L'Accord sino-iranien changera-t-il la carte d'influence au Moyen-Orient (Analyse)
Istanbul
AA / Istanbul / Ihsen Fékih
Un état d'inquiétude prévaut chez les pays concernés par l'inhibition de l’influence de Téhéran, qui va crescendo dans la région du Moyen-Orient, en raison, notamment, de l’hésitation de la nouvelle Administration américaine dans son traitement avec les menaces iraniennes.
Les Etats-Unis s’orientent à renforcer la présence de leurs troupes pour faire face aux supposées menaces russes, chinoises et nord-coréennes.
Le président américain, Joe Biden, selon une déclaration diffusée par la Maison Blanche, à la mi-mars dernier, pense toujours que les agissements de l'Iran constituent une menace pour Washington, et que Téhéran poursuit le processus de développement des missiles balistiques et d'autres armes conventionnelles, ainsi que le soutien aux groupes terroristes au Moyen-Orient et dans le monde.
L’Iran tente, de son côté, d'imposer son approche pour accepter le retour à la table des négociations autour de son dossier nucléaire, au moment où l'Administration américaine vise à élargir les négociations pour qu'elles englobent également les missiles balistiques et l'influence de Téhéran dans la région.
Ce point est rejeté en bloc par l'Iran qui considère la levée des sanctions comme un préalable indiscutable avant la reprise des pourparlers avec le groupe de travail mixte, d’où s’étaient retirés les Etats-Unis au mois de mai 2018.
L'Iran fait face à une série de défis, en raison des retombées des sanctions économiques américaines et du partenariat développé entre les Etats-Unis, certains pays Golfe et Israël, pour contrer les menaces iraniennes et endiguer l'influence de Téhéran en Irak, en Syrie, au Yémen et au Liban.
Retrait américain de la région
Le journal « The Wall Street Journal » a rapporté, récemment, en citant des responsables américains, que « le Pentagone examine des options supplémentaires pour réduire la présence militaire américaine dans la région du Moyen-Orient, après le retrait d’au moins trois batteries de systèmes de défense aérienne « Patriot », dont une de la base aérienne « Le Prince Soltan » en Arabie Saoudite, sans pour autant l'annoncer.
Le Pentagone a examiné, aussi, le retrait de drones et de systèmes anti-missiles qui pourraient être redéployés dans d'autres régions, dans une mesure dirigée contre, ce qui est considéré par les responsables américains, comme les grands adversaires des Etats-Unis, au niveau du monde, y compris la Chine et la Russie.
Les observateurs estiment que ces mesures sont le prélude pour le retrait de milliers de soldats américains de la région du Moyen-Orient, après une réduction progressive de leur déploiement, qui est passé de 90 mille soldats, sous le mandat de l'ancien président Donald Trump, à quelque 50 mille éléments actuellement.
Le changement constaté dans le rôle des Etats-Unis dans la région pourrait inciter certains pays, tels que l'Arabie Saoudite, à revoir leurs relations avec l'Iran, pour les promouvoir au niveau du partenariat, selon des déclarations faites par le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Fayçal Ben Farhan, au cours d'une interview accordée au réseau d'information américain « CNN ».
Le ministre répondait à une question portant sur les chances de lancer un dialogue entre le royaume et l'Iran ainsi que sur la possibilité d’élever les relations entre les deux pays du Golfe au niveau de partenariat.
Ben Farhan a demandé à l'Iran de réduire les appréhensions et craintes régionales de Riyad, de telle nature à « ne pas seulement ouvrir la porte au rapprochement, mais au partenariat ».
L'accord de partenariat sino-iranien
Le retrait américain coïncide avec l'éventualité du renforcement par l’Iran de son influence dans la région, de manière plus étendue, après la signature d'un Accord de partenariat économique à long terme avec la Chine, au mois de mars dernier.
L'Accord en question suscite l'inquiétude des Etats-Unis, d'Israël et de plusieurs pays du Golfe, tels que l'Arabie Saoudite et les Emirats, dans la mesure où la convention pourrait bien libérer davantage des fonds financiers que l'Iran utiliserait pour soutenir ses forces alliées, établies en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen et qui constituent selon Washington et ses appuis une menace pesant sur la sécurité de la région ainsi que sur celle d'Israël et des Etats-Unis.
Certains observateurs estiment, de leur côté, que l'Accord signé avec la Chine pourrait accorder à l'Iran des capacités suffisantes, à même de renforcer son potentiel économique pour faire face aux retombées des sanctions américaines imposées par le président sortant Donald Trump, de même que Téhéran s'attachera davantage au retour à l'Accord sur le dossier nucléaire, en contrepartie de la levée préalable des sanctions infligées par Washington.
L'accord sino-iranien contribuera, également, à endiguer le pression interne en Iran, générée par la baisse du niveau de vie et la crise économique aiguë, qui ont suscité des protestations populaires majeures.
Il se dégage des articles de l'Accord de partenariat économique entre la Chine et l'Iran, signé entre les deux pays au mois de mars dernier, que quelque 400 milliards de dollars seront injectés par la Chine pour rendre efficace un plan de développement à long terme, qui touchera l'ensemble des secteurs économiques iraniens, au premier rang desquels figure celui de l'énergie.
Les journaux américains avaient publié, durant l'automne dernier, le draft de l'Accord entre Pékin et Téhéran, lequel comprend des investissements chinois, pour une durée de 25 ans, avec un volume de 400 milliards de dollars dans plusieurs secteurs, tels que les secteurs bancaire, ferroviaire, sanitaire, des technologies de l'information ainsi que de l'énergie, en contrepartie d'approvisionnements en pétrole iranien, à des tarifs préférentiels et à des prix extrêmement bas.
L'accord a été conclu au terme de consultations menées entre Pékin et Téhéran, pendant 5 ans, après la visite effectuée, en 2016, en Iran par le président chinois Xi Jinping.
Les relations entre la Chine et l'Iran
Depuis l'année 2005, l'Iran et la Chine ont signé cet Accord en vertu duquel des investissements de Pékin seront injectés dans les secteurs de la production pétrolière iranienne par des compagnies chinoises, propriété de l'Etat.
Les relations diplomatiques entre la Chine et l'Iran remontent à 1971. Il s'agit de relations fondées sur la satisfaction de certains besoins pétroliers de Pékin et sur la position chinoise qui rejette l'isolement de l'Iran par la Communauté internationale.
Le volume des échanges commerciaux entre les deux pays s'élevait, en 2016, à 31 milliards de dollars. Ce volume a baissé à moins de 20 milliards de dollars, à la fin de l'année 2020, à cause, essentiellement, des sanctions américaines infligées à l'Iran et à toutes les entreprises qui traitent avec ce pays, selon des déclarations faites, le 26 mars dernier, par le président de la chambre de commerce Iran-Chine, Majid Reza Hariri.
Il est attendu que le volume des échanges commerciaux entre les deux pays s’accroîtra après la signature d'un Accord de partenariat économique et l'accélération du rythme de coordination entre les deux capitales pour faire face aux Etats-Unis et à leurs alliés dans la région et dans le sud-est asiatique.
Le devenir de l'accord de partenariat
L'Accord de partenariat sino-iranien renforcera la présence de Pékin dans les zones d'influence iranienne et sur les rives de la Méditerranée, ainsi qu'en Syrie et en Irak, après l'adoption par l'Administration américaine d’une politique de retrait progressif de la région et de l'Afghanistan.
Il est attendu que l'Accord de partenariat économique contribuera à l’élargissement de l'initiative de « La Ceinture et la Route » pour englober la région du Golfe, l'Irak et la Syrie, et pour la transformation de Damas en principal centre commercial entre l'Iran, la Turquie et l'Irak, dans le cadre d'un partenariat futur, qui pourrait être considéré par les Etats-Unis comme étant une menace pesant sur leurs intérêts et leur influence dans une région d'une grande importance stratégique.
L'Accord de partenariat économique reflète le développement et la densité des relations entre la Chine et l'Iran, aux niveaux économique et commercial, à travers des investissements gigantesques de Pékin dans l'infrastructure énergétique et dans les industries pétrochimiques, ainsi qu’à travers le renforcement, de manière claire et franche, du rôle iranien dans l'Initiative chinoise « La Ceinture et Route », qui représente une source d'inquiétude pour les Etats-Unis et les pays de l'OTAN.
L'Accord sino-iranien pourrait constituer un solide axe qui comprendra l'Iran, la Chine et la Russie et qui sera de nature à consolider le rôle et l'influence de Téhéran dans la région et en Afghanistan, ainsi que la capacité de ce pays à faire face aux pressions américaines dans les négociations sur son dossier nucléaire.
De même, cela pourrait satisfaire une partie des ambitions croissantes et grandissante de la Chine, qui tend à renforcer son rôle dans la région du Moyen-Orient, en utilisant au mieux la position géostratégique de l'Iran.
Dans le contexte général des relations trilatérales entre l'Iran, la Chine et la Russie, des pays qui sont considérés comme étant « ennemis » ou concurrents des Etats-Unis, les observateurs estiment que de probables changements seront opérés dans un avenir proche, sur la carte d'influence de la région arabe, en faveur de ces trois pays et au détriment de Washington.
Cela est motivé par le fait que le rôle de Washington dans la région du Moyen-Orient se rétrécit désormais, selon les politiques de la nouvelle Administration qui s'orientent à ne plus accorder la priorité à la région du Moyen-Orient sur la liste des priorités de la politique étrangère américaine.
*Traduit de l'arabe par Hatem Kattou
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