
AA/ Cotonou (Bénin)/ Serge David Zouémé
La capitale politique béninoise Porto-Novo, l'une des plus grandes villes de l’ex-royaume du Dahomey, aujourd'hui Bénin, abrite un imposant patrimoine muséal, notamment le musée Honmè. La psychose du virus Ebola en Afrique de l’Ouest a, toutefois, affaibli le flux des visiteurs de ce musée, surtout au cours du deuxième semestre de l’année dernière.
Situé à environ 40 kilomètres à l’Est de Cotonou, le musée Honmè abrite un patrimoine historique qui retrace des actes de bravoure des souverains (18 rois et 6 chefs supérieurs) qui ont dirigé, de 1729 à 1976, le royaume de Hogbonou (nom originel de la ville) avant l’occupation coloniale française.
Cet ancien palais royal, lieu de résidence et d’exercice de pouvoir des différents rois, se singularise par son architecture à impluvium, valorisant un savoir faire architectural surtout d'origine Yoruba et Ilè Ifè (Nigéria).
Mireille Amédé Gbanhounmè, la cinquantaine, conservatrice du musée, raconte à Anadolu que la psychose lié au virus Ebola qui a fait plus de 7000 morts en Afrique de l’Ouest depuis presqu'un an, a affaibli le flux des visiteurs au musée Honmè, surtout au cours du deuxième semestre de l’année écoulée, et ce, bien qu'aucun cas n'ait été enregistré dans le pays.
«Pour les mois d’août, septembre et octobre 2014, le nombre d'entrées était de 817 pour des recettes de l'odre de 447 400 CFA (815 $) seulement », a-t-elle déclaré.
« Notre recette mensuelle moyenne, d'avant la propagation d'Ebola était de l’ordre de 300.000 Francs CFA (547 $) pour près de 550 visiteurs par mois !», a-t-elle poursuivi, rappelant que les Nigérians, les Français et les Américains sont les principaux visiteurs du musée.
Elle n’a pas occulté les difficultés que rencontre le musée, avec, au premier plan, un personnel limité.
«Le musée Honmè est un musée public mais je n’ai sous ma responsabilité que cinq agents (deux guides, un agent d’entretien, un gardien et un responsable de la documentation) pour tout le travail», poursuit-elle, désolée, évoquant aussi l’état de dégradation progressive de l’institution muséale.
Ces détériorations partielles qui nécessitent dans l'urgence des mesures de conservation curative, n'entachent en rien le charme du musée Honmè qui nourrit l'esprit du visiteur et renforce le tissu identitaire de "la ville à trois noms" (Nommée successivement « Hogbonou » et « Adjatchê » par les peuples Ajas, Yorubas avant d'être baptisée sous son nom actuelle par les Portugais).
Les murs assez épais de couleur ocre, délimitant l’étendue du musée, couvrent une superficie de 2 hectares 500, laissant découvrir un ensemble clos qui se compose d'un corps, ou bâtiment central, et d'un secteur de temples : temple des pythons et temple " Yoho " (Asens ou autel).
A l’intérieur du musée, on entrevoit également un tribunal, deux prisons et un grenier qui sont aussi des bâtiments destinés, à l’époque, à l'usage des souverains. A tout ceci, il faut ajouter la salle d'audience du roi qui accueille actuellement l'administration du musée.
Le bâtiment central hautement symbolique mesure 1500m2, est composé d'une succession de concessions organisées, chacune, autour d'une cour centrale ou atrium. On y découvre la cour des reines, la cour du roi, la cour de détente du roi, la cour de la reine mère qui est la gardienne du trésor du roi, la cour d'initiation du futur roi, la cour du peuple réservée à l'intronisation du nouveau roi et à sa présentation au public, la cour du conseil où le roi tient les rencontres avec ses ministres.
Après l'abolition de la traite des esclaves en 1848, et surtout l'effritement du pouvoir des souverains dans le royaume au temps de la colonisation, le palais royal a été abandonné pendant des années et tombé en ruine parce qu’inoccupé, raconte Gbanhounmè.
«Il a fallu de grands travaux de restauration qui ont duré de 1986 à 1988, grâce au financement conjoint du budget national et de la Coopération française, pour que la mutation s'opère. L'ancien palais royal de Porto-Novo est ainsi transformé en musée de site et ouvert au public le 5 Février 1988 », a-t-elle déclaré.
Selon la conservatrice, le musée construit en terre de barre couverte de chaume, regorge d'énormes potentiels historiques et cultuels. Outre les bâtis qui séduisent par leur valeur traditionnelle atypique, le musée expose au grand plaisir du touriste étranger près de 230 pièces de grande importance historique et rituelle.
On dénombre, entre autres, le placard des gris-gris des rois, une chaîne magique fixée au sol avec une menotte qui sert de protection pour le roi contre les envahisseurs, les Asen ou Autel qui incarnent la mémoire des souverains défunts, les ‘’gozin’’ qui sont des cruches sacrées utilisées au sein du palais lors des rituels aux ancêtres, le ‘’Adji ou Awalé’’ qui est un jeu de grandes réflexions très prisé par les rois, le canapé du roi Toffa, les photographies des chefs supérieurs, le ''Adjogan'', une canne à percussion qui fait partie des instruments traditionnels utilisés par les reines du palais pour exécuter le rythme ''Adjogan'', lors des cérémonies festives ou dédiées aux ancêtres.
Les meules ayant servi aux différents rois dans cet ancien palais royal pour écraser les condiments, moudre tabac et céréales sont aussi exposées pour renseigner le touriste et perpétuer l’histoire de la royauté.