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Que nous dit l'élection présidentielle polonaise ? (Opinion)

- Les questions clés de la politique étrangère de Karol Nawrocki concernent notamment les relations polono-allemandes et polono-françaises. Les signaux venus de Paris et Berlin témoignent d’une volonté de coopération.

Zsombor Zeöld  | 07.06.2025 - Mıse À Jour : 07.06.2025
Que nous dit l'élection présidentielle polonaise ? (Opinion)

Istanbul

AA / Istanbul / Zsombor Zeold

Entre mai et juin, les électeurs polonais ont été appelés aux urnes pour la quatrième fois en 20 mois, cette fois pour élire leur président.

Les résultats (50,89 % contre 49,11 %) reflètent un paysage politique profondément divisé, dans lequel le candidat du principal parti d’opposition l’a emporté.

Avant tout, ces résultats doivent être analysés sous l’angle politique intérieur.

À la suite des élections législatives de 2023, une coalition hétérogène dirigée par la Coalition civique (PO) du Premier ministre Donald Tusk, alliée à deux autres formations, a pris le pouvoir en obtenant la majorité au parlement.

En 2023 déjà, cette course très disputée s’était jouée à un cheveu ; la promesse phare de la coalition était alors de « nettoyer après » leurs prédécesseurs du parti Droit et Justice (PiS).


* Dynamiques de mi-mandat

Compte tenu du calendrier électoral et du cycle parlementaire polonais de quatre ans, l’élection présidentielle de 2025 faisait office d’« élection de mi-mandat », au cours de laquelle les électeurs ont exprimé leur jugement sur les partis de la coalition au pouvoir et ont élu le candidat du PiS à la présidence.

Karol Nawrocki, historien de 42 ans, considéré comme un « outsider », ne disposait que d’une expérience politique limitée, ayant exercé comme élu local dans le district de Gdansk – une ville de près d’un demi-million d’habitants – entre 2011 et 2017.

Cela aura pourtant suffi pour battre de justesse le maire de Varsovie soutenu par la PO, Rafal Trzaskowski. Les électeurs ont donc adressé un avertissement – voire une sanction – à la coalition gouvernementale actuelle.

La situation est d’autant plus préoccupante pour les petits partis de la coalition : le candidat de gauche de la Nouvelle Gauche comme celui du centre de Troisième Voie ont recueilli des scores inférieurs aux attentes.

Les électeurs se sont tournés vers la droite, et diverses fractures de la société idéologiques, générationnelles, éducatives et géographiques ont joué un rôle central dans le résultat final.

Nawrocki a su l’emporter en mobilisant l’essentiel de l’électorat de droite et en apparaissant, aux yeux de ses partisans, comme imperméable aux critiques portant sur son passé.

D’un point de vue politique intérieur, il est impossible d’analyser les résultats de l’élection présidentielle de 2025 de manière « unidimensionnelle » : plusieurs facteurs ont influencé le scrutin.

Il est évident que le mécontentement croissant des jeunes électeurs vis-à-vis de la PO et du PiS les deux partis qui dominent la scène politique polonaise depuis des décennies a pesé dans la balance.

Nawrocki a ainsi recueilli des suffrages en étant simplement moins rejeté que son adversaire.

Les résultats montrent un glissement vers la droite : il est fort probable que les électeurs aient tenu le gouvernement pour responsable de son incapacité à résoudre les problèmes que certains groupes sociaux (par exemple les agriculteurs ou les entrepreneurs) considèrent comme essentiels à leur bien-être et à leur avenir. Ces groupes réclament un environnement économique favorable aux affaires, passant notamment par la déréglementation et des réformes fiscales.

Les jeunes sont quant à eux particulièrement touchés par la précarité en matière de logement : le coût de la vie, notamment des loyers, ne cesse d’augmenter. Du côté gauche de l’échiquier politique, l’idéologie a sans doute aussi influencé les résultats finaux : les électeurs ont « sanctionné » la coalition au pouvoir pour ne pas avoir tenu l’une de ses principales promesses, à savoir la libéralisation de la loi sur l’avortement.

* Pouvoir présidentiel vs majorité parlementaire

Étant donné l’expérience politique limitée de Nawrocki qui ne dispose pas d'ancrage dans la scène politique de Varsovie, il est difficile de prédire précisément quelle ligne politique il adoptera.

Toutefois, certains éléments délimitent son champ d’action : il peut proposer des lois au Parlement, il joue un rôle dans l’élaboration de la politique étrangère et de sécurité, et il dispose du pouvoir de veto sur les projets de loi émanant du gouvernement.

Sur ce dernier point, un piège pourrait se refermer à la fois sur l’exécutif et la présidence : si le président oppose systématiquement son veto aux textes votés par le gouvernement, provoquant ainsi une impasse politique, les jeunes électeurs pourraient se détourner encore davantage de la PO comme du PiS lors des prochaines législatives de 2027.

Un blocage politique intérieur pourrait également avoir des répercussions à l’international.

La marge de manœuvre actuelle de la coalition au pouvoir est en partie définie par les décisions prises par ses prédécesseurs au cours de la dernière décennie, notamment depuis février 2022.

Le gouvernement de Tusk a poursuivi une politique étrangère guidée par les impératifs de sécurité, visant à asseoir une position plus influente pour la Pologne sur la scène internationale.

Cette stratégie peut être décrite comme une volonté d’affirmation de la Pologne en tant que puissance régionale intermédiaire.

Il convient toutefois de distinguer une posture ferme où la défense des intérêts nationaux est le moteur principal d’une logique de confrontation, qui rend difficile tout rapprochement entre les parties en raison de l’opacité de leurs positions.

Le parti qui a nommé Nawrocki est connu pour sa position eurosceptique. Si le nouveau président adopte une politique de confrontation, cela pourrait nuire aux relations entre la Pologne et l’Union européenne, ainsi qu’avec les partenaires avec lesquels Varsovie souhaitait renforcer ses liens.

Les enjeux clés à l’agenda de politique étrangère de Nawrocki concernent notamment les relations polono-allemandes et polono-françaises.

Les messages en provenance de Paris et de Berlin ont exprimé une ouverture à la coopération signe qu’ils considèrent Varsovie comme un partenaire essentiel dans la définition de la politique étrangère et de sécurité européenne à l’avenir.

* L’auteur, Zsombor Zeold, est un ancien boursier du programme CEPA-HIF Andrassy en sécurité nationale – un programme conjoint du Center for European Policy Analysis (CEPA), un think tank américain spécialisé dans les questions de sécurité en Europe centrale et orientale, et de la Hungary Initiatives Foundation (HIF), une fondation américaine soutenant la diplomatie publique hongroise. Il a également occupé le poste d’attaché culturel, de presse et des affaires publiques à l’ambassade de Hongrie en Pologne.

  • Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la ligne éditoriale d’Anadolu.

  • Traduit de l'anglais par Sanaa Amir

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