L'économie libyenne a-t-elle vraiment reçu une « balle dans la tête » ? (Analyse)
-L’économie libyenne a perdu 180 milliards de dollars depuis 2013 et le taux d’endettement a atteint 270% du PIB alors que les revenus pétroliers sont quasiment nuls en 2020

Libyan
AA / Istanbul
« Une balle dans la tête », c’est ainsi que le gouverneur de la Banque centrale de Libye, Seddik al-Kabir, a qualifié les dégâts causés à l’économie du pays, par le blocage du secteur pétrolier par les milices du général putschiste à la retraite, Khalifa Haftar, et auparavant par les milices de Ibrahim Hadhran.
Ce sont quelques 180 milliards de dollars perdus par la Libye au cours des sept dernières années à cause du blocage du secteur pétrolier pour en faire une monnaie d’échange et de chantage financier et politique, générant un seuil record de la dette publique, qui a dépassé les 270% du Produit intérieur brut (PIB).
Généralement, le taux de la dette publique ne devrait représenter que 70% du PIB, alors parler de 270%, cela laisse présager l’ampleur de la catastrophe économique que subit le peuple libyen.
A titre d’exemple, ce taux est de 70% en Tunisie en 2018, en Egypte 80% et au Liban les 150%.
Le gouverneur de la Banque centrale libyenne a considéré, au cours d’une audition, mardi, au siège du Parlement libyen, dans la capitale Tripoli, que cette situation « aboutira à l’effondrement de la stabilité financière et monétaire de l’Etat ».
Le budget de l’Etat libyen, qui est tributaire, à hauteur de 95%, des revenus pétroliers, souffre désormais d’un déficit chronique, après que les revenus pétroliers se sont approchés de zéro, au moment où ces revenus s’élèveraient à 53 milliards de dollars en 2012, selon al-Kabir.
Cette situation a provoqué une récession de l’économie du pays (PIB) de 55%, selon les chiffres présentés par le gouverneur.
L’attaque lancée par les milices de Haftar sur Tripoli, le 4 avril 2019, et le blocage des champs et des puits pétroliers ont joué un rôle essentiel dans l’état actuel de l Économie du pays qui est au bord de la banqueroute et de l’effondrement.
En dépit de la réouverture par Haftar du secteur pétrolier, le 18 septembre dernier, sous la pression populaire et de la Communauté internationale, il n’en demeure pas moins que le gouverneur de la Banque centrale a mis l’accent sur la nécessité à ce que la production pétrolière atteigne les 1,7 millions de baril par jour pour couvrir uniquement les dépenses de gestion essentielles.
En effet, 99% du budget de l’Etat est dépensé dans la consommation, tandis que les dépenses du titre II (développement et investissements) ne bénéficient que de 1% du budget.
Cela reflète l’incapacité de l’Etat à fournir les besoins essentiels des citoyens sans parler de l’investissement en infrastructure et en développement des zones urbaines et rurales.
Cette situation explique les violentes manifestations qui ont eu lieu dans les différentes régions du pays, aussi bien dans l’est que dans l’ouest, après l’effondrement du réseau électrique et les interruptions répétées pour de longues heures, en plus de la cherté de la vie et de la propagation de la corruption, ce qui a contraint de nombreuses familles, en particulier celles aisées, à émigrer à l’étranger à la recherche de meilleures opportunités pour vivre en paix.
** Haftar a obtenu un prêt de milliards de dollars sous la pression
Parmi les plus graves accusations portées par le gouverneur de la Banque centrale aux milices de Haftar figure celle d’avoir exercé des pressions sur des succursales de banques commerciales dans l’est du pays et d’être intervenu dans la gestion de leurs activités.
A titre d’exemple, a expliqué al-Kabir, le prêt d’une valeur de six milliards de dinars libyens (4,4 milliards USD) obtenu directement par les milices de Haftar auprès de la Banque du Commerce et du Développement.
Cela confirme le rôle joué par les banques de l’est du Pays pour assurer la liquidité à Haftar afin de mener son attaque sur Tripoli et les différentes régions ouest du pays.
Par contre, le gouverneur de la Banque centrale dans l’est, Ali Jabri a démenti le financement par les banques commerciales des guerres menées par les milices de Haftar, tout en concédant avoir fait fonctionner la planche à billets.
La création monétaire faite en Russie, œuvre de la Banque centrale « parallèle », située dans la ville d’al-Baidha (est), a atteint les 15 milliards de dinars libyens (11 milliards USD), selon al-Kabir.
Les opérations d'impression de monnaie par Haftar en Russie ont été révélées après que Malte ait réussi, en septembre 2019, à saisir deux conteneurs remplis de fonds imprimés, qui étaient destinées vers l'est de la Libye pour financer les milices de Haftar et le gouvernement parallèle de Abdallah al-Théni.
Al-Kabir a dévoilé un autre point, qui était inconnu, celui lié à la création par la Banque centrale parallèle d’un « Système bancaire et de compensation manuel », qui a conduit à une augmentation des soldes bancaires auprès de la Banque centrale, tout en violant la loi.
Ainsi, ces soldes ont atteint 43 milliards de dinars libyens (31,6 milliards USD) que les banques ne peuvent plus utiliser pour honorer les obligations de leurs clients.
Le tableau dressé par le gouverneur de la Banque centrale à la Chambre des députés à Tripoli est "particulièrement sombre", dès lors que les guerres, enclenchées depuis 2014 par Haftar ont provoqué la détérioration de la situation sécuritaire et économique, à telle enseigne que cela a dépassé la capacité des Libyens à supporter.
Cependant, « une situation ne peut être résolue que si elle devient inextricable ». En effet, cette crise pourrait représenter une opportunité pour faire converger les positions et points de vue entre l'est et l'ouest du pays, vers l'unification des institutions régaliennes et mettre un terme à la scission afin de reconstruire l'économie du pays, en reprenant la production du pétrole,
Bien que le secteur pétrolier se redresse lentement, en particulier avec la poursuite du contrôle par les mercenaires de la compagnie russe Wagner des champs et des ports pétrolifères, de nature à entraver la reprise complète de la production du pétrole et à sa pleine capacité.
*Traduit de l'arabe par Hatem Kattou
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