Analyse

Les entreprises françaises timides dans leur réaction à la guerre en Ukraine

- Premier employeur étranger en Russie, les entreprises françaises présentes dans le pays subissent aussi l'impact des sanctions économiques contre Moscou.

Fatma Bendhaou  | 07.03.2022 - Mıse À Jour : 07.03.2022
Les entreprises françaises timides dans leur réaction à la guerre en Ukraine

France


AA / Paris / Ümit Dönmez

Alors qu'un grand nombre de multinationales de divers secteurs ont annoncé la suspension de leurs activités en Russie, dans une tentative du secteur privé de faire pression sur l'économie russe, dans la foulée des sanctions économiques internationales imposées à Moscou, un grand nombre d'entreprises françaises essayent de ménager la chèvre et le chou.

L'enjeu économique est de taille. Quelque 1200 entreprises françaises sont présentes en Russie, selon la Chambre de commerce et d'industrie franco-russe. Premier employeur étranger en Russie, les entreprises françaises y comptent 160 000 salariés. Elles ressentent déjà l'impact économique de la guerre en Ukraine, lancée le 24 février dernier, à commencer par la perte de valeur brutale du rouble (un tiers de sa valeur en quelques jours) et la hausse soudaine des taux d'intérêts de la Banque Centrale de la Fédération de Russie, passés de 9,5 % à 20 %. Mais beaucoup hésitent encore à sauter du bateau.


- Les entreprises françaises ayant suspendu leurs opérations en Russie

Les entreprises françaises ayant suspendu leurs opérations en Russie suite à la guerre en Ukraine, ne sont pas nombreuses. Parmi elles, figure notamment l’armateur français CMA-CGM qui a décidé de ne plus desservir les ports russes, mais « dans un souci de sécurité » et non pas dans un but d'exercer une quelconque pression sur Moscou.

Air France avait, également, annoncé dimanche 27 février la suspension temporaire de "la desserte et le survol de la Russie" et qu'elle n'assurera plus ses liaisons vers Moscou et Saint-Pétersbourg jusqu'à nouvel ordre, "compte tenu de la situation dans la région".

Pernod Ricard, le producteur-vendeur de spiritueux, a annoncé, lui aussi, cette semaine avoir suspendu ses activités en Russie, un pays qui représente 2 à 3 % de ses activités globales.

« Nous avons suspendu nos ventes à nos grossistes en Russie », annonçait cette semaine, l'entreprise française expliquant que poursuivre l’activité dans le contexte actuel constituerait un « non-sens ».

Dans le secteur du luxe, LVMH qui est présent sur le territoire russe avec 124 boutiques et 3500 collaborateurs, le groupe Hermès (3 magasins et une soixantaine de salariés) et Chanel (17 boutiques, 371 salariés) ont annoncé, vendredi dernier, la fermeture « temporaire » de leur magasins.

Pour sa part, le Guide Michelin, qui avait annoncé le lancement de ses activités en Russie en octobre dernier, a décidé cette semaine de la suspension de ses activités dans le pays. 69 restaurants recommandés par le célèbre guide ne pourront plus bénéficier de cette promotion.


- Les entreprises françaises affectées par les sanctions contre la Russie


Un certain nombre d'entreprises actives en Russie commencent, pour leur part, à ressentir l'impact des sanctions économiques imposées au pays de la Volga par un grand nombre de pays.

Parmi ces sanctions, figurent notamment les interdictions d’importations de biens et de technologies de l’Union européenne (UE) dans les secteurs de la défense, l’énergie, l’aéronautique et les finances, ainsi que les restrictions des États-Unis dans l’électronique et les télécommunications, auxquelles s'ajoutent les sanctions, entre autres pays, du Japon, du Royaume-Uni et de la Confédération helvétique.

Alors que le rouble a perdu un tiers de sa valeur, divers secteurs ont été affectés par les restrictions imposées sur les exportations vers la Russie, notamment de hautes technologies et de semi-conducteurs, la réduction d'accès de la Russie aux marchés de capitaux augmentant également ses coûts d’emprunt et de financement pour le développement de nouveaux projets.

Le retrait du marché russe d'un grand nombre de sociétés internationales, tous secteurs confondus, commence aussi à impacter le flux des échanges commerciaux (et donc de l'approvisionnement) avec le pays de la Volga.

AvtoVAZ, filiale du constructeur français Renault produisant les Lada, est le premier constructeur automobile en Russie. Le groupe a annoncé cette semaine l'arrêt de ses usines pendant quatre jours "en raison de problèmes d'approvisionnement en semi-conducteurs", conséquence de ces sanctions, mais aussi des tensions d'approvisionnement ressenties dans le secteur à l'échelle globale, depuis la crise liée à la pandémie de la Covid-19.

AvtoVAZ a annoncé un arrêt temporaire de ses usines en Russie, le samedi 5 mars ainsi que des arrêts du 9 au 11 mars. La Russie représente 18% de la production globale de Renault avec la marque Lada d'AvtoVAZ.


- Beaucoup d'entreprises françaises poursuivent leurs activités en Russie


Cependant, un grand nombre d'entreprises françaises poursuivent leurs activités en Russie, notamment le secteur agro-alimentaire. Ces entreprises françaises jouent un rôle relativement important dans l'approvisionnement des citoyens russes en nourriture.

Parmi celles-ci, figurent Danone, pour qui le pays de la Volga représente 5 % de son marché global, ou encore Bonduelle qui dispose de trois sites de production en Russie.

Les magasins Auchan, Décathlon et Leroy Merlin de la famille Mulliez poursuivent également leurs activités en Russie, selon « BFM Business » qui précise que Leroy Merlin est présent dans le pays avec 36 000 salariés opérant dans 107 hypermarchés dans 62 villes, représentant environ un cinquième (18%) du chiffre d'affaire de la société-mère du groupe Leroy Merlin, Adeo. C'est son deuxième marché après la France.

Avec 231 magasins en Russie et un chiffre d'affaires de 3,2 milliards d'euros, soit plus de 10% de son produit des activités ordinaires total en 2021, Auchan est aussi très présent en Russie, indique BFM Business, faisant également état d'une présence relative de Décathlon dans ce pays.

Pas moins de 35 entreprises du CAC 40 sont actives en Russie, à échelle variable. S'agissant du secteur financier, les cinq plus grandes banques françaises y sont présentes, notamment BNP Paribas, Société générale et Crédit agricole. Cependant, seule la Société générale possède une filiale sur place, qui pèse à peu près 2 % de ses activités mondiales. Il s'agit de Rosbank avec ses 235 agences et deux millions de clients.

Dans un communiqué publié cette semaine, la Société Générale a indiqué qu'elle est « tout à fait en mesure d'absorber les conséquences d'un éventuel scénario extrême qui affecterait les droits de propriété sur ses actifs bancaires en Russie », c'est-à-dire que la perte de sa filiale en Russie n'affecterait guère la santé de la banque.

La Poste à travers sa filiale GeoPost, le deuxième équipementier aéronautique mondial Safran ainsi que le spécialiste français du ferroviaire, Alstom (qui avait racheté le Canadien Bombardier en 2020) sont également présents en Russie, tout comme les équipementiers Valeo, Faurecia et Michelin.

D'autres sociétés françaises ont choisi de rester, tout en prenant le soin de faire des "gestes", en guise de protestation. Dans le secteur de l'énergie, TotalEnergies a opté pour ne plus apporter de capital à de nouveaux projets en Russie, excluant l'éventualité d'un retrait du pays dans lequel il détient des intérêts importants. Le groupe énergétique industriel français, Engie détenait également une participation dans Nord Stream2. L’entreprise a transformé en prêt cette participation dans le projet suspendu, après, avoir financé 10% de sa construction, selon L'Usine Nouvelle, magazine hebdomadaire français spécialiste de l'économie et des technologies dans le monde industriel.

160 entreprises françaises sont également présentes en Ukraine où l'entrepreneuriat français constitue, avec environ 30 000 salariés, le premier employeur étranger, comme en Russie.

Face aux répercussions économiques mondiales de la guerre en Ukraine, le CAC 40, principal indice de la Bourse de Paris a reculé de 10,23 % la semaine passée, sa plus mauvaise performance depuis mars 2020. Il a perdu 1,84 % jeudi, avant d'accélérer sa chute vendredi (- 4,69 %) à 6061,77 points.



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