Le pape François : le réformateur qui a divisé l’opinion (Portrait)
- Salué pour son humilité et son engagement en faveur de la justice sociale, le pape François a également essuyé de vives critiques de la part des conservateurs au sein de l’Église.

Istanbul
AA / Istanbul / Aysu Bicer - Esra Tekin
Lors de son élection en mars 2013, Jorge Mario Bergoglio, devenu le pape François, était un choix inattendu.
Âgé de 76 ans, plus vieux que ce à quoi beaucoup s’attendaient, jésuite argentin, il représentait un outsider par rapport à l’establishment du Vatican.
Mais sa sélection fut historique : il devint le premier pape issu d’Amérique latine, ainsi que le premier membre de l’ordre des Jésuites à diriger l’Église catholique.
Plus de dix ans après le début de son pontificat, François restait une figure à la fois admirée et controversée.
Il est décédé à l’âge de 88 ans après avoir souffert d’une longue maladie, a annoncé le Vatican lundi.
Selon un précédent communiqué, il souffrait d’« une crise respiratoire de type asthmatique prolongée » liée à une thrombocytopénie.
François avait cherché à réformer la bureaucratie du Vatican, à lutter contre la corruption et à répondre aux défis les plus pressants de l’Église.
Salué pour son humilité et son engagement en faveur de la justice sociale, son leadership a cependant suscité de vives résistances parmi les conservateurs, tant au sein de l’Église qu’à l’extérieur.
- Une vie façonnée par la foi et l’épreuve
Né à Buenos Aires le 17 décembre 1936, de parents immigrés italiens, Jorge Mario Bergoglio s’est tourné très tôt vers la vie religieuse.
Il a étudié en Argentine puis en Allemagne avant d’être ordonné prêtre jésuite en 1969.
Contrairement à de nombreuses figures du Vatican, il avait peu d’expérience internationale au début de sa carrière, ayant passé l’essentiel de son temps en Argentine, où il s’est forgé une réputation de leader humble, austère et profondément engagé dans la justice sociale.
Jeune, il a souffert d’une grave infection pulmonaire et a dû se faire retirer une partie du poumon droit.
Malgré cela, il est resté physiquement actif et fut nommé archevêque de Buenos Aires en 1998.
En tant que cardinal, il était connu pour son mode de vie simple, préférant les transports en commun à une voiture avec chauffeur.
Ses sermons traitaient souvent des inégalités et des luttes des pauvres, critiquant subtilement les gouvernements négligents envers les plus vulnérables.
Il était perçu comme une voix en faveur de l’inclusion sociale, une thématique devenue centrale dans son pontificat.
- Premier pape non européen depuis plus de mille ans
François, 266ᵉ pape de l’Église catholique, fut le premier non-Européen à accéder à ce poste depuis Grégoire III, né dans l’actuelle Syrie et élu en 731.
Il choisit le nom de François en hommage à Saint François d’Assise, moine du XIIIe siècle connu pour sa charité et son amour des animaux.
Titulaire d’un master en chimie de l’Université de Buenos Aires, il enseigna la littérature, la psychologie, la philosophie et la théologie avant de devenir archevêque.
Dans sa jeunesse, il aimait danser le tango avec sa petite amie, avant de découvrir sa vocation religieuse. Il travailla aussi comme videur dans un bar et comme concierge.
Il s’est aussi fait connaître pour avoir lavé les pieds de patients atteints du sida — un geste rappelant celui du Christ envers ses disciples.
- Un pontificat tourné vers la réforme
Dès le début de son pontificat, François donna le ton.
Il refusa de vivre dans le palais apostolique, préférant une maison d’hôtes modeste au Vatican.
Rejetant de nombreuses formalités, il prônait un style de leadership accessible et humble.
Sa popularité initiale fut renforcée par ses actions contre la corruption financière au Vatican, notamment à la Banque vaticane. Il réorganisa aussi la Curie, l’organe administratif de l’Église, en réduisant la bureaucratie et en améliorant la transparence.
- Les scandales d’abus sexuels
L’un de ses plus grands défis fut de gérer les scandales d’abus sexuels sur mineurs au sein de l’Église.
Il démit de leurs fonctions plusieurs évêques accusés d’avoir couvert des cas d’abus et créa une commission au Vatican pour traiter le sujet.
Mais certains critiques estiment que ses efforts restaient insuffisants, en raison de la lenteur de la justice pour les victimes.
François s’est aussi exprimé régulièrement sur des enjeux mondiaux.
Il critiquait le capitalisme dérégulé, qu’il accusait de « tuer » les pauvres. Il appelait à une action plus forte contre le changement climatique et plaidait pour les migrants, allant jusqu’à comparer les centres de rétention européens à des camps de concentration.
Des propos qui lui valurent de vives critiques de la part de dirigeants conservateurs.
Malgré une image progressiste, François resta fidèle à plusieurs doctrines traditionnelles.
Il maintint les positions de l’Église sur l’avortement, le mariage homosexuel et le rôle des femmes, montrant qu’il n’était pas aussi libéral que certains l’espéraient.
Ses nominations de cardinaux plus progressistes à des postes clés, en remplacement de figures conservatrices, attisèrent les tensions.
Certains l’accusèrent d’avoir marginalisé les traditionalistes au profit de son agenda réformiste.
- Un passé controversé sous la dictature argentine
Bien avant son élection, son rôle pendant la dictature militaire argentine (1976-1983) fut l’objet de débats.
À la tête des jésuites à l’époque, il fut accusé de ne pas avoir protégé deux prêtres enlevés, et de n’avoir pas suivi une demande d’aide concernant le bébé d’une femme disparue.
Le Vatican a catégoriquement nié toute implication.
Le prix Nobel de la paix Adolfo Pérez Esquivel, lui-même emprisonné et torturé à cette époque, a défendu Bergoglio, affirmant qu’il n’existait aucune preuve de collaboration avec le régime.
En tant que pape, François a reconnu le rôle de l’Église durant cette période. Il a lancé le processus de béatification des prêtres assassinés et ordonné l’ouverture des archives du Vatican aux victimes et à leurs familles.
François demeure sans conteste l’une des figures les plus influentes du catholicisme contemporain.
Ses réformes ont suscité à la fois admiration et résistance.
Ses positions sociales et économiques ont divisé, mais son style de leadership a transformé durablement le Vatican.
* Traité de l'anglais par Sanaa Amir
Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.