Côte d’Ivoire: «Les Microbes» terrorisent Abidjan
«Le gouvernement ferait mieux de privilégier la sensibilisation aux dépens de la force. Ces gangs possèdent beaucoup d’armes et un bras de fer entre les deux parties aura des conséquences néfastes»

AA/ Abidjan/ Fulbert Woile
Trois ans après la crise post-électorale de 2010 en Côte d'Ivoire, qui a fait plus de 3000 morts selon l’ONU, la vie poursuit son cours normal dans le pays, mais certains quartiers d'Abidjan sont toujours squattés par «les Microbes». Ce groupe de bandits sévit à travers la ville, inquiète la population et la terrorise.
« Les Microbes», tels que désignés à Abidjan, sont apparus en 2010 après la crise ivoirienne, dans la commune d’Abobo (au nord d’Abidjan) qui a servi de base-arrière aux commandos invisibles. Ces derniers sont une milice armée ayant pris position à Abobo juste après les élections présidentielles de la même année. Ils "voulaient renverser le président Laurent Gbagbo, par tous les moyens".
Majoritairement composés d'adolescents âgés de 10 à 20 ans, déscolarisés et sans emplois, «les Microbes» sont armés de couteaux, de machettes et de tessons de bouteilles. Grands consommateurs de stupéfiants, ils commettent souvent leurs actes en état d’ébriété. Leur tactique consiste à "faire semblant de mendier. Mais, dès que quelqu’un réagit positivement à leurs supplications, ils l’encerclent, munis de machettes pour faire main basse sur tout ce qu’il possède", rapporte Hamed Dicko, technicien en poste à Abobo.
Abobo, ville de près de deux millions d'habitant est une agglomération qui "fait peur par les temps qui courent" ajoute Dicko "d’ailleurs, maintenant j'évite de circuler dans ses rues la nuit, alors que j'en avais l'habitude il y a cinq ans", regrette-t-il. Dicko précise encore le tableau noir de la situation : «dans notre quartier, à Marley (commune d'Abobo), c’est le désert à partir de 19 heures, il n y a plus personne dehors, en fait. Nous ne pouvons plus nous asseoir devant nos maisons pour siroter un thé. Partout et à tout moment, des groupes de jeunes (les Microbes, ndlr) pourraient sortir de nulle part pour nous agresser avec des machettes et repartir avec nos biens».
Un ami de Dicko a fait les frais de la barbarie des «Microbes». Ibrahim (qui n’a pas voulu décliner son nom de famille de crainte de représailles) garde en mémoire une triste péripétie : « un jour, je partais travailler vers 5 heures du matin, je croisé un groupe de personnes qui semblaient dispersées. Lorsque j’ai dépassé la première ligne de ce groupe, ceux de la deuxième ligne sont tout de suite passés à l'acte en m’encerclant. Après quoi ils m'ont menacé avec des machettes. Incapable de faire quoi que ce soit face à cette situation périlleuse, je m'étais résigné au sot. Ils m’ont enlevé un téléphone portable et tout mon argent».
Bien que concentrés à Abobo, les «Microbes» prennent également pour cibles d’autres quartiers, dont Yopougon et Adjamé (nord d’Abidjan), et parfois Port-Bouet (sud).
L’Eglise de Yopougon-Anokoia, n’a pas échappé, elle aussi, à la brutalité de ces gangs. N.Yapi, jeune étudiante à l’Université Félix Houphouet Boigny, en témoigne :«Ils sont entrés dans l’Eglise, blessé à coups de machette l’un des trois agents de sécurité, et attaché les deux autres. Ils ont, ensuite, tout saccagé avant de repartir».
Face à cette menace des " Microbes" qui pèse sur la population, les autorités ivoiriennes «ne sont pas restées les bras croisées», selon Coulibaly Bazoumana, responsable de la communication auprès du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité.
« Il a été procédé à la mise en place d’une force mixte composée de militaires, de gendarmes et de policiers, baptisée, le Centre de coordination des décisions opérationnelles (CCDO). Sa tâche consiste à mener des patrouilles régulières dans les quartiers ciblés », explique-t-il. Parmi les réalisations de ces forces spéciales, selon lui, l’arrestation d’une trentaine de « microbes », au début de 2014.
Mais, la force ne doit pour autant pas être l’unique recours pour lutter contre ce phénomène social, comme le soutiennent certains Ivoiriens : « le gouvernement ferait mieux de privilégier la sensibilisation aux dépens de la force, car ces gangs possèdent beaucoup d’armes, héritage de la période de crise qu’a connue la Côte d’Ivoire. Puis un bras de fer entre les deux parties aura des conséquences néfastes sur la population », alerte, Doumbia Yacouba, un habitant du quartier d’Aboba.
Quant à Etelly Mathieu, ingénieur habitant la commune de Yopougon, il pense que « l’Etat fera montre de perspicacité dès lors qu'il aide ces jeunes à retrouver le chemin de la droiture. Car confier leur sort aux tribunaux ne fera qu’empirer la situation ».
Soucieux de connaître la situation sur le terrain, le ministre de la Défense, Paul Koffi koffi, vient d’effectuer une tournée dans les différentes communes du district d’Abidjan au cours de laquelle il a appelé les acteurs sociaux à encadrer ces jeunes, afin de faciliter leur réinsertion sociale.
Le 28 avril dernier dans une déclaration à la presse, le Premier ministre, Daniel kablan Duncan, avait promis, lui, de renforcer les capacités opérationnelles des «forces de sécurité pour lutter efficacement contre ce phénomène récent qu'est «les microbes ».
Mais aux yeux des populations touchées, ces initiatives "sont loin de dissuader les malfrats" et l’Etat «devrait encore coopérer et intensifier ses actions contre "les Microbes" qui ne cessent de terroriser Abidjan, en multipliant délits et crimes».
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