Analyse

Renaissance : un barrage, trois Etats et deux scénarios (Analyse)

A l’occasion de la journée mondiale de l’Eau, l’axe soudano-égyptien est revenu sur les risques et les dangers d’une mesure éthiopienne unilatérale.

Adel Abdelrheem Humaida Elfadol  | 28.03.2021 - Mıse À Jour : 30.03.2021
Renaissance : un barrage, trois Etats et deux scénarios (Analyse)

Sudan

AA / Khartoum

Le forcing du Caire et de Khartoum contre Addis-Abeba concernant le dossier du Barrage éthiopien de la Renaissance ne fait qu’accentuer les tensions omniprésentes au niveau de la frontière soudano-éthiopienne. La persistance de l’Ethiopie à procéder à un deuxième remplissage de son barrage a tendance à amplifier les tensions avec ses deux voisins arabes.

Lundi, à l’occasion de la journée mondiale de l’Eau, l’axe soudano-égyptien est revenu sur la question pour rappeler les risques et les dangers d’une mesure éthiopienne unilatérale quant à l’exploitation du potentiel de ce barrage. Le ministre égyptien de l’irrigation, Mohamed Abdel-Ati a, ainsi, qualifié l’impact de ce barrage sur les ressources du Nil comme étant l’un des défis majeurs auxquels est confronté l’Egypte actuellement. Le Caire n’est, en effet, pas disposé à accepter les répercussions négatives des mesures éthiopiennes unilatérales.

Du côté soudanais, le ministre de l’Irrigation, Yasser Abbas, a invité, Addis-Abeba à coopérer dans le cadre de la médiation quadripartite formée par l’Union Africaine, l’Union Européenne, les Nations Unies et les Etats-Unis. L’objectif est d’aboutir à un accord juste et équitable correspondant aux besoins des pays concernés par ce dossier.

L’Ethiopie, de son côté, ne cesse de mettre en avant l’intérêt de ce barrage au service de sa croissance économique. Un intérêt qui, d’après les interventions des responsables éthiopiens, ne pourrait nuire à ceux de ses voisins arabes. Il semble, ainsi, qu’Addis-Abeba est déterminé à procéder à un second remplissage du barrage de la Renaissance. Un membre du groupe éthiopien participant aux négociations au sujet du barrage, a, en ce sens, déclaré, le samedi 20 mars, que la médiation quadripartite serait une manœuvre visant à déstabiliser et à déboussoler l’Ethiopie, alors qu’elle s’apprête à procéder à un second remplissage du barrage.

Un barrage qui constitue, d’après les propos du chef de la diplomatie éthiopienne, Demeke Mekonnen, lors d’une conférence fêtant les dix ans du démarrage de sa construction, une question de souveraineté nationale pour Addis-Abeba. Des propos qui avait irrité le Premier ministre égyptien, Mostafa Madbouli, selon lequel, l’Ethiopie chercherait à imposer le fait accompli et à prendre des mesures unilatérales, se désintéressant, ainsi, de l’intérêt de l’Egypte et du Soudan.

L’Ethiopie qui avait, à multiples reprises, exprimé sa réticence quant à la médiation quadripartite. Elle s’est, ainsi, prononcée, le 09 mars courant, en faveur d’une médiation de l’Union Africaine uniquement.

Deux scénarios

Les tractations actuelles rythmant les négociations sur le barrage de la Renaissance pourrait déboucher sur plusieurs scénarios, d’après l’analyste politique soudanais, Omar Chaabane. Dans une déclaration à l’AA, ce dernier avait affirmé que le premier scénario consisterait en une frappe militaire anticipée égypto-soudanaise pour faire face à la persistance éthiopienne à procéder à un second remplissage unilatéral au barrage.

Une manœuvre militaire qui ne pourrait, selon l’analyste, provoquer un conflit armé d’envergure. D’autant que la communauté internationale ne peut tolérer la survenance d’une guerre qui aurait des conséquences catastrophiques sur toute la région. Le second scénario consisterait au succès des pressions internationales exercées sur Addis-Abeba. Cette dernière serait, ainsi, contrainte à reprendre les négociations et à abandonner son projet de deuxième remplissage unilatéral aux capacités du barrage de la Renaissance.

Chaabane estime, dans ce contexte, que la proposition soudanaise favorable à une médiation quadripartite est le résultat de l’inaction de la communauté internationale sur ce dossier. Cette proposition viserait à l’inciter à agir activement pour une issue favorable aux négociations. D’autant que pour le moment, aucun Etat ou organisme international ne s’est prononcé par rapport à l’arrêt du financement du barrage dont le coût est de 4,8 milliards de dollars avec la participation d’entreprises européennes, chinoises et américaines.

Des frontières sous tension

Parallèlement au dossier du barrage de la Renaissance, le président du Conseil souverain transitionnel au Soudan, Abdel Fattah al-Burhan avait maintenu son attitude hostile vis-à-vis de l’Ethiopie en raison du conflit frontalier entre les deux pays.

Khartoum avait annoncé, le 31 décembre, la libération de la région frontalière de Fachqa qui était aux mains de milices éthiopiennes. Addis-Abeba accuserait, de son côté, Khartoum d’avoir attaqué et occupé des territoires éthiopiens.

Au cours d’un discours destiné aux forces armées soudanaises, mercredi à Omdurman, al-Burhan avait posé deux conditions pour poursuivre les négociations avec l’Ethiopie, la reconnaissance par cette dernière des territoires soudanais objet de ce conflit et la mise en place du traçage frontalier dans la région.

Un traçage revendiqué par le Soudan depuis le 15 mai 1902, en application de la convention conclue à l’époque entre l’Ethiopie et la Grande-Bretagne. Addis-Abeba rejette toute reconnaissance des modalités de cette convention et propose de renégocier pour mettre fin au conflit. Al-Burhan, lors d’un deuxième discours destiné, dimanche dernier aux forces armées, dans la ville du nord du pays de Bahri, avait affirmé que l’armée soudanaise a repris ses territoires et qu’elle ne céderait pas face aux tentatives éthiopiennes de déroger aux accords internationaux.

Le barrage, origine de tous les maux

D’après Omar Faruk, journalise soudanais spécialisé dans les affaires africaines, les questions frontalières ne peuvent constituer un motif pour l’éclatement d’un conflit armé d’envergure entre l’Ethiopie et le Soudan. Le principal point de divergence entre les deux pays étant le dossier du barrage de la Renaissance.

Dans une déclaration à l’AA, Faruk avait affirmé que les tensions internes de part et d’autre de la frontière soudano-éthiopienne et la situation régionale tendue excluraient l’éventualité d’un conflit armé entre les deux pays en dépit de l’hostilité affichée des responsables éthiopiens et soudanais.

Il estime, ainsi, que les frontières séparant les deux Etats resteront sous tension et seraient l’objet de quelques affrontements armés momentanés en fonction du contexte. L’actuelle crise altérant les rapports entre Khartoum et Addis-Abeba aurait pour seule et unique origine le barrage de la Renaissance qui constitue une grande menace pour les deux voisins arabes de l’Ethiopie. Le journalise soudanais s’attend à ce que le processus politique qui se met en place actuellement parvienne à mettre un terme à la crise du barrage.

Les manœuvres du Soudan en faveur d’une médiation internationale inciteraient, en effet, la communauté internationale à déployer davantage d’efforts pour empêcher la dégradation de la situation. D’autant que les relations qu’entretient actuellement l’Ethiopie avec l’Occident joueraient en sa défaveur en raison des événements de la province du Tigré. Addis-Abeba serait désavantagée face à l’Occident qui pourrait jouer cette carte pour imposer ses conditions et la contraindre à reprendre les négociations sur le barrage.

Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed avait, pour la première fois, reconnu, mardi, des actes d’atrocités de la part de l’armée fédérale éthiopienne contre des civiles dans le cadre du confit armé qui avait éclaté le 04 novembre contre les « Forces Populaires de Libération de Tigray ». Des actes qualifiés, à plusieurs reprises, par le secrétaire d’Etat américain aux Affaires étrangères, Antony Blinken, de ségrégation ethnique.

Le responsable américain avait, ainsi, appelé à la mise en place d’une enquête internationale à ce propos. Addis-Abeba rejette ces accusations en les qualifiant d’« évaluation erronée de la réalité n’ayant aucun fondement ».

Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.