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Les Seleka du camp "RDOT" de Bangui à la recherche de leur citoyenneté perdue (Reportage)

"Au départ, les Sangaris nous traitaient comme ennemis, aujourd'hui le dialogue est établi" (Général Issa-Seleka)

12.03.2014 - Mıse À Jour : 12.03.2014
Les Seleka du camp "RDOT" de Bangui à la recherche de leur citoyenneté perdue (Reportage)

AA - Bangui - Thierry Brésillon 

Les éléments de la Seleka regroupés au camp RDOT en Centrafrique, ont annoncé qu'ils sont prêts à déposer les armes, à condition d'être réinsérés dans le tissu économique et social du pays, en tant que citoyens ayant les mêmes droits et devoirs que le reste des Centrafricains. 

A quelques kilomètres du centre-ville de Bangui, dans cet ancien camp militaire désaffecté, quelque 2000 éléments de l’ex-Seleka, coalition de groupes militaro-politiques de confession musulmane, attendent la mise en œuvre du programme de Désarmement-Démobilisation-Réinsertion (DDR).

Au lendemain des affrontements qui ont suivi l’offensive des milices anti-balaka (milices d’auto-défense chrétiennes) sur Bangui, le 5 décembre 2013, et du déploiement de l’opération militaire française Sangaris, les éléments de la Seleka avaient accepté d’être regroupés dans des camps militaires. A Bangui, ils occupent à présent les camps Béal et RDOT. La Seleka (en théorie dissoute depuis septembre) avait renversé le président François Bozizé et porté Michel Djotodia au pouvoir en mars 2013.  

En fait de camp, la base RDOT (Régiment Opérationnel pour la Défense du Territoire) est un vaste espace ouvert, parsemé de villas, dans lequel des combattants en tenues plus ou moins militaires et dépareillées, tentent d’organiser leur survie. Désœuvrés, deux hommes tentent de manipuler un vieux canon anti-aérien chinois rouillé. Des officiers attablés parlent d’hypothétiques projets d’avenir. L’ennui envahit le lieu.

Survie et désœuvrement

Pas de baraquements, des tentes en nombre largement insuffisant, des foyers de fortune sur lesquels chauffent des marmites de pâte de manioc, le lieu a tout d’un refuge provisoire sans cesse prolongé. Les deux mille militaires et la centaine de civils qui les accompagnent dépendent de l’approvisionnement par la MISCA (mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine). Le 10 mars, les occupants du camp se plaignaient de ne rien avoir reçu depuis plus de deux semaines.

Une situation qui pousse parfois certains d’entre eux à tenter de s’aventurer à l’extérieur pour acheter quelques marchandises au marché voisin du quartier PK12. Au péril de leur vie. Le 26 février, deux membres de la Seleka y avaient été identifiés, puis, abattus sur place par les anti-balakas. « Je ne peux plus rejoindre mon quartier à Bangui, se lamente l’un des ex-rebelles. Je ne sais pas ce que je vais devenir. »

Le DDR, une planche de salut

La mise en œuvre du programme de DDR est donc attendue comme une planche de salut par les membres des mouvements qui avaient pris les armes contre le pouvoir de François Bozizé. 

« Nous n’avons plus de chef depuis le départ de Djotodia, nous n’avons plus rien à défendre. Nous sommes prêts à remettre nos armes et à entrer dans le processus de DDR, assure le général Issa Issaka. Mais nous voulons d’abord être cantonnés dans des camps en dehors de Bangui. Ici, on nous tire dessus de droite et de gauche, on ne peut pas circuler. La population et les politiques nous mettent toutes les violences sur le dos. »

En revanche, le projet d’installation dans l’ancienne école de gendarmerie de Kolongo, dans le 6ème arrondissement de Bangui est formellement démenti : « C’est une pure affabulation. Certains de nos éléments étaient là- bas. Ils sont venus ici pour leur sécurité, ils n’ont aucune envie d’y retourner ! », assure le général Issa. Vendredi 7 mars, la rumeur d’une délocalisation des Selekas avait provoqué de violentes protestations dans le quartier Kolongo.

« La partition du pays est une absurdité »

Certains souhaitent être intégrés ou réintégrés dans les FACA (Forces armées centrafricaines), d’autres aspirent à un recrutement dans l’administration, ou encore  espèrent pouvoir bénéficier d’un appui financier pour démarrer une activité économique.

« Le DDR doit aussi répondre aux raisons qui ont poussé les gens à la rébellion. Nous voulons que toutes les régions soient traitées sur un pied d’égalité, pour l’accès à la fonction publique, la délivrance des documents d’identité et que l’Est du pays bénéficie de mesures de développement », ajoute le général Issa Issaka.

Le général Haroun Mahamat, membre des ex-Libérateurs qui avaient appuyé François Bozizé dans sa prise du pouvoir en 2003, insiste : « La partition du pays est une absurdité. Comment pourrions-nous alors nous rendre à Bangui. Cette idée est soutenue par ceux qui veulent chasser les musulmans. Nous demandons la reconnaissance de nos droits. Nous voulons être considérés comme Centrafricains. »

« Les mesures de confiance ne sont pas respectées »

Premier à avoir investi le camp RDOT le 8 décembre, le général Haroun déplore l’irrespect des mesures de confiance, proposées par Sangaris et conclues le 10 décembre avec les autorités centrafricaines. Les occupants du camp se sont engagés à ne pas sortir armés, à l’exception des généraux, escortés de quatre hommes et des colonels, escortés de deux hommes. « En contrepartie, notre sécurité devrait être garantie. Mais quand nos hommes s’aventurent à l’extérieur pour se ravitailler, ils peuvent être lynchés à tout moment. Et si moi je sors, selon les termes des mesures de confiance, Sangaris va me désarmer. De mon côté, je fais respecter les consignes et quand mes hommes sont sortis armés après l’assassinat de deux de leur compagnons le 26 février, je les ai sanctionnés et fait confisquer leurs armes. »

Toutefois, le général Issa reconnaît un progrès dans l’attitude de Sangaris. « Au départ, ils nous traitaient en ennemis. Aujourd’hui, le dialogue est établi. » Le général Soriano, commandant la MISCA, a demandé, de rencontrer mardi matin, les généraux des différents groupes cantonnés à RDOT.  Peut-être la possibilité de faire avancer ce dossier sensible dans la transition.

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