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Le "viols des Africains par des Européens", une habitude coloniale toujours d’actualité

17.09.2015 - Mıse À Jour : 17.09.2015
Le "viols des Africains par des Européens", une habitude coloniale toujours d’actualité

AA/Tunis/Esma Ben Said

Trois hommes blancs et une femme noire. Un sourire moqueur sur la bouche de l’un d’eux, tandis que la victime hurle et se débat dans les mains de ses bourreaux, en vain. C’est « Le viol de la négresse », la célèbre peinture à l’huile du peintre flamand Christiaen van Couwenbergh (17e siècle) témoin intemporel des horreurs engendrées par le système esclavagiste.

Trois siècles plus tard, les protagonistes du tableau ont changé, mais les scènes se répètent, inlassablement. Nous sommes en 2015, et près de 14 soldats français sont soupçonnés d’abus sexuels contre des enfants centrafricains, qu'ils étaient censés protéger. Les enfants (âgés de 9 à 13 ans) ont avoué, pour quelques boîtes de sardines, avoir "fait ce que les Monsieurs leur ont demandé". 

Le monde s'offusque, les ONG réagissent, condamnant fermement ces abus, consignés dans un rapport interne de l'ONU et révélés en avril dernier par un directeur des opérations du Haut Commissariat pour les droits de l'homme, Anders Kompass, qui a aussitôt été suspendu de ses fonctions pour avoir "enfreint le protocole" des Nations Unies en donnant l'alerte.

La France, elle, a aussitôt lancé une enquête, et a promis, par la voix de son président François Hollande, d’être intransigeante. 

« Si les faits sont avérés, les coupables seront sévèrement punis», avait d'ailleurs assuré le ministère français de la Défense, refusant qu’une poignée de militaires salissent l’image de toute une armée.

Les enfants, eux, au nombre d'une dizaine (répertoriée) sont actuellement auditionnés par des enquêteurs français dépêchés à Bangui, avait appris Anadolu mardi auprès de Elisabeth M., la mère d'une des victimes.  

Pour le professeur soudanais, Abdallah Ibrahim, "rien de nouveau à l'horizon". Ces faits qui révoltent les ONG de la protection de l'enfance, sont tristement banals et puisent leurs origines dans l'histoire. 

« Nous oublions souvent qu’au 19e siècle, la violence sexuelle coloniale s’est exprimée par des viols. Les Britanniques et les Français y avaient souvent recours à l’encontre des Africains mais à l’époque, ces actes n’étaient pas médiatisés comme aujourd'hui, et ne choquaient presque pas. C'est en réalité un phénomène admis dans l'imaginaire européen» explique l'enseignant en histoire colonial et post-coloniale de l'Afrique, à l'Université du Missouri, aux Etats-Unis.

D'ailleurs, ce qui s'apparente à "un droit de cuissage", ne s'arrête pas au continent africain.  "Les soldats français, britanniques, ont aussi violé des femmes sur leur propre continent", rappelle l'expert.

Une thèse défendue par l'historienne Miriam Gebhardt, dans son ouvrage Als die Soldaten kamen (« Quand les soldats arrivèrent »), qui avance le chiffre de près de 190 mille allemandes des villes et des campagnes, violées en 1945, à la fin de la seconde guerre mondiale, par des soldats français, britanniques mais aussi américains. Cependant, pour nombre d'historiens de l'époque, on parle davantage de prostitution que de viols, banalisant le phénomène, selon Gebhardt.

Si aujourd'hui, le phénomène est véritablement en déclin (il a connu son apogée avec l'esclavage et la colonisation), certains trouvent encore des raisons pour justifier le comportement des militaires censés protéger les populations en zone de guerre. 

Ainsi, l'ancien ministre français Jean-Pierre Chevènement (qui fut ministre de la Défense entre 1988 et 1991), invité de l’émission Europe 1 en mai dernier, avait expliqué les viols d'enfants par le fait que les conditions de travail des militaires français étaient très difficiles, une justification qui n'a pas convaincu les défenseurs de droits de l'Homme. 

 "Il est clair que le fait de se trouver au contact des populations malheureuses, abandonnées peut favoriser les comportements de ce type", avait-il déclaré avant de soutenir qu'il fallait "laisser l'armée française au-dessus de tout cela parce qu’elle rend beaucoup de services à l’Afrique et qu'elle s’acquitte avec beaucoup de professionnalisme des tâches qui lui sont confiées".

Une réaction qui n'étonne qu'à moitié du côté du continent noir. Selon un diplomate africain joint par Anadolu, "l'arrogance des politiciens français à l'égard de l'Afrique ne date pas d'aujourd'hui, la France tente de dominer politiquement, économiquement et militairement l'Afrique, la violence sexuelle n'est qu'une manifestation de cette volonté de domination", a-t-il indiqué, sous couvert d'anonymat, en raison de ses fonctions.

"Désormais c'est aux politiques africains de s'imposer, en exigeant par exemple, de véritables sanctions contre les troupes françaises, en développant la bonne gouvernance, en s'investissant davantage dans la protection des droits de l'homme particulièrement en zones de conflits, afin qu'aucun autre pays ne puisse avoir son mot à dire où ne puisse leur nuir", a-t-il préconisé.

 
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