Barrage de la « Renaissance » et frontières : Deux dossiers chauds en attente de l'émissaire américain (Analyse)
- La crise du Barrage est parmi les dossiers les plus complexes sur lesquels va travailler Jeffrey Feltman, parallèlement à la crise frontalière entre Khartoum et Addis Abeba

Sudan
AA / Khartoum / Adel Abderrahim
Les Etats-Unis sont entrés en ligne de compte dans les crises africaines, au premier rang desquelles figurent le Barrage de la « Renaissance », entre l'Egypte, le Soudan et l'Ethiopie, ainsi que le dossier des frontières entre Khartoum et Addis Abeba, en désignant un émissaire spécial pour la région de la Corne de l'Afrique.
La désignation de l'américain Jeffrey Feltman intervient concomitamment avec l'escalade verbale entre les responsables des trois pays au sujet du Barrage éthiopien de la « Renaissance », en l'absence d'accord tripartite.
Il ressort d'un communiqué rendu public, vendredi dernier, par le Secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, que cette nomination confirme « l'engagement de l'Administration Biden à piloter des efforts diplomatiques internationaux pour traiter les crises politiques, sécuritaires et humanitaires interdépendantes dans la Corne de l'Afrique ».
Ce qui suscite particulièrement l'inquiétude, poursuit le communiqué, est « l'escalade et l’accroissement des tensions entre l'Ethiopie et le Soudan et le différend au sujet du grand Barrage éthiopien.
La crise du Barrage est parmi les dossiers les plus complexes sur lesquels va travailler l'émissaire américain, parallèlement à la crise frontalière entre Khartoum et Addis Abeba.
L'expertise de Feltman
Le Département d'Etat américain a ajouté que Feltman avait « occupé par le passé de hautes fonctions au sein de la diplomatie américaine et des Nations Unies et c'est la personne appropriée pour transmettre son expérience de plusieurs décennies en Afrique et au Moyen-Orient en matière de diplomatie multilatérale ».
Feltman avait, notamment, occupé le poste de Directeur des Affaires politiques à l’ONU, entre 2012 et 2018, de même qu'il avait été nommé Secrétaire d'Etat adjoint chargé des Affaires du Moyen-Orient au Département d’Etat. Auparavant, il fut en poste au Liban, de 2004 à 2008, en tant qu’ambassadeur des Etats-Unis.
Le Barrage de la Renaissance
Feltman s'attend à des positions divergentes et à des accusations mutuelles portées par l'Egypte et le Soudan à l'endroit de l'Ethiopie, en particulier, au sujet de l’obstination d’Addis-Abeba, et cela est de nature à rendre la mission du diplomate américain des plus délicates.
Samedi, le conseiller américain à la Sécurité nationale, Jake Sullivan, avait exhorté les dirigeants de l'Egypte, de l'Ethiopie et du Soudan, à coopérer pour résoudre leurs différends concernant le Barrage de la « Renaissance ».
Sullivan a indiqué que « l'action de l'émissaire spécial américain pour la Corne de l'Afrique, Jeffrey Feltman, se basera sur les constants efforts américains déployés pour résoudre les crises complexes »
Le gouvernement éthiopien avait annoncé, plus tôt dans la journée de samedi, qu'il procédera au remplissage de la deuxième partie du Barrage de la « Renaissance », à la date prévue, accusant « des parties étrangères et internes de vouloir livrer le pays au chaos ».
De son côté, le ministre soudanais de l'Irrigation et des Ressources en eau, Yasser Abbas, avait souligné, la veille, que l'Ethiopie faisait preuve d'atermoiements pour parvenir à un accord et œuvre à gagner du temps pour rendre le remplissage de la deuxième partie du Barrage comme étant un fait accompli ».
Pour sa part, l'Egypte a mené une série de mouvements diplomatiques à large échelle. Le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukry, s'était rendu dans sept pays africains pour exposer la position du Caire concernant les évolutions inhérentes au Barrage. Il s’agit du Kenya, des Iles Comores, de l'Afrique du Sud, du Niger, de la RD Congo, du Sénégal et de la Tunisie.
Addis-Abeba insiste à procéder à un deuxième remplissage du Barrage au mois de juillet prochain, indépendamment de la conclusion ou pas d'un accord.
Pour leur part, l'Egypte et le Soudan s’attachent à parvenir, en premier lieu, à un accord tripartite, à même de préserver leurs installations et équipements hydrauliques et de garantir leurs quote-part annuelles, respectivement de 55,5 et de 18 milliards de mètres cubes.
« Mission exclusivement diplomatique »
L’ancien directeur des départements des deux Amériques au ministère soudanais des Affaires étrangères, le Dr Rachid Abou Chema, estime que l'émissaire américain pour la Corne de l'Afrique a « une mission exclusivement diplomatique et qu'il ne parviendra pas à engranger de résultats pour résoudre la crise di Barrage ».
Dans un entretien accordé à Anadolu, Abou Chema a relevé que l'Ethiopie a rejeté la proposition soudanaise, en vertu de laquelle Washington intervient en tant que médiateur, au même titre que les autres médiateurs, en l'occurrence, les Nations unies, l'Union africaine et l'Union européenne.
Le diplomate soudanais a ajouté que la « mission de Feltman sera confrontée à la position du Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, qui fait face à des pressions internes et qui s'engagera dans des élections.
Le peuple éthiopien le soutient concernant le Barrage de la « Renaissance », raison pour laquelle il ne pourra pas se rétracter du remplissage de la deuxième partie du Barrage, même sans un accord contraignant comme le réclament l'Egypte et le Soudan.
A son tour, l'académicien, Haj Hamad Mohamed, a indiqué que Feltman viendra dans la région « pour se rassurer de la situation générée par les Etats-Unis dans la Corne de l'Afrique, afin que les choses demeurent sous leur contrôle ».
Dans une déclaration faite à AA, l’analyste politique a relevé que le « diplomate américain n'aura pas de rôle décisif ou influent dans la crise du Barrage de la Renaissance ».
Le dossier frontalier
Parmi les tâches de l'émissaire américain pour la région de la Corne de l'Afrique figure le dossier des frontières soudano-éthiopiennes et les tensions entre les deux pays, selon le communiqué du Secrétaire d'Etat américain.
Selon des observateurs, ce dossier sera plus facile à traiter pour l'émissaire américain, compte tenu de l'évolution des événements au cours de la période écoulée, dans la mesure où la question des frontières est en mesure d'être résolue si elle sera séparée du différend principal entre les deux pays, à savoir le Barrage de la Renaissance ».
Toutefois, Abou Chema relève que Feltman « ne réalisera pas de percée particulière dans la question des frontières également, dès lors que la position du Soudan est claire et que Khartoum se rétractera pas à imposer son influence sur son territoire ».
Depuis plusieurs mois, les frontières soudano-éthiopiennes sont le théâtre d'une tension sécuritaire, après l'annonce par Khartoum, à la fin de l'année 2020, de la prise de contrôle de territoires qu'il estime relever de son autorité, dans une région frontalière avec Addis-Abeba.
De son côté, l'Ethiopie accuse l'armée soudanaise de s'emparer de camps à l'intérieur de son territoire, ce que rejette en bloc Khartoum.
*Traduit de l'arabe par Hatem Kattou
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