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Emirats Arabes Unis : Un pont pour Israël et un mandataire de renseignement des Américains (Analyse)

-L'armée émiratie est la seule force arabe qui a participé à l'occupation américaine de l'Afghanistan en 2001

Diana Shalhoub -  | 05.12.2020 - Mıse À Jour : 05.12.2020
Emirats Arabes Unis : Un pont pour Israël et un mandataire de renseignement des Américains (Analyse)

Istanbul

AA / Istanbul 

La signature par les Emirats d'un accord de coopération militaire avec les Etats-Unis, en 1994, représente un moment fort et une date décisive dans les efforts entrepris par ce pays arabe pour accroître son activité militaire dans la région.

Cet accord s'est renforcé au cours des dernières années, en témoignent plusieurs événements régionaux qui ont eu lieu, en particulier, les activités menées par les Emirats en Afghanistan et les calculs stratégiques dans l’accomplissement de ses missions.

Les Emirats sont le plus grand exportateur d'armes au Moyen-Orient, mais faute de disposer des ressources et des capacités humaines suffisantes pour activer et utiliser ces armes, ce pays a recours à l’enrôlement au sein de son armée de soldats en provenance du Pakistan, de la Colombie et de la Jordanie.

En dépit de cela, les Emirats avaient participé, en 2001, à l'occupation américaine de l'Afghanistan et ont joué un rôle actif, tout au long de la période de l'occupation, en fournissant à leurs alliés de nombreux chasseurs de type F-16.

Notons que la superficie et la population des Emirats ne représentent, respectivement, que le huitième et le dixième de celles de l'Afghanistan.


- Activités expansionnistes

Avant les événements du 11 septembre, les Emirats ne considéraient pas le Mouvement des Talibans qui contrôlaient l’Afghanistan comme étant une menace et ce, malgré l'accueil par le Régime des Talibans des dirigeants de l'organisation d'Al-Qaïda.

En effet, les Emirats, l'Arabie saoudite et le Pakistan considéraient ce Mouvement comme étant le représentant légal de l'Afghanistan, durant la période s'étalant de 1996 à 2001.

Après les attaques du 11 septembre, les Emirats ont ouvert leurs équipements et installations militaires aux Etats-Unis et à leurs alliés pour les utiliser dans les opérations menées contre l'Afghanistan. 

L'armée émiratie était la seule force arabe présente en Afghanistan, et après la chute du Mouvement des Talibans, Abou Dhabi a poursuivi sa coopération dissimulée avec l’OTAN et a continué à mener la mission que dirigeaient les Etats-Unis en Afghanistan. 

Une force émiratie composée de 250 soldats est déployée, sur décision du prince-héritier de Abu Dhabi, Mohammed Ben Zayed, dans les villages et les banlieues pauvres de la province de Orozgân en Afghanistan, depuis 2003 jusqu’à aujourd'hui. 

Par moments, cette force procède à un défilé militaire moyennant des chars fabriqués au Brésil et en Afrique du SUD. De plus, les forces émiraties s'emploient à toucher la fibre religieuse des habitants, à travers la remise, à titre gracieux, d’exemplaires du Noble Coran, afin de dissiper les doutes du peuple afghan à l'endroit des forces de l'OTAN. 

A la suite de la signature d’un Accord de partenariat stratégique avec l'Afghanistan, au mois de janvier 2015, les Emirats ont étendu leurs plans, 

Les Emirats ont tenté, également, d'accroître leur influence en Afghanistan après la réouverture de leur ambassade, dans la capitale Kaboul, en février 2018. 

De plus, la construction d'unités d'habitation et l'aménagement d'écoles religieuses se sont poursuivis, en allouant des fonds d’une valeur de 180 millions de dollars USD, en particulier dans les provinces australes de l'Afghanistan, dans l'objectif de renforcer l'influence et le pouvoir des Emirats dans le pays. 

Après cela, l'ambassadeur des Emirats à Kaboul, Jomaa Mohamed Kaabi a subi, lors de sa visite dans certaines provinces afghanes, au mois de février 2017, une attaque à Kandahar, qui lui a coûté la vie ainsi que celle de cinq diplomates parmi ses compatriotes. 

Les Emirats ont diligenté, avec l'aide de la police britannique, une enquête globale au sujet de cette explosion, mais les résultats de ces investigations n'ont pas été dévoilés aux médias. Les Emirats ont, ensuite, suspendu leurs activités en Afghanistan, pendant neuf mois, avant de les reprendre à nouveau.


- Hostilité envers le Qatar 

Si l'on examine les pays de la région du Golfe en général, nous constatons que les Emirats soutiennent toujours l'Arabie Saoudite, tout en s’employant à engager ce pays dans une position hostile au Qatar, au vu de sa volonté de l'affaiblir, aussi bien en temps de paix que de conflit. 

Abou Dhabi a tenté de jouer un rôle axial, au nom de Ryad, dans les pourparlers de paix entre le Mouvement des Talibans et le gouvernement afghan, et c'est dans cette optique qu’une attaque médiatique des plus acharnées a été lancée contre le Qatar, tout en exerçant une pression politique à l’encontre de ce pays. 

Malgré cela, et à l’encontre des desiderata émiratis, les pourparlers entre le gouvernement afghan et le Mouvement des Talibans se sont déroulés, sous les auspices du Qatar, dans la capitale Doha, qui continue d’accueillir le Bureau politique du Mouvement des Talibans. 

D'autre part, le président afghan, Ashraf Ghani, a adopté une approche différente de celle de son prédécesseur Hamid Karazai, en s’employant à fonder des relations stratégiques avec les pays arabes, notamment, avec l'Arabie Saoudite, le Qatar et les Emirats. 

En résultat de ces politiques, il a été constaté une augmentation des activités de ces trois pays en Afghanistan, au cours des dernières années. 

Actuellement, l'Afghanistan et les Emirats sont deux alliés stratégiques sur le papier uniquement, dès lors que le gouvernement afghan a signé une série d’accords similaires avec d'autres pays, mais n'en a pas tiré profit sur le terrain.

Il est possible d'avancer que les Emirats ont saisi l’existence d’un vide économique et culturel en Afghanistan et se sont employés à l’exploiter, à travers le renforcement de leur influence dans ce pays. 


- Un mandataire de renseignement 

Au mois d'octobre 2020, le gouvernement afghan a accordé à des compagnies émiraties la gestion des opérations et des prestations de sécurité dans les aéroports de Kaboul, de Kandahar, de Herat et de Balkh. 

Un journal afghan a rapporté que 90 soldats israéliens, qui maîtrisent la langue arabe, seront envoyés en Afghanistan sous la protection des forces émiraties. 

Il se dégage donc de l'intérêt porté par les Emirats aux prestations sécuritaires, au sein des aéroports, parallèlement à ces informations, que les activités d’Abou Dhabi en Afghanistan portent des dimensions sécuritaires et politiques, autres qu'économiques. 

Toute coopération susceptible d'être engagée entre les Emirats et l'Afghanistan, en particulier s’agissant de la mise en fonction des aéroports, doit être traitée, au cours d'une première phase, à l’aune de cet angle sécuritaire et politique.

Alors que les Etats-Unis planifient de quitter l'Afghanistan et de retirer leurs bases militaires des aéroports de ce pays, les Emirats continuent d’êtres présents sur place, ce qui pourrait être interprété comme étant la poursuite de l'accomplissement du rôle qui est le leur en tant que mandataire de renseignement agissant par procuration pour leurs alliés. 

Il est probable que les Emirats coopèreraient avec Israël, à qui les activités de l'Iran en Afghanistan seront transmises. 

En dépit de la détérioration des relations entre les Emirats et les Talibans, depuis la chute de « l'émirat islamique d'Afghanistan », en 2001, il n'en demeure pas moins que les Emirats souhaitent actuellement abriter un Bureau des Talibans sur leur sol, élément qui peut être interprété comme étant une indication de la stratégie qu’adoptera ce pays à l'endroit de l’Afghanistan.

Pour éviter de porter atteinte à leurs intérêts économiques, il est probable que les Emirats prendraient, au cours des prochaines années, des mesures diplomatiques positives envers les Talibans. 

Les mesures prises par les Emirats et les pays de la région en direction de l'Afghanistan, au cours des dernières années, peuvent être expliquées comme étant une volonté de gouvernants des pays du Golfe de jouer un rôle de premier plan dans les pourparlers de paix en cours entre les protagonistes afghans.

Cependant, il faut préciser que ces efforts émanent plus de la concurrence qui existe entre ces pays, que de l'intérêt que portent les Etats du Golfe à l'avenir de l'Afghanistan.


*Traduit de l’Arabe par Hatem Kattou

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