Analyse

Covid long… la face cachée de la pandémie

- À ce jour, rares sont les études qui permettent de déterminer quels sont les symptômes les plus courants du Covid long ou leur durée.

Fatma Bendhaou  | 04.03.2021 - Mıse À Jour : 06.03.2021
Covid long… la face cachée de la pandémie

Tunisia


AA/Tunis

Avec 2.5 millions de victimes et 115.7 millions de cas de contamination confirmés dans le monde depuis maintenant plus d’un an, la Covid-19 s’est macabrement installée dans notre quotidien, mettant à nu les maux dont souffre l’humanité en ce début de XXIème siècle.

Les bilans de la maladie, qui font état d’une aggravation préoccupante, la rapidité de sa progression et les mutations du virus occupent la communauté scientifique. D’aucuns affirment même que cela se fait au détriment d’autres maladies plus mortifères. Le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC), agence spécialisée de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la recherche sur le cancer, a par exemple rapporté, le 15 décembre dernier, que quelque 19,3 millions de nouveaux cas de cancers ont été diagnostiqués dans le monde en 2020 et 10 millions de décès des suites de cette maladie ont été enregistrés.

Il faut dire que si le cancer est une des plus graves maladies dont l’homme est victime de nos jours, il ne met pas en danger l’entièreté de l’humanité, non seulement sur le plan sanitaire, mais surtout sur le plan économique.

Dans sa dernière édition semestrielle des Perspectives économiques mondiales, la Banque mondiale indique que « le choc massif et brutal produit par la pandémie de coronavirus (Covid-19) et par les mesures d’arrêt de l’activité prises pour l’enrayer plonge l’économie mondiale dans une grave récession ». Selon les prévisions de la Banque mondiale, « le PIB mondial diminuera de 5,2 % cette année, ce qui représente la plus forte récession planétaire depuis la Seconde Guerre mondiale ».

La Banque mondiale a prévu plusieurs scénarios relatifs à la crise économique liée à la pandémie. Le premier, optimiste, table sur « un reflux de la pandémie permettant la levée des restrictions nationales d’ici le milieu de l’année, sur un amenuisement de ses répercussions négatives dans le monde dans la deuxième moitié de l’année, ainsi que sur un rétablissement rapide des marchés financiers » et prévoit en conséquence « un rebond mondial à 4,2 % en 2021, avec un taux de croissance de 3,9 % dans les économies avancées et de 4,6 % dans les économies de marché émergentes et en développement ».

Ces estimations sont toutefois tempérées, la Banque mondiale ajoutant dans son rapport que « les perspectives sont très incertaines, et dominées par des risques de détérioration, avec notamment l’hypothèse d’une pandémie plus longue qu’anticipé. (…) Selon un scénario plus pessimiste, l’économie pourrait chuter de 8 % au niveau mondial cette année, et de près de 5 % dans les économies émergentes et en développement, tandis que la reprise mondiale se limiterait à juste un peu plus de 1 % en 2021 ».

A ces risques de détérioration, évoqués par la Banque mondiale, s’ajoute le problème des inégalités Nord-Sud en termes d’approvisionnement en vaccins, relevé en ces termes par le Secrétaire Général des Nations unies, Antonio Guterres : "Il existe une disparité injuste dans l’administration des vaccins contre le virus. Dix pays seulement accaparent 75% de tous les vaccins anti-Covid-19, tandis que plus de 130 pays n'ont pas reçu une seule dose".

Guterres a ainsi rappelé que "le coronavirus poursuit sa propagation sans pitié dans le monde entier (...) et l'égalité d'accès aux vaccins est la plus grande épreuve morale de la communauté internationale".

Mais si le salut des économies du monde est tributaire d’un reflux de la pandémie, tel qu’indiqué par la Banque mondiale, le rapport de l’institution internationale souligne que « l’hypothèse d’une pandémie plus longue qu’anticipé » pourrait mener à une détérioration de la situation économique à l’échelle internationale.


- Le Covid long est-il synonyme de pandémie plus longue ?

Alors que les symptômes de la Covid-19 disparaissent chez la majorité des patients après quelques semaines, certains souffrent à long terme des effets de l'infection.

Cette nouvelle affection, baptisée « Covid long », désigne les personnes qui éprouvent encore des symptômes persistants de la maladie plus de douze semaines après avoir été testées positives. Affectant près d'une personne positive au coronavirus sur cinq, les implications et les conséquences de ce syndrome représentent un problème de santé mondial de plus en plus préoccupant.

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), certaines personnes peuvent ressentir les effets à long terme de la Covid-19, qu'elles aient dû être hospitalisées ou non. Ces effets à long terme peuvent comprendre de la fatigue, des symptômes respiratoires et neurologiques.

Au Royaume-Uni, le Collège royal des médecins généralistes (RCGP) et le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) utilisent les classifications cliniques suivantes pour distinguer l'infection et la maladie initiales à différents moments :

Covid-19 aigu : Symptômes qui durent jusqu'à 4 semaines.

Covid-19 chronique : Symptômes qui durent entre 4 et 12 semaines.

Syndrome post-Covid-19 : Symptômes qui apparaissent pendant ou après l'infection par le coronavirus, qui durent plus de 12 semaines et qui ne s'expliquent pas par un diagnostic différent.


- Quid des symptômes du « Covid long » ?

Selon la professeure d'épidémiologie génomique au King's College de Londres, Frances MK Williams, « Le Covid-long se caractérise par un ensemble de symptômes, dont l'essoufflement, une fatigue marquée, des maux de tête et la perte de la capacité à goûter et à sentir normalement ».

Evoquant l’étude « Caractéristiques et indicateurs du Covid long » dont elle est co-auteure, Frances MK Williams précise que c’est « une étude portant sur 384 personnes suffisamment malades pour être admises à l'hôpital avec la Covid-19, (et qui a) montré que 53 % restaient essoufflées lors d'une évaluation de suivi un à deux mois plus tard. Parmi elles, 34 % toussaient et 69 % se déclaraient fatiguées », ajoute-t-elle.

Pour Anthony Komaroff, professeur de médecine à la Harvard Medical School, « les symptômes les plus courants sont la fatigue, les courbatures, l'essoufflement, les difficultés de concentration, l'incapacité à faire de l'exercice, les maux de tête et les troubles du sommeil ». Il ajoute dans son article « La tragédie du Covid-long », publié sur le ‘Harvard Health Blog’ que la « Covid-19 étant une nouvelle maladie apparue pour la première fois en décembre 2019, nous n'avons aucune information sur les taux de guérison à long terme ».

Pour le Dr Komaroff, le Covid long pourrait être assimilable au syndrome de fatigue chronique (SFC). Il cite en effet le Dr Anthony Fauci, immunologue et directeur de l'Institut national des allergies et des maladies infectieuses (centre de recherche du département américain de la Santé), qui a émis l'hypothèse que le Covid long est probablement identique ou très similaire à l'encéphalomyélite myalgique / syndrome de fatigue chronique (EM / SFC).

Et le professeur de médecine à la Harvard Medical School d’ajouter que « l'EM / SFC peut être déclenché par d'autres maladies infectieuses - telles que la mononucléose, la maladie de Lyme ou le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), une autre maladie à coronavirus ».

La conclusion du Dr Komaroff porte à croire que le Covid long est là pour durer, puisqu’il déclare que : « avant la pandémie, la National Academy of Medicine estimait que pas moins de 2,5 millions de personnes aux États-Unis vivent avec l'EM / SFC (…) la pandémie pourrait bien doubler ce nombre l'année prochaine ».

Le Dr Fauci déclarait, lors d’une conférence de presse tenue le 24 février à la Maison Blanche, que « de nouvelles données suggèrent que les personnes atteintes de la Covid-19 peuvent continuer à souffrir de symptômes jusqu’à neuf mois après l’infection initiale ». Il a ainsi ajouté que les symptômes du Covid long, que les chercheurs nomment désormais « séquelles post-aiguës de Covid-19 », ou « PASC », peuvent se développer «bien après» une infection, et leur gravité peut aller de légère à «incapacitante».


- Les études n’en sont qu’à leurs balbutiements

À ce jour, rares sont les études qui permettent de déterminer quels sont les symptômes les plus courants du Covid long ou leur durée. La communauté scientifique mondiale ne cesse, cela dit, de tenter de déchiffrer les codes de cette « maladie dans la maladie ».

En Chine, « berceau » de la pandémie, une étude de chercheurs chinois, publiée dans la revue médicale britannique The Lancet, le 8 janvier 2021, a porté sur 1 733 patients sortis de l'hôpital Jin Yin-tan de Wuhan entre le 7 janvier et le 29 mai 2020, après y avoir été hospitalisés en raison de la Covid-19.

Selon cette étude, plus de six mois en moyenne après l'apparition des symptômes de la Covid-19, 76% de ces anciens patients présentaient encore au moins un symptôme, 63% d’entre eux se plaignaient de fatigue ou de faiblesse musculaire, 26% de troubles du sommeil, 27% disaient éprouver encore des douleurs, et 23% souffraient d'anxiété ou de dépression.

https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)32656-8/fulltext


En Italie, où le coronavirus a fait près de 99 mille victimes, une étude qui a suivi, 8 semaines après leur sortie, des patients hospitalisés après avoir contracté la Covid-19, a révélé que 87% des patients ont signalé la persistance d'au moins un symptôme, le plus souvent l'essoufflement ou la fatigue.

La recherche sur les attributs et les facteurs de risque du Covid long en est à ses balbutiements, peu de connaissances sont à ce jour disponibles concernant sa prévalence et sa possibilité de prédiction.

En France, plus précisément au centre hospitalier de Tourcoing, une étude est menée sous la houlette du Dr Olivier Robineau afin « de tenter d'identifier les causes de la persistance de symptômes chez certains malades, parfois des mois après la phase aiguë de la maladie ».

Baptisée « Cocolate », pour coordination sur le covid tardif, cette étude vise à « s'étendre progressivement à au moins 20 hôpitaux (…) et suivre quelque 1000 patients ».

L'étude devra définir les symptômes que l'on peut vraiment associer au Covid long, car celui-ci n’a toujours pas « de définition médicale puisqu'on n'a pas encore assez de données épidémiologiques fiables », affirme le Dr Robineau, qui souhaite que cette étude puisse « dégager une image claire de cette maladie polymorphe, (car) les petites études décrivant 50 patients ne suffisent pas », selon son estimation.

Le coordinateur de l’étude « Cocolate » précise à ce propos qu’il est à ce jour impossible de déterminer les séquelles éventuelles du Covid long car selon lui « il ne s’agit pour l’instant que de symptômes persistants. On ne sait pas s’il s’agit de séquelles irréversibles. Cette étude va permettre de comprendre comment les troubles évoluent et s’ils sont amenés à disparaître ».

Le 25 février, le directeur régional pour l'Europe de l'Organisation mondiale de la santé, Hans Kluge, a déclaré que le Covid long, qui affecte mystérieusement un nombre significatif de malades atteints de Covid-19 en proie à des symptômes persistants parfois invalidants, est « une priorité claire pour l'OMS, et de la plus haute importance. Cela doit l'être pour toutes les autorités sanitaires » dans le monde.

Il a ainsi souligné que les patients souffrant de symptômes pendant une longue période « doivent être entendues si nous voulons comprendre les conséquences à long terme et la guérison de la Covid-19 ».

Kluge a affirmé que le « fardeau est réel et significatif », ajoutant que près « d’un malade de la Covid-19 sur dix reste souffrant après 12 semaines, et souvent pour beaucoup plus longtemps ». C’est ainsi que la branche européenne de l’OMS a préconisé la mise en place d’un « programme de recherche commun » aux pays et aux institutions européennes, avec une collecte harmonisée des données et l’adoption d’une « stratégie régionale » pour contrer cette facette de la pandémie.

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