
Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
Le recours à l'article 49.3 par Michel Barnier, lundi 2 décembre, pour faire passer le budget 2025 de la Sécurité sociale, a mis le Gouvernement français en grand danger de censure, suscitant des interrogations sur les répercussions politiques et économiques potentielles. Les investisseurs, observant la situation avec prudence, craignent des conséquences à long terme sur la stabilité économique et politique du pays.
- Taux d’emprunt sous pression
Dès l’annonce de Michel Barnier, l’écart entre les taux d’emprunt de la France et de l’Allemagne s’est significativement creusé. Actuellement, la France emprunte à 2,92 % sur dix ans, contre 2,04 % pour son voisin d’outre-Rhin. Un écart de 0,88 point de pourcentage, lourd de conséquences : chaque point de différence représente un coût supplémentaire de trois milliards d’euros par an pour le remboursement de la dette. Sur dix ans, cela équivaut à 30 milliards d’euros supplémentaires, un fardeau difficilement soutenable sans une réduction massive des dépenses publiques.
Ce fossé croissant entre Paris et Berlin illustre les inquiétudes des marchés face à une instabilité politique potentielle. Une censure du gouvernement Barnier, qui entraînerait sa démission, pourrait en effet exacerber ces tensions. En l’absence d’un nouveau budget pour 2025, l’État devrait fonctionner avec une reconduction des crédits actuels, un scénario loin d’être optimal dans le contexte inflationniste actuel.
- Un spectre politique pesant sur les marchés
L’opposition, menée par La France insoumise (LFI) et le Rassemblement national (RN), semble déterminée à unir ses forces contre le gouvernement. Si l’une des deux motions de censure obtient les 288 voix nécessaires mercredi, le gouvernement Barnier, le plus court de la Ve République, tombera.
Marine Le Pen a affirmé que son groupe soutiendrait la motion de gauche, dénonçant l’impact social du budget. Cependant, le RN a ajouté une condition : le renoncement à la désindexation des retraites. Cette exigence, bien qu’irréalisable dans l’état actuel du projet de loi, renforce l’idée que la chute du gouvernement est imminente.
- Les marchés dans l’attente, mais pas sans risques
Alors que certains analystes espèrent que les institutions de la Ve République, grâce à leurs garde-fous, limiteront les impacts d’une crise politique, d’autres redoutent des répercussions plus durables. Une paralysie politique pourrait accentuer la méfiance des investisseurs internationaux et alourdir davantage le coût de financement de la dette française. "Les marchés détestent l’incertitude. Une crise politique prolongée, couplée à un endettement record, est une combinaison toxique", prévient un expert financier.
Si la France ne connaît pas de "shutdown" comme aux États-Unis, l’absence de budget révisé pour 2025 aurait des répercussions concrètes : une pression fiscale accrue pour certains ménages en raison de l’absence d’ajustement à l’inflation, et des coupes automatiques dans certaines dépenses publiques.
- Une tempête annoncée ?
Michel Barnier, dans une récente intervention télévisée, a averti d’une "tempête" sur les marchés financiers en cas de censure. Ses opposants, notamment LFI, ont raillé ses propos, parlant d’un "shutdown imaginaire". Mais les chiffres sèment le doute : avec une dette publique à 112 % du PIB et un déficit prévisionnel de 6,1 %, la marge de manœuvre budgétaire est quasi inexistante, selon les critères des marchés financiers. Une crise politique pourrait suffire à enclencher une spirale financière dangereuse.
- Un avenir incertain
À court terme, les regards restent braqués sur le vote de mercredi. Mais les implications vont bien au-delà : la question n’est pas seulement celle de la survie du gouvernement Barnier, mais aussi de la capacité de la France à maintenir la confiance des investisseurs dans un contexte de fragilité économique et de polarisation politique extrême.
Alors que les spéculations vont bon train, un constat s’impose : la stabilité politique et la crédibilité financière sont devenues les deux faces d’une même médaille, et l’une ne peut plus aller sans l’autre.