Le calcul de fin de mandat de Macron se heurte à Poutine (Opinion)*
- Il voulait survoler la campagne, d’abord en annonçant sa candidature le dernier jour, puis en refusant de débattre avec les autres candidats et enfin en s’affichant « patron de l’Europe », mais la guerre en Ukraine s’est interposée

Ankara
AA/Ankara / Tuncay Çakmak
Macron imaginait certainement terminer son mandat en grande pompe en tant que président en exercice de l’Union européenne (UE), mais le Président russe, Vladimir Poutine, a tout gâché.
Dès le début de son mandat, le Président français a affiché sa volonté de jouer un rôle de premier plan en Europe et de renforcer la place de la France alors que le couple franco-allemand n’est plus ce qu’il a été.
Il multipliera donc les initiatives dans ce sens, en particulier en faveur de la construction d’une force de défense européenne, alors que « l’OTAN est en état de mort cérébrale », comme il a pu déclarer en pleine opposition avec la Turquie en 2020.
- La défense européenne, un projet pour limiter la mainmise de l’OTAN
Néanmoins, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis.
Et c’est certainement la guerre entreprise par Moscou contre son voisin ukrainien, qui rabattra les cartes.
Malgré des mois de « diplomatie » par vraiment couronnée de succès, le constat est accablant : l’Europe n’est absolument pas prête à se défendre sans la contribution des États-Unis, donc de l’OTAN.
Il est certain que le retour de la guerre sur le sol européen aura été un choc pour la grande majorité des dirigeants européens.
L’idée défendue par Macron de créer une force européenne de défense n’est donc pas « hors-sujet ». Mais il faudra du temps pour que cela se concrétise et atteigne une dimension suffisante pour être efficace et dissuasive.
En attendant donc, l’OTAN demeure la seule option.
Emmanuel Macron n’imaginait surement pas qu’une guerre, dans le vrai sens du terme, apparaîtrait en Europe de sitôt. Le Président français n’aura donc pas eu le temps de mettre en pratique son projet, qui pourtant commençait à faire son chemin parmi les autres dirigeants européens.
D’ailleurs, la guerre de la Russie contre l’Ukraine semble avoir créé une onde de choc quant aux faiblesses et retards des pays européens en matière de défense.
Ainsi, l’Allemagne qui possède une armée et des équipements militaires vieillissants, qui s’était engagée à ne pas poursuivre une politique forte en matière militaire après la Seconde guerre mondiale, a annoncé vouloir investir 100 milliards d’euros dans le domaine dans les prochaines années, pour, entre autres, moderniser ses armées.
Berlin a, également, renouvelé son engagement à « être la partie la plus importante de la future défense européenne », qui comptera dans un premier temps « 5000 hommes et femmes ».
« La défense européenne », même si elle devait voir le jour demain, elle ne sera pas en mesure de répondre aux besoins immenses de l’Europe.
C’est donc bon gré mal gré que les Européens, Macron en premier, ont dû se résigner à suivre l’OTAN et son patron américain.
A tel point que le Président turc, Recep Tayyip Erdogan, a même déclaré à l’issue du sommet extraordinaire de l’OTAN du 24 mars à Bruxelles : "Visiblement, l'OTAN n'est pas en état de mort cérébrale. C'était une déclaration très regrettable. Macron est actuellement l'un des leaders les plus actifs au sein de l'OTAN. Il déploie beaucoup d'efforts."
- La présidence tournante de l’UE, une aubaine au départ, un raté à l’arrivée
Il y a encore quelques mois de cela, le Président français devait avoir le sourire jusqu’aux oreilles quand il se regardait devant une glace le matin en se rasant, en pensant qu’il allait aborder l’élection présidentielle en siégeant sur le trône de l’Europe.
Effectivement, en 2021, cette situation aurait pu sembler à un véritable avantage pour le président sortant candidat à sa propre réélection. Quelques sommets et réunions bien orchestrés, quelques annonces pleines de promesses, et hop, l’image de l’homme d’État leader de l’UE dans la poche ! Oui, sauf que Poutine est passé par là !
Emmanuel Macron a bien essayé de s’imposer quand même, multipliant les appels téléphoniques avec le Président russe pour tenter de le convaincre de mettre fin à la guerre. Mais en vain. Comment le leader d’un pays de l’OTAN, qui applique avec la plus grande fermeté les sanctions américaines et celles de l’OTAN et de l’UE, peut-il parvenir à convaincre le leader du pays contre qui toutes ces sanctions sont prises ?
Tous les efforts de Macron n’auront donc pas su atteindre les objectifs, même s’ils ont le mérite d’avoir existé.
Par ailleurs, ce contexte gravissime a chamboulé tous les calculs de Macron, qui voulait aussi relancer le couple franco-allemand, en perte de vitesse depuis quelques temps. L’arrivée d’un nouveau chancelier outre-Rhin, Olaf Scholz, semblait être une bonne opportunité cependant.
Mais voilà, les choses n’évoluent pas toujours comme souhaité, et Emmanuel Macron l’aura bien compris une nouvelle fois.
Il voulait survoler la campagne, d’abord en annonçant sa candidature le dernier jour, puis en refusant de débattre avec les autres candidats et enfin en s’affichant « patron de l’Europe ».
Aujourd’hui, il doit jongler avec Poutine, la guerre en Ukraine, les retombées économiques qui risquent d’être très lourdes pour tout un chacun, et la nécessité de revenir vers les Français pour les rassurer et leur proposer un programme qui saura répondre à tous ces défis : pas sûr qu’il s’y était vraiment préparé.
* Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que leur auteur et ne reflètent pas forcément la ligne éditoriale de l'Agence Anadolu.