Analyse

Une nouvelle Intifada palestinienne sera-t-elle déclenchée par le «Commandement de la Résistance populaire» ? (Analyse)

-Des observateurs palestiniens ont salué la constitution du « Commandement palestinien unifié de la Résistance populaire », considérant qu’il s’agi d’un « pas dans la bonne direction ».

Mona Saanouni  | 16.09.2020 - Mıse À Jour : 16.09.2020
Une nouvelle Intifada palestinienne sera-t-elle déclenchée par le «Commandement de la Résistance populaire» ? (Analyse)

Ramallah

AA / Ramallah (Cisjordanie occupée) / Ayser al-Iss

Des observateurs palestiniens ont salué la constitution du «Commandement palestinien unifié pour la Résistance populaire », estimant qu’il s’ait d’un « pas dans la bonne direction ».

Cependant, ils ont estimé, dans des interviews exclusives accordées à Anadolu, que cela « ne sera pas le prélude de l’enclenchement d’une nouvelle Intifada populaire ».

Samedi dernier, le « Commandement palestinien unifié pour la Résistance populaire » a publié la déclaration numéro 1, dans laquelle il a appelé à décréter, mardi, comme « journée de rejet populaire et de soulèvement », dès lors qu’il correspond à la date de la signature de deux accords de normalisation entre Israël d’une part et le Bahreïn et les Emirats Arabes Unis d’autre part.

Vendredi dernier, le Bahreïn avait annoncé être parvenu à un accord portant établissement de relations diplomatiques avec Israël, sous parrainage américain rejoignant ainsi les Emirats qui avaient pris une mesure similaire, le 13 août dernier.

Le communiqué du « Commandement de la Résistance populaire » est la résultante de l’accord conclu entre les Secrétaires généraux des factions palestiniennes, au cours d’une réunion tenue à Ramallah et à Beyrouth, le 3 septembre courant. Il a été question lors de cette réunion de réactiver et de développer la « résistance populaire globale » contre Israël parallèlement à la mise sur pied de deux commissions, une première pour le commandement et une deuxième pour la soumission d’un document à même de mettre fin à la scission.

Le commandement de la Résistance populaire a appelé à décréter le vendredi prochain « Journée de deuil » durant laquelle les drapeaux noirs seront brandis dans toutes les places et au fronton de l’ensemble des édifices et des maisons, appelant également à ce que les églises sonnent le glas et à consacrer les prêches de la prière hebdomadaire à répondre à la « vague » de normalisation arabe avec Israël.

Le communiqué appelle à « rejeter l’ensemble des différends palestiniens et à assurer la participation de tous à cette lutte populaire de libération ».

Le Secrétaire général du Comité exécutif de l’Organisation de la Libération de la Palestine (OLP) Saeb Erekat, a indiqué, dimanche, que le Commandement unifié pour la Résistance populaire constitue une mesure importante à l’effet de coordonner et de diriger la résistance palestinienne.

Il a déclaré, au cours d’une conférence de presse animée, dimanche, à Ramallah, que « lors des prochains jours, des programmes et des activités seront annoncées et ce qui se passera sera fondamental ».

Il a, également, relevé que les « factions palestiniennes œuvrent à unifier l’action de la lutte et à aller de la voie sur la voie de mettre fin à la scission et de l’unification ».

Dans des interviews séparées accordées à l'Agence Anadolu, des analystes palestiniens ont indiqué que la constitution d’un commandement unifié et la publication de la déclaration numéro 1 sont des choses importantes. Ils ont, cependant, estimé que l’essentiel demeure de concrétiser cela par des faits hostiles à l’occupation sur le terrain ».

Ahmed Rafik Awadh, professeur d’information à l’université d’al-Quds, a salué le pas franchi en créant un commandement unifié pour la Résistance populaire, mais il a exclu que cela réussira à emboîter le pas aux soulèvements et aux deux Intifada des années 1987 et 2000.

Il a ajouté qu’il est « difficile de recommencer l’histoire et de créer les conditions, la population notamment, qui ont enclenché l’Intifada des pierres de 1987 ou celle d’al-Aqsa en 2000 ».

Le soulèvement des pierres (Ia première Intifada) qui s’est enclenchée en décembre 1987 représente un des événements marquants ayant impacté l’histoire contemporaine de la Palestine.

Cette Intifada a duré 6 ans, et a été couronnée par la signature, en septembre 1993, des Accords d’Oslo entre Israël et l’OLP.

Quant à l’Intifada d’al-Aqsa (la deuxième), sa première étincelle s’est enclenchée en date du 28 septembre 2000, après l’envahissement par le Premier ministre israélien décédé, Ariel Sharon, de l’enceinte de la mosquée d’al-Aqsa, accompagné par de nombreux effectifs de l’armée et de la police. Ce soulèvement a pris fin en 2005.

Awadh estime que les Palestiniens qui ont enclenché ces deux soulèvements ont été victimes des « opérations d’expulsion de leurs terres et ne disposent plus de l’entrain et de l’enthousiasme d’antan, en raison de plusieurs conditions relatives à la vie de tous les jours, pour enclencher un soulèvement général et d’en assumer les conséquences».

L’universitaire palestinien a demandé aux chefs des factions de présenter un modèle qui sera à même d’inciter la population à se mobiliser et à se soulever contre l’Occupation.

Abondant dans le même sens, l’enseignant à l’université de Bir Zeit, Georges Hakman, a souligné que des conditions objectives empêchent l’enclenchement d’une résistance populaire à une large échelle ou d’une Intifada, précisant que cela se limitera à des marches ou à des affrontements limités et sporadiques.

Il a motivé son opinion par « une série de conditions inhérentes à la situation interne palestinienne et à d’autres relatives à l’incapacité de l’Autorité à afficher une réaction qui susciterait la colère d’Israël ».

« Au plan populaire, je ne vois pas conditions favorables à l’Intifada, d’autant plus que les années de scission ont réduit le degré de confiance en les dirigeants en général, du moment que ces derniers ont échoué, depuis 2007, à garantir l’unité nationale et à aplanir les différends », a-t-il argumenté.

Une scission politique prévaut dans les territoires palestiniens (Cisjordanie et la Bande de Gaza) depuis le mois de juin 2007, à cause de différends aigus entre les Mouvements Fatah et Hamas, dont les initiatives régionales et internationales n’ont pas réussi à y mettre fin.

Hakman a relevé que la résistance populaire connue lors de l’Intifada des pierres en 1987 étaient liée à la présence à l’intérieur des villes des forces israéliennes, ce qui a fait de l’affrontement avec les soldats de l’Occupation une chose naturelle et quotidienne.

Cependant, a-t-il dit, le cadre a changé aujourd’hui, compte tenu de la présence de ces forces aux lignes tangentes au niveau des colonies et des check-points.

De son côté, l’analyste politique Omar Assef, a souligné l’impératif de renforcer la déclaration du commandement unifié par une préparation nationale afin d’impulser cette orientation.

Il a considéré que la « Rue palestinienne sera prête à consentir des sacrifices et à déployer des efforts, au cas où la direction serait dispose à le faire.

Assef a ajouté que la déclaration du commandement unifié est un « pas sur la bonne direction et il est nécessaire de le concrétiser en se mobilisant contre l’Occupation afin que le peuple ait confiance en son sérieux ».

L’analyse a fait part de son optimisme que « cette mesure permettra de baliser la voie pour mettre fin à la scission politique, dès lors que l’action sur le terrain et l’unification des efforts nécessite cela ».

En contrepartie, Assef estime que « le paysage parait, auprès de larges franges de la direction politique palestinienne, comme étant immature pour enclencher une résistance populaire et payer le tribut pour cela ».

L’analyste a conclu en disant que « la sphère politique ne parie pas sur l’option de la Résistance et plusieurs niveaux critiques lorgnent la relance des négociations par l’entremise du Quartet international ou à travers la tenue d’une Conférence internationale pour la Paix ».

Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.