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Après son retrait de la liste du terrorisme, la normalisation serait-elle le prochain pas pour le Soudan? (Analyse)

Mona Saanouni  | 21.10.2020 - Mıse À Jour : 21.10.2020
Après son retrait de la liste du terrorisme, la normalisation serait-elle le prochain pas pour le Soudan? (Analyse)

Hartum

AA / Khartoum / Adel Abderrahim

Khartoum a accueilli, très favorablement, la promesse faite par le président américain, Donald Trump, de retirer le Soudan de la liste des Etats qui parrainent le terrorisme. En effet, le pays est inscrit sur cette liste noire depuis 27 ans.

Lundi soir, Donald Trump a écrit dans un tweet : « D’excellentes nouvelles. Le nouveau gouvernement du Soudan réalise d’énormes progrès. Il a approuvé le versement de 335 millions de dollars aux victimes américaines du terrorisme et à leurs familles ».

Il a ajouté : « Lorsque cette somme sera déposée, je retirerai le nom du Soudan de la liste des Etats qui parrainent le terrorisme » sur laquelle ce pays africain est inscrit par Washington depuis 1993, à cause de l'accueil, à l’époque, par Khartoum du chef de l'Organisation d'Al-Qaïda, Oussama Ben Laden.

A la suite de la déclaration de Trump, le président du Conseil des ministres soudanais, Abdallah Hamdok a énuméré, dans une allocution télévisée adressée à son peuple, les bénéfices pouvant être tirés par le pays.

Il a ajouté que le Soudan « réintégrera la Communauté internationale après un isolement, qui a duré plus de 27 ans ».

De plus, a-t-il dit, « l'économie soudanaise pourra régler ses dettes, d'une valeur de 60 milliards USD, recevoir des dons et un appui financier après qu'il en avait été empêché ».

Hamdok a évoqué, également, des questions relatives à la technologie, à la création d'entreprises nationales, à la compagnie aérienne soudanaise, au transport maritime, et au réseau ferroviaire, autant de secteurs anéantis par les sanctions américaines.

Avant la déclaration de Trump, le Soudan avait, dans ce cadre, exécuté une série de requêtes et de conditions, s’agissant notamment de l'autorisation aux organisations internationales d'acheminer des aides dans des zones placées sous le contrôle des mouvements armés dans les provinces du Nil bleu, du Darfour et du Kordofan du Sud

Le Soudan avait également réalisé des progrès dans le dossier des droits de l'Homme et des libertés religieuses, de même qu’il a introduit une série de modifications sur ses lois nationales afin de les mettre au diapason des législations internationales, ainsi que dans le domaine de la paix globale dans le pays.

Le versement par le Soudan de la somme de 335 millions USD aux victimes du Destroyer US Cool et des attentats des ambassades américaines de Nairobi et de Dar es Salaam, représentent le dernier pas dans le dossier des négociations engagées entre Washington et Khartoum.

La résolution de ce différend fait partie intégrante des réclamations faites par les familles des victimes des attentats des ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie en 1998 et du bâtiment de guerre américain au large d’Aden en 2006.

*Un pas vers la normalisation

Dans un autre contexte, nombre d’observateurs estiment que Washington a procédé à cette mesure sur fond de disposition du Soudan à aller de l'avant sur la voie de la normalisation de ses relations avec Israël, en emboîtant le pas aux Emirats et au Bahreïn, les deux pays du Golfe qui ont signé un accord avec Tel-Aviv.

Ces observateurs estiment que les indemnisations ne sont que le début d'une série de mesures, afin de retirer le nom du Soudan de la liste des Etats qui parrainent le terrorisme. Il s'agit de la normalisation et de l'offre d'aides économiques à Khartoum.

Plusieurs médias, israéliens notamment, ont rapporté que la normalisation avec Khartoum se profile à l’horizon et s'approche, en se basant sur la série de changements et de déclarations faites par les responsables soudanais, de temps à autre.

Cette rapidité à lier entre ce processus et celui de la normalisation entre Israël et le Soudan s'est accrue, depuis le mois de février dernier, après l'évocation d'une rencontre du président du Conseil de Souveraineté soudanais, Abdel Fattah al-Burhan, avec le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, en Ouganda.

Abdallah Rizk, un influent analyste politique soudanais, a écrit sur sa page Facebook que « l'accord pourrait concerner l'amorce de pas sur la voie de l'établissement de relations diplomatiques avec Israël, dont les détails n'ont pas encore été tous dévoilés ».

Cependant, cette affirmation est nuancée et « contredite » par la position du Conseil des ministres et des « Forces pour la Liberté et le Changement » (Coalition au pouvoir), qui réitère qu’il n’y a pas de lien entre le retrait du nom du Soudan de la liste des pays qui parrainent le terrorisme avec la normalisation des relations avec Israël.

Lundi, un dirigeant des « Forces pour la Liberté et le Changement » a déclaré, en conférence de presse, que lors de la récente période, le retrait du nom du Soudan de la liste du terrorisme a été, à maintes fois, intimement lié à la question de la normalisation de ses relations avec Israël.

Il a tenu à préciser qu’à la suite d'un long dialogue avec l'Administration américaine, ce lien a été rompu, dès lors que la normalisation est une question différente, qui n'a point de liens avec la présence du Soudan sur la liste des Etats qui parrainent le terrorisme.

Ces évolutions coïncident avec les prévisions faites par des responsables israéliens, en vertu desquelles le président américain Trump annoncera, « dans quelques jours », une normalisation des relations entre Israël et le Soudan, selon la radio publique israélienne qui n'a pas dévoilé l'identité de ces responsables.

Le 23 septembre dernier, le président du Conseil de la Souveraineté soudanais, Abdel Fattah al-Burhan, avait eu des entretiens avec des responsables américains aux Emirats, avec qui il a traité de plusieurs questions, en particulier, la « paix arabe avec Israël ».

Des médias américains et israéliens avaient rapporté que Khartoum avait approuvé de normaliser ses relations avec Tel-Aviv, en cas de retrait du Soudan de la liste du terrorisme et de l'obtention d'aides américaines de plusieurs milliards de dollars.

* Les Gains de Trump

D'autres observateurs, en revanche, estiment que le tweet de Trump portant sur le retrait du Soudan de la liste du terrorisme (par Trump), n'a aucun lien avec Israël, et qu’il s’agit plutôt d’un acquis politique, dans sa campagne électorale, contre son concurrent démocrate Joe Biden.

Ces observateurs étayent leur point de vue en indiquant qu’à la fin du tweet en question, Trump s’adresse aux Américains. En effet, Trump écrit : « En fin de compte, la justice sera faite au peuple américain et il s'agit d'un bon pas pour le Soudan ».

Selon ces observateurs, il s'agit d'un signal clair que Trump vise l’électeur américain et cherche son intérêt présent, en réussissant à ramener, du Soudan, des indemnisations au profit des Américains, lui qui affrontera, dans moins de deux semaines, son rival démocrate dans un scrutin qui s’annonce indécis.

Le tweet du président américain intervient à un moment où la course électorale entre Trump et Biden bat son plein, en prévision de l'élection américaine qui se tiendra le 3 novembre prochain.

Le Soudan évolue au rythme d'une phase transitoire, qui a débuté au mois d'août 2019, après la chute du Régime de l'ancien président Omar el-Béchir, sous la pression d’une protesta populaire, depuis le mois d'avril de la même année.

Le Soudan est le théâtre, depuis 2003, de deux conflits armés, le premier dans la province du Darfour et le second qui oppose les forces gouvernementales au Mouvement populaire (Opposition) dans les provinces du Nil bleu et Kordofan-Sud, depuis 2011.

*Traduit de l'arabe par Hatem Kattou

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