Galilée - du nom du célèbre mathématicien et astronome italien- suffit pour m’identifier", insiste-t-il.
Comme lui, de nombreux jeunes, ne supportent plus d'être appelé par leurs prénoms en langue locale, préférant de loin les noms des stars de la musique ou du cinéma, des grands personnages de la littérature occidentale ou encore des noms de saints.
«Nous sommes des artistes. Les noms de nos familles n’ont rien à faire avec notre métier de scène. Les noms que nous portons sont ceux des stars dont nous interprétons les chansons. Ils nous font bien accepter devant notre public», tente de convaincre Ndato Patrick, chef d’un orchestre des jeunes de Ngule qui aime se faire appeler «Rick Ross», du nom de la star américaine de la musique.
Pour Marie Lea Wasukundi, professeur de psychologie, plusieurs personnes refusent d'être appelé par leurs noms d'origine pour éviter d'être victime du tribalisme et autres discriminations.
«Dans certaines organisations, pour accéder à l’emploi on a toujours tendance à vouloir connaitre votre tribu, votre colline, votre village… C’est pourquoi de nombreuses personnes utilisent des prénoms occidentaux au lieu de leurs noms de famille», explique-t-elle.
«Mon nom c’est Kambale. Mais le poste que j’occupe au gouvernorat de la province du Nord-Kivu était prévu pour les Rega (une communauté ethnique du Sud-Kivu, Ndlr). J’ai postulé sans faire mention de mon nom de Kambale et on m’a retenu. J’ai toujours expliqué que Kambale est un surnom qu’on m’avait donné quand j’étudiais», affirme un agent du gouvernorat du Nord-Kivu qui a voulu rester anonyme.
«J’évite de donner à ma progéniture des noms comme Masika, Kavira, Kambale,… parce qu’ils sont objet de tribalisme dans certaines régions de notre pays où mes enfants étudient ou travaillent», témoigne pour sa part Alphonse Wa Kaparay.
Dans la ville, on préfère même oublier la langue maternelle s'il s'agit d'un dialecte de tribu. Nombreux s’expriment donc en français, en Kiswahili ou en Lingala… «C’est pourquoi beaucoup de gens ne connaissent pas leur histoire. Et la culture locale se perd», explique Kahindo Kambalume, historien et enseignant d’université.
Pourtant, l’article 58, du code de la famille, stipule que«les noms doivent être puisés dans le patrimoine culturel congolais».
A l’article 64 du même code il est écrit qu’ «il n’est pas permis de changer son nom en tout ou en partie ou en modifier l’orthographe ni l’ordre des éléments tel qu’il a été déclaré à l’état civil. Le changement ou la modification peut toutefois être autorisé par le tribunal de paix pour juste motif et en conformité avec les dispositions de l’article 58».
Pour le président de l’ASSTA (Association des sages solidaires du troisième âge) c’est par ignorance que certaines personnes se permettent de changer les noms proposés par leurs parents.
«Selon la coutume locale, le nom doit être respecté car il est une force. », précise Norbert Safari. « Etre fier de son nom est en réalité un respect pour sa famille et sa culture », soutient pour sa part Mustari Vangi si Vavi, représentant du musée national à Butembo.
Dans certaines Eglises congolaises, le baptisé est obligé de prendre un nouveau nom, celui qui l’identifie à un saint de l’histoire. «Pour ne pas changer les noms de mes enfants, à la naissance je consulte seulement le calendrier des Saints pour trouver un nom qu’il portera même le jour de son baptême», affirme Kahambu Siwako, vendeuse au marché central.
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